jeudi 8 juin 2006

Vincent Ravalec - Narrer l'inénarrable

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Je ne vais pas revenir sur le « cas » Ravalec, déjà traité plus tôt. Ce serait redondant et surtout ce serait une perte de temps considérable tant il y de choses à dire sur ce livre précisément.

Quoique. On pourrait en dire beaucoup comme on pourrait en dire peu. Le principal problème étant qu’il est totalement impossible à résumer. Ça pourrait commencer par une rapide accroche, comme par exemple comment la vie de Louis bascule du jour au lendemain à son retour d’Afrique… mais après que dire ?

Dans L’Effacement progressif des consignes de sécurité on retrouve à peu près tout et rien, angoisse de fin de millénaire, mysticisme, explosions technologiques, réincarnation, confusion rêve/réalité, magie noire… comme une version romanesque et apocalyptique du Videodrome de David Cronenberg. Dans un style fulgurant, Ravalec opère un incroyable renversement des valeurs occidentales, piétine tour à tour les religions, Internet, les fantasmes, le capitalisme… tous les grands rêves des sociétés occidentales sont passées dans un immense mixer co(s)mique qui posera fatalement problème au lecteur : faut-il lire ce livre au premier ou au 90ème degré ? La question mérite d’être posée, car Vincent Ravalec, dans ses interviews, semble y croire dur comme fer.

On aura donc le droit de trouver ça stupide ou totalement ridicule ; on aura le droit de se moquer de cette histoire totalement invraisemblable, tirée par les cheveux, qui bascule totalement à chaque chapitre, passe de l’ignoble au grotesque et de la métaphysique à la pantalonnade. Comme si l’auteur refusait du début à la fin de choisir en la philo et le potache, comme s’il se foutait totalement de ce qu'il va advenir des personnages à la fin du roman…

… impression bien sûr totalement fausse : sous ses apparences incohérentes et chaotiques, L’Effacement progressif des consignes de sécurité (ce titre, déjà !) est un bordel totalement maîtrisé du début à la fin. Par instants on perd un peu le fil, on sourit en se disant que finalement Ravalec écrivait des textes plus compréhensibles à l’époque où il se droguait (dans le temps son écriture semblait dopée aux amphéts, à présent ce sont ses sujets qui sont à consommer sous LSD). On râle parce que ça traîne, parce qu’on ne voit pas où il veut en venir, on se dit « c’est trop là, j’arrête » et pile à ce moment là on s’esclaffe devant une petite phrase tordante et on y retourne pied au planché.

Le seul défaut du livre, finalement, c’est sa longueur. Mais à partir du moment où l’on aura accepté de rentrer dans l’univers volontairement bancal de l’auteur, il sera difficile d’en décrocher.


👍👍 L’Effacement progressif des consignes de sécurité 
Vincent Ravalec | Flammarion, 2001