lundi 17 juillet 2006

Jim Harrison - Une rédemption

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True North, c’est l’histoire d’une fuite. Celle de David, qui fuit Marquette pour échapper à la sombre destinée familiale et à l’ombre effrayante d’un père violent, alcoolique, et d’ancêtres abjects ayant exploité les ressources forestières du Michigan durant des décennies…

Pourquoi cette fuite, pourquoi maintenant ? Quel est l’atroce secret qui déclencha cette échappée pas belle ? Tout cela n’a qu’une importance mineure. True North est avant tout un roman initiatique, un vrai, comme on n’en voit plus des masses de nos jours. L’histoire d’un jeune homme qui, en voulant fuir ses propres démons, finit par découvrir qui il est et comment il peut ou doit racheter les péchés de son père.

C’est un livre étrange, beau et fascinant, imparfait mais troublant. Le début fait peur, on craint que Jim Harrison ne tombe dans des travers qu’on ne lui connaissait pas. Les rapports de David et de son père, esquissés d’entrée mais pas vraiment approfondis durant une bonne moitié du roman, relèvent d’un manichéisme un peu désagréable : le gentil David fuyant le méchant papa. Et puis, de manière presque miraculeuse, tout se met tranquillement en place. Le sujet, finalement, est assez simple : aussi loin qu’on fuira, on n'échappera jamais à ses démons. De même, David finira par se retourner pour les affronter et, peut-être, gagner la rédemption. Ça, on le comprend assez rapidement. Tout l’intérêt du livre réside dans le comment. Comment David va-t-il en arriver à cette conclusion. Quelles seront les rencontres qui détermineront sa quête identitaire, quels seront les évènements qui lui donneront la force de faire le chemin inverse et de balayer devant sa porte…

Cela passera par une galerie de personnages marginaux, souvent amusants. Quelques hommes, et plusieurs femmes admirablement croquées par la plume délicate d’un Jim Harrison jamais didactique, préférant le sous-entendu et l’ellipse aux schémas narratifs traditionnels. Son roman est tout en flash-backs, en réminiscences chaotiques, en résurgences douloureuses… et il est terriblement touchant.

Les mauvaises langues auront bien sûr beau jeu de dire que, comme dans tout Jim Harrison qui se respecte, on trouve dans True North de grandes étendues sauvages qu’on jurerait tout droit sorties d’un film de John Ford, et de lourds secrets de famille qui ne vont pas rester enfouis bien longtemps. On peut ne pas y adhérer, ce n'est pas forcément ma came, mais lorsque Harrison écrit à ce niveau de grâce, il est difficile de résister.


👍👍 True North [De Marquette à Vera Cruz] 
Jim Harrison | Atlantic Monthly, 2004