mardi 1 août 2006

Le Mauvais Œil - Un peu sur la faim...

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Dès les premières lignes, les auteurs instaurent un climat de mystère. Rémy marche, où, pourquoi ? Dans le brouillard semble-t-il… puis peu à peu on comprend, les choses s’éclaircissent (mais pas pour longtemps) : depuis six ans, Rémy est paralysé et à moitié amnésique. Un choc traumatique dû, a priori, au décès de sa mère. Jusqu’à ce qu’il retrouve l’usage de ses jambes via l’aide d’un curieux guérisseur. Son premier geste, une fois remis, est d’aller fleurir la tombe de sa dite mère. Mais à sa grande surprise, en arrivant au Père Lachaise, il ne trouve pas trace d’elle dans le caveau familial. Plus étrange encore : il semble que ce décès n’ait pas été enregistré…

Les premières lignes instaurent donc ce climat de mystère… mais que cache donc l’étrange manoir de la famille Vauberet ? Quels lourds secrets sont enfouis dans la mémoire du jeune homme ? Pas grand-chose de très surprenant, à dire vrai, mais ce n’est pas l’important : tout le roman repose sur cette question de l’identité et de l’oubli. Et durant les trois quarts du livre, ça marche parfaitement. Malheureusement la mécanique des maîtres horlogers du mystère semble se détraquer vers la fin. De manière assez inexplicable, comme si ce roman était inachevé : une mort suspecte absolument pas exploitée, une romance naïve qui vient se greffer par-dessus l’énigme de départ sans rien apporter à l’histoire, et un final incompréhensible tant il est bâclé…

Entendons-nous bien : qu’on ait plus ou moins deviné le pourquoi du comment n’est pas bien grave en soi. Ce qui est plus ennuyeux, c'est que la manière dont cette explication est amenée semble littéralement expédiée, sans véritable conviction de la part des auteurs. Comme si, finalement, le dénouement était bien moins important que tout ce qui le précède.

Ce n’est certes pas faux, et effectivement Le Mauvais Œil est un bon livre. L’écriture est fluide, la psychologie des personnages (marque déposée de Narcejac) parfaitement fouillée… simplement, si cela suffit à racheter la fin, le résultat est un ouvrage mineur de la part d’une paire d’auteurs majeurs.


Le Mauvais Œil 
Pierre Boileau & Thomas Narcejac | Robert Laffont/Bouquins, 1956