mercredi 3 mai 2006

Heavy as a Really Groovy Thing

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°3]
Acme - The Jon Spencer Blues Explosion (1998)

Le rock était mort. C’est ce qui se disait à l’époque, partout, dans la presse… et moi comme tout ado je croyais ce qu’on disait. Et un jour on m’a proposé d’aller voir un groupe au nom à rallonge dont je n’avais jamais entendu parler : The Jon Spencer Blues Explosion.

C’était une petite salle et c’était surchauffé. Pas seulement parce qu’il y avait du monde mais aussi et surtout parce que le groupe était juste génial.

Personne n’a jamais trop su pourquoi il s’appelait comme ça. Bon, il y avait bien Jon Spencer sur scène (je ne vais pas vous faire sa bio, ce serait un peu long car le gaillard a des états de service plus que convaincants), et niveau explosion pas de problème : sur scène le trio infernal Spencer-Bauer-Simmins est une incroyable machine de guerre. Ce soir là on a eu droit à 1h00 pile de show 200 % rock n’roll, quasi non-stop, même pas de respiration entre les morceaux. Spencer donnait la note et les deux autres envoyaient la sauce derrière. Point barre. C’était indescriptible, infernal, d’une énergie, d’une désinvolture et d’une classe unique. Court certes, mais tenir plus d’une heure un rythme pareil relèverait je pense de l’autodestruction.


Restait à découvrir les disques. Là, surprise : les albums n’avaient rien à voir. Hyper sophistiqués et travaillés, volontiers expérimentaux… j’arrivais à peine à me mettre dans le crâne que pourtant c’était bien le même groupe ; en plus j’avais toujours pas trouvé où était le Blues du nom (mais rassurez-vous personne ne l’a jamais su).

Acme est encore pire que les autres. Les fans le déteste. Spencer et ses potes y font des choses folles : ils cherchent à faire avancer le rock. Un truc terrible. Ils osent même faire appel à des collaborateurs aussi ridicules que Beck, Dan The Automator et Alec Emprie, rien que des poids plume. Ils osent publier un disque de rock'n’roll moderne et original, groovy en diable (ah ! ce « Lovin’Machine »), bourré de chansons aux mélodies immédiates (« Magic Colors », « I Wanna Make It Alright »).

La honte quoi ! défricher de nouveaux terrains musicaux, non mais franchement, où va le monde !

Plus tard j’ai compris que ce n’étaient pas ce que les fans voulaient. Les fans du groupe veulent entendre sur disque ce qu’ils voient sur scène : du rock hyper speed et sans fioritures. Quand Acme est sorti ils se tamponnaient totalement de savoir que le JSBX (pour les intimes) avait eu conscience des limites : bien avant les White Stripes ils avaient eu l’idée de faire du rock sans bassiste. Ok, no problem, seulement on fait quoi après ?

De deux choses l’une : soit on fait comme les White Stripes et on refait le même album indéfiniment, soit on fait comme le Blues Explosion et on essaie de bosser un peu la production, en continuant de publier des chansons de qualité comme « Calvin » ou ce « Do You Wanna Get Heavy? » tellement pas heavy que j’ai toujours cru que c’était pour se foutre de la gueule de leurs fans les moins tolérants.

Vous savez quoi ? Eh bien j’ai revu le groupe deux fois sur scène depuis cette magnifique année 1998. Et les deux fois j’ai été littéralement scié. Parce que même les chansons les moins évidentes d’un disque comme Acme passent comme des lettres à la poste quand le trio est en forme – et ce trio est toujours en forme, un des plus grands groupes de scène du monde.

A vous de voir comment vous voudrez frayer avec la schizophrénie de Jon Spencer. Vous pouvez acheter un de ses disques totalement marteaux et barrés, ou bien vous pouvez aller vois le Blues Explosion sur scène et vous en prendre plein les yeux et les oreilles même si vous ne connaissez pas la moindre chanson – n’importe qui aimant le rock sera sous le charme de leurs performances.

Vous vous doutez évidemment que, pour ma part, je prescris les deux.


Trois autres disques pour découvrir The Jon Spencer Blues Explosion :

Extra Width (1993)
Orange (1994)
Controversial Negro (1997)