dimanche 21 avril 2013

Extras - Mauvais profils

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Les Anglais raffolent des beautiful losers. Ces antihéros que l'échec rend admirables, bouleversants, extraordinaires même dans la plus désarmante banalité. A ce sujet ils ont commis des livres, des films et même quelques chansons pas piquées des vers. Pur produit de la contre-culture de son pays, Ricky Gervais a toujours excellé dans ce genre de portrait, avec souvent en prime un zest de cruauté qu'on a (presque) toujours su lui excuser : après tout, qui n'a jamais eu envie de taper sur les connards, les beaufs, les crétins congénitaux ? L’œuvre entière de Gervais, qui à défaut d'être le plus drôle est sans doute l'un des auteurs les plus violents de notre époque, n'est qu'un interminable combat contre la connerie humaine que l'on a été plus d'une fois heureux de le voir livrer à notre place. Sauf que la satire au vitriol a comme toutes choses ses limites. Revoir Extras à la lumière de dernières production de l'Anglais (Derek ou le tragique Life's Too Short) est en ce sens... éclairant, c'est le cas de le dire.

Il y a dans Extras tout ce qu'on ne trouve quasiment jamais dans ce qu'a pu produire l'auteur de The Office depuis - en gros - qu'il est devenu une star internationale. De la tendresse, de l'empathie. De l'amour en fait - pour tous ces paumés, ces imbéciles malheureux, ces losers qui s'accrochent déraisonnablement à leurs rêves humides d'ados plutôt que d'accepter la nullité de leur existence et de se fondre dans le moule.

La série est facile à résumer : elle est une ode au cinéma entonnée par les voix de ses sans-grades, figurants inutiles et interchangeables, officiellement en quête de gloire - officieusement en quête d'amour et de bête attention. Andy et Maggie, les deux héros tout cassés et tout tristes de la série, ne sont même pas rien - ce serait déjà leur faire trop d'honneur. Ils sont moins que rien. Quantité négligeable. Des extras dont on pourrait aussi bien se passer, qui passent leur vie à graviter autour des stars, les côtoient matin midi et soir sans jamais réussir à nourrir serait-ce pour quelques secondes l'illusion d'appartenir au même monde. Le pourraient-ils d'ailleurs qu'ils ne le feraient pas : ils sont à ce point brimés socialement que chaque fois qu'apparaît l'opportunité d'approcher la lumière, au moins par ricochet, ils fuient à toutes jambes ou font inconsciemment tout foirer (ce qui revient finalement au même). Emmurés dans l'interdit social, ils se contentent donc d'avancer d'échec en échec, invariablement, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie affective (les deux ont de toute façon tendance à se confondre).

Comme souvent dans ce genre de show, plus l'épisode est amer et plus il est drôle, et plus les personnages se prennent de vestes et plus l'on rit. Mais à la différence de beaucoup d'autres, on parvient à compatir, parfois en dépit de tout bon sens. Parce que - c'est ce que Gervais oublie trop souvent désormais - ce duo de paumés, avant d'être paumés et avant même d'être un duo comique, se compose de deux individus simples et profondément attachants. Lui avec sa bedaine, son air désolé et sa manière de toujours trouver matière à rire de sa résignation. Elle avec son éternel optimisme, ses bides sentimentaux écœurants et son sourire adorable que personne ne semble voir parce qu'elle est une petite nana normalement fichue. C'est aussi ça Extras, même si la série a l'intelligence ne le jamais le dire explicitement : la vie désolante de gens aux physiques ordinaires dans un monde ne jurant que par l'apparence. Avec dix centimètres et un bonnet de plus, Maggie pourrait devenir l'une de ces starlettes qu'elle regarde de loin, mi-envieuse mi-perplexe. Avec cinq kilos de moins, Andy pourrait prétendre à d'autres rôles que celui du petit gros en arrière-plan. Rien ne les séparent de ceux qui réussissent. Quasi rien. Deux broutilles et un détail. Soit donc deux ou trois mondes.


👍👍👍 Extras (saison 1 & 2)
créée par Ricky Gervais & Stephen Merchant
BBC Two/HBO, 2005-07

19 commentaires:

  1. Surement une des séries que j'ai les plus aimées ces dernières années. C'est vraiment super drôle et en même temps vraiment touchant. Et puis bon, les guests quoi... Kate Winslet en conseillère de phonesex, ha ha :)

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    1. Et Orlando Bloom. Enorme Orlando Bloom ^^

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    2. Et Orlando Bloom en effet ;)

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    3. Dans les guests, il y a aussi l'épisode avec Bowie, qui est assez génial !

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    4. Une prestation mémorable, oui.

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  2. J'ai rarement été aussi attendrie par un personnage de série que par celui de Maggie. Elle est vraiment trop mignonne, et fragile, pleine de bonnes intentions et en même temps, elle ne déclenche que des catastrophes. C'est adorable.

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    1. Avec ses peluches ! :-S

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    2. Je suis absolument d'accord. Maggie m'a arraché des larmes à je ne sais combien de reprises. Pourtant le personnage est assez couillon, mais elle a quelque chose de tellement enfantin qu'elle en devient extrêmement touchante.

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  3. Elle était sur ma watchlist à une époque et puis je sais pas, j'ai dû l'effacer. Merci pour la piqûre de rappel ;-)

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  4. Putain, ça fait des années que je veux la voir mais j'ai jamais réussi à mettre dessus (légalement).

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    1. Ben dit t'as pas dû chercher loin : http://www.amazon.fr/Extras-Lint%C3%A9grale-saison-Ricky-Gervais/dp/B00699QP32

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    2. Je ne regarde pas tous les deux jours non plus^^

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    3. Ce n'est effectivement pas la série la plus difficile à trouver. Mais bref ;-)

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  5. Excellente série, en effet. Je crois même que je préfère à The Office, mais c'est peut-être parce que j'ai trop revue cette dernière.

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    1. Je préfère tout de même The Office ; à l'époque, on n'avait jamais rien vu de pareil, c'était extrêmement novateur aussi bien sur le fond que sur la forme. Extras est une excellente série, mais elle est tout de même beaucoup plus conventionnelle dans son écriture (et dans ses thèmes).

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  6. Cette série est, quand même, très cruelle. Surtout la saison 2, dans laquelle Andy devient un vrai connard, et Maggie, la grosse nouille qu'elle a toujours été. L'émotion, c'est surtout la saison 1...

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Ce n'est pas complètement faux. Cela dit "vrai connard", c'est excessif. "Devient" aussi, d'ailleurs ^^

      Andy est dès le début un type assez lâche qui cherche en permanence à éviter le conflit et ne s'y retrouve confronté que parce que Maggie multiplie les gaffes. La saison 2 ne fait que systématiser ce principe. Après, oui, elle est différente de la première, mais je l'aime beaucoup également même si c'est presque une autre série, parfois.

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