samedi 29 juillet 2006

Le Temps du recueillement...

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°32]
Elite Hotel - Emmylou Harris (1975)

La première rencontre avec la country est quelque chose de fabuleux et d’indescriptible. Elle arrive en fait le jour où vous comprenez que la country, le blues, la folk, le punk... tout ça c’est la même tambouille : des gens qui viennent vous raconter des histoires. Rien de plus, rien de moins. Alors vous essayez, une fois, pour voir, d’écouter de la country. Et puis vous ne vous arrêtez plus.

Surtout si cette première rencontre se fait avec Emmylou Harris et sa voix sublime. Une pureté incroyable, tellement pure qu’on a l’impression qu’elle va se briser si elle monte un peu plus.


On oublie généralement de le préciser, mais contrairement à ce qu’on peut lire ici où là, Elite Hotel n’est pas le premier album d’Emmylou Harris, mais le second. Le premier, sorti en 1968, a été rapidement effacé des mémoires, essentiellement parce qu’entre temps la jeune femme a rejoint Gram Parsons, mettant sa carrière solo entre parenthèses durant cinq années qui aboutirent aux deux disques légendaires de son non moins légendaire mentor : G.P. et Grievous Angel. Il faudra deux ans à la belle (la magnifique) Emmylou pour se remettre de la mort prématurée de celui auquel elle dut tout ou presque. Deux ans, et un album, Elite Hotel, qu’elle enregistre dans la douleur et entre deux sanglots avec l’ex-groupe de Parsons, les Flying Buritos.

Un album qui ressemble beaucoup à un hommage : Gram Parsons, L’Ange de la country, est crédité sur trois titres dont un, « Wheels », qui est un improbable et superbe duo. Parsons est mort depuis deux ans déjà, mais son ombre plane sur l’ensemble du disque. « Together Again », « Sweet Dreams »… les chansons sont plus qu’explicites, et si les mélodies sont légères la voix est bien trop chargée en émotion pour ne pas faire ressentir à l’auditeur la profonde tristesse de la jeune chanteuse. La douleur est sourde, discrète, elle se niche dans un petit accord de guitare en introduction de « ‘Till I Gain Control Again » ou dans l’apparente désinvolture de « Satan’s Jewel Crown ». Dans la bonhomie d’un « One of these Days » comme dans la lourde colère de « Sin City » (duo réalisé a posteriori).

Le plus fascinant, c’est que rien ne prépare réellement l’auditeur à ce voyage. Sur la pochette, Emmylou Harris est resplendissante. Belle et souriante, un ange ou presque. La mélancolie du contenu se révèle inversement proportionnelle à la légèreté de l’emballage. Emmylou Harris savait-elle en 1975 que ce disque sur lequel elle n’a composé qu’un seul titre (« Amarillo ») serait le premier d’une carrière interminable et presque toujours parfaite ? Sans doute pas. L’heure est alors encore au recueillement, à l’hommage. Et pour se faire, rien ne vaut « Here, There & Everywhere », la plus belle chanson des Beatles chantée les sanglots en travers de la gorge. McCartney n’aurait pas fait mieux. Il n’a pas, et n’aura jamais, la grâce subtile d’Emmylou Harris, désormais devenue une figure si imposante de la country qu’elle en est quasiment inattaquable, même lorsqu'elle enregistre avec Mark Knopfler (quoique).

Il faut dire que commencer sa carrière avec un tel album est plutôt bon signe.

De même, commencer à s’intéresser à la country avec Elite Hotel ne peut que donner envie de continuer…


Trois autres disques pour découvrir Emmylou Harris :

Luxury Liner (1977)
Cimarron (1981)
Wrecking Ball (1995)