lundi 4 septembre 2006

The Beach Boys - IN-DI-SPEN-SA-BLE

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Les Beach Boys ne figurent pas dans mon Top 100. Pourquoi ? Parce que justement, c’est un Top 100. J’ai d’abord élaboré un Top 170 et des poussières, puis j’en ai supprimé plusieurs, dont Pet Sounds. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne mérite pas d’être évoqué, et cette quinzième réédition (et encore je compte large) m’en donne une excellente occasion. J’ai sélectionné des disques qui avaient une grande valeur sentimentale à mes yeux, la plupart se rapportent à des périodes précises de ma vie. Pet Sounds, c’est autre chose : un chef-d’œuvre. Une pierre angulaire. On ne peut pas prétendre connaître quelque chose en matière de musique (tous genres confondus) si on ne connaît pas ce disque.

Parce qu’il n’y a qu’un seul Pet Sounds, de même qu’il n’y a qu’un seul Sgt Pepper's et même un seul Requiem de Mozart (je pousse un peu, soit). Ce disque là surclasse quasiment tout ce qui a été fait durant la seconde moitié des années 60. C’est un improbable patchwork musical et, surtout, émotionnel. Toutes les émotions d’une vie contenue dans un seul disque.
Entendons-nous bien : j’estime que cette nouvelle édition n’apporte strictement rien au disque initial. Au contraire, elle aurait même tendance à le desservir. A l’origine, Pet Sounds renfermait treize titres. Il s’ouvrait sur « Wouldn’t It Be Nice », sa petite introduction merveilleuse et sa rythmique millimétrée, et se refermait sur la grâce absolue de « Caroline, No ». Puis, lors de la première édition CD (fin des années 80), la set-list est passée à 14 avec l’ajout de l’excellente « Hang on to Your Ego » - mais ce n’était déjà plus tout à fait pareil.

En cela, cette édition 40th Anniversary est une aberration totale. Déjà parce qu’elle ne rime à rien (on a déjà eu droit à une version 30th Anniversary, dont c’est d’ailleurs le dixième anniversaire cette année, ce qui pourrait donc induire une version Pet Sounds 30th Anniversary : The 10th Anniversary Deluxe Edition). Ensuite parce qu’elle contient désormais 41 titres, dont une bonne partie sont des versions dites « stereo », les autres des morceaux figurant sur d’autres albums du groupe. Bref, ce n’est plus Pet Sounds mais Pet Sounds avec en guise de bonus un greatest hits des Beach Boys. Du n’importe quoi total, vous en conviendrez.

A plus forte raison parce que l’album en lui-même est un tout compact qui ne peut être disséqué. Les compilateurs de tout crin l’ont bien compris : sur la plupart des best of du groupe, on trouve finalement assez peu d’extraits de leur album le plus populaire – ce qui vous l’admettrez peut paraître pour le moins paradoxal.

A la vérité, « God Only Knows » est une des plus belles chansons de tous les temps. Quarante après, les arrangements sont toujours aussi incroyables, les voix magnifiques…  ça n’a pris une ride, ce serait sorti hier qu’on ne verrait pas la différence. Seulement « God Only Knows » encadrée par autre chose que la reprise de « Sloop John B. » (juste avant) et l’admirable et dépouillée « I Know There’s an Answer », ce n’est plus tout à fait « God Only Knows ». Chaque chanson a une place précise, c’est quasiment d’un concept-album qui ne dit pas son nom qu’il s’agit. Cela va même plus loin que les chansons : chaque note, ces fameuses notes que Brian Wilson entendait dans sa tête, constitue une pierre de l’édifice.
Un disque vital, d’autant plus essentiel qu’il est en réalité le dernier coup d’archet des Beach Boys. Après cela, Wilson va se lancer dans l’entreprise à jamais engloutie de Smile (qui aboutira au tragique Smiley Smile en 67, puis plus tard au Smile de Wilson en 2004, qui, n’en déplaise, ne sera jamais le vrai Smile). Il y aura d’autres bonnes chansons, mais jamais rien d’équivalent à Pet Sounds.

Par conséquent, vous pouvez oubliez cette réédition foireuse et d’autant plus injustifiée qu’aujourd’hui la plupart des autres albums de Beach Boys sont réédités n’importe comment, et vous jeter sur n’importe quelle édition simple de ce chef-d'œuvre mythique et intemporel.


👑 Pet Sounds 
The Beach Boys | Capitol, 1966