dimanche 1 juin 2014

Injustice - Un petit noir bien serré

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Parfois, quand il en a assez de jouer les second rôles à l'accent chantant dans des gros nanars américains (Camelot, The Philantropist, le récent The Following voire même l'ultra surcoté Rome), James Purefoy rentre dans son Angleterre natale avec la satisfaction du devoir accompli, s'allume un cigare et lit les scripts que des gens talentueux mais autrement plus fauchés que ses employeurs habituels ont écrits pour lui. Toujours ouvert aux bonnes idées, et surtout toujours en quête d'une gloire qui le fuit avec une belle régularité depuis le début des années quatre-vingt-dix (être recalé non pas une, mais deux fois pour le rôle de James Bond, ça confine à la malédiction), il se retrouve ainsi une fois tous les trente-six du mois à donner de son temps pour une production locale, et redécouvre le bonheur d'être une star, pas juste un porte-manteau au sourire inquiétant (ce qu'il faisait cependant très bien dans la plupart des shows susnommés).

Dans Injustice, il est un avocat que le système a fini par pousser dans ses dernier retranchements et qui, suite à une grave dépression, entreprend de rendre la justice lui-même. Autant dire que nous ne somme pas vraiment dans l'originalité la plus folle, même s'il ne s'agit en réalité pas vraiment d'une série de vigilante et que le détournement s'opère assez subtilement. D'une part parce qu'on ne le voit pas du tout venir : la construction narrative est ainsi faite que la plupart des faits se sont déjà déroulés et sont dévoilés à rebours, et au compte-goutte. Contrairement à la plupart des histoires du genre, Injustice ne raconte pas le glissement d'un homme vers la violence, ou plutôt le raconte-t-elle en partant de ce qui constitue non pas sa part d'ombres, mais sa part de lumière (sa vie quotidienne, son travail, son éthique... qui paradoxalement l'amèneront à tomber.) Le spectateur n'ayant pas lu le synopsis (c'est râpé pour ce qui vous concerne, mais peut-être aurez-vous comme moi la chance de l'oublier d'ici votre visionnage !) pourra ainsi passer les 40 premières minutes de la série sans trop savoir ce qu'il regarde, à suivre trois histoires parallèles ne menaçant jamais de se chevaucher jusqu'à ce que la dernière scène du pilote vienne rebattre les cartes : d'un côté, donc, William Travers, avocat brillant qui récupère de sa dépression et accepte de se charger du cas d'un ancien camarade de fac ; de l'autre, son épouse Jane, qui enseigne la littérature dans un centre de rétention pour mineurs ; et enfin, dans un dernier temps, le D.I. Mark Wenborn, qui enquête sur le meurtre de sang froid d'un ancien activiste pour le droit animal.

Très sombre, Injustice n'est pas exempte de quelques lourdeurs (les visions de Travers, notamment, sont non seulement kitsch mais à peu près inutiles au récit), mais compense ces défauts par une capacité folle à maintenir le rythme tout en déroulant des intrigues de plus en plus sinueuses au fil des épisodes. Surtout, composée par un ancien scénariste de Poirot (le seul, le vrai : celui incarné par David Suchet durant vingt-cinq ans et treize saisons), elle brille souvent par l'intelligence de ses parti-pris, au nombre desquels le choix d'être un thriller psychologique reposant sur la suggestion plutôt qu'une histoire de règlements de comptes sanglants (hormis durant de brefs flashbacks, on ne voit quasiment jamais le "tueur" en action, ce n'est tout simplement pas le propos). Elle utilise de même un ressort usé mais diablement efficace pour brouiller les pistes, distribuant les rôles de manière à ce que Travers et Wenborn soient sur un pied d'égalité aux yeux du spectateur : le tueur tue, soit, mais il est hanté par ses actes, rongé par le remords et, dans le civil, demeure un personnage sympathique et honnête ; le détective, lui, est d'une intelligence aiguë mais n'est qu'un ignoble connard, arrogant, vaniteux, époux méprisant et volontiers abusif, qui n'est motivé que par le désir de gloire et de notoriété (une scène le montre même se réjouissant de bientôt passer à la télé s'il parvient à coincer ce tueur).

Il n'y a certes rien là qui justifie de crier au génie ; juste du savoir faire, ce qu'il faut de malice, et un casting qui tient debout. Le genre de série passée plus ou moins inaperçue que l'on s'empresse de noter à l'approche de l'été, et qui offre exactement ce qu'elle promet : suspens, atmosphère, tension. A voir.


👍 Injustice 
créée par Anthony Horowtiz
ITV, 2011

4 commentaires:

  1. Vrai qu'il a fait quelques daubes, le James ;)

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    1. Et encore, je n'ai cité que les séries télé :-D

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  2. C'est triste quand même de plus avoir son lot de golbitude quotidien comme à la grande époque du golb. J'espère que t'as pas arrêté complétement d'écrire.
    Au plaisir de te lire,

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  3. Je n'écris vraiment plus beaucoup, en effet. La fatigue, l'âge, peut-être. Mais comme tu vois, je suis toujours là. De temps à autres.

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