samedi 6 mai 2006

Women - Inner Feelings & Fuckfullness

...
On peut prendre Women de deux manières.

Certains n'y verront qu'un improbable enchaînement de scènes de sexe crues et mal écrites. D'autres y devineront en sous-entendu un homme, autrefois grand séducteur, devenu... comment dire? Un peu trop vieux et un peu trop malade pour coller à son mythe. Women est une entreprise aussi folle qu'inutile : Bukowski tente de raconter toutes ses aventures par le menu. Même pas d'essayer d'esquisser de manière plus profonde la nature de ses relations avec la gent féminine, non non. Juste raconter. Il a promis à son épouse de ne plus parler de sexe dans ses oeuvres, alors il essaie de tuer ce vieux démon en lui consacrant un roman entier... Personnellement je doute qu'il en ait "fait" autant qu'il le prétend (dans le cas contraire, ce type est mon héros !)... à côté de lui, c'est sûr, Delon est un dragueur de Prisunic. C'est bien simple : on a l'impression qu'une femme ne peut croiser Buk sans avoir envie de coucher avec lui.

Le plus important est de toute façon et bien sûr ailleurs : une fois encore, le récit est baigné d'une nostalgie étrange et envoûtante. On a tendance à oublier que la grande majorité de ses textes ont été écrits a postériori : en 1978, Bukowski est encore considéré comme un "espoir" de la littérature - pourtant il a déjà pas loin de soixante ans. Or donc, il est inutile de se forcer pour deviner que la réalité se mélange totalement à la fiction, dans une de ces tambouilles littéraires dont lui seul avait le secret.

Un livre paradoxal : c'est à celui-ci que Buko doit sa réputation d'affreux macho, alors que justement, en le lisant, on comprend que c'est tout le contraire : toutes ces femmes sont meurtries et fortes à la fois, drôles, indépendantes... pas du tout les poupées gonflables que les critiques littéraires de l'époque montrèrent du doigt. Bon, ok, elles sont toutes un peu dérangées, mais pas plus que Bukowski lui-même. Lequel n'essaie jamais, à aucun moment, de se donner le beau rôle. S'il s'est comporté comme un salaud, il l'assume totalement - et évite de tomber dans l'excès inverse en s'accablant. Et s'il n'emploie jamais le mot, on comprend qu'il s'agit là d'amour - ni plus ni moins: "Chinaski est en train de perdre ses couilles. Et il en est fier."

Bref, encore un roman superbe, drôle et acerbe - bukowskien en somme. Dominé par le personnage de Lydia, la femme qui louche, l'un des plus beaux portraits de femme que j'ai lus...


👑 Women 
Charles Bukowski | Black Sparrow, 1978