dimanche 24 mars 2013

Good Cop - "Long Day. Never Ending."

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[Taux de spoil : 12 %] La violence est une spirale. Ce n'est pas une révélation, ce n'est pas une nouveauté - c'est à peine un constat. Mille polars, certains bons et pas mal de médiocres, ont développé cette idée. Il serait idiot de prétendre que les quatre épisodes Good Cop, diffusés en septembre dernière sur la BBC, racontent autre chose ou tentent même de se démarquer des quatre cents histoires identiques que chaque spectateur a en tête au moment d'attaquer son pilote. Pourtant, dès les premières minutes, ont comprend qu'à défaut d'être différente, Good Cop ne sera pas pareille. Parce que son atmosphère est à couper au couteau dès le premier plan (un type marchant vite et haletant au milieu d'une ruelle nocturne). Parce qu'elle pue Liverpool et sa campagne et sa banlieue rivalisant de grisaille. Parce qu'elle offre enfin un premier rôle solide à l'increvable Warren Brown, éternel second couteau de la télévision britannique (Shameless, Spooks, Dead Set, Criminal Justice, Luther... le garçon joue dans trois à quatre séries par an depuis dix ans).

En s'ouvrant sur un flashforward, elle annonce déjà la couleur (très) sombre ; ce n'est certes qu'un flashforward renvoyant à la moitié du premier épisode, mais il pourra aisément faire office de bande annonce à tout ce qui va suivre. Si Good Cop ne semble jamais être une resucée de choses vues mille fois ailleurs en mieux, c'est en grande partie parce que son écriture faussement simple joue sur ce que le spectateur est capable de deviner de lui-même, créant un ressort tragique aussi habile que facile à manier. L'incipit est à peine passé que l'on sait déjà comment va se finir la série. C'est une évidence. Le reste ne sera plus qu'un développement parfois suffocant de tension, l'étalage d'une mécanique narrative implacable comme une spirale de violence.

En un sens, Good Cop évoque un épisode de Southland ou de NYPD Blue qui se déroulerait dans le Merseyside et se détraquerait sauvagement en son milieu. John Paul Rocksavage (ce nom...) est ce flic ordinaire qu'on a croisé tant de fois dans tant de procéduraux, sérieux, appliqué, souvent compatissant. Il a eu une haute idée de la justice qui se heurte continuellement à une réalité sordide, éprouvante pour son moral. Il vit seul avec son père malade, se tape secrètement l'infirmière pour l'hygiène plus que par conviction, rumine sa dernière rupture six ans plus tôt (il a répudié son ex en apprenant qu'elle était enceinte), entretient sa condition physique avec un soin maladif et un peu vain. Sa vie semble figée. No Future. Jusqu'au proverbial... jusqu'à l'inévitable jour où. Il vient en aide à une serveuse harcelée, énerve une de ces petites frappes alcoolisées comme on en croise à chaque coin de bar en Angleterre, et enclenche un engrenage dont la conséquence la plus immédiate sera l'assassinat sauvage et ultra-violent de son partenaire et unique ami. Dès lors, il ne peut plus que basculer. Et bascule en effet. Lentement. Inexorablement. Il est étonnant de constater à quel point, en seulement quatre épisodes, même d'une heure chacun, la série parvient à croquer son passage par une multitude d'états différents sans jamais sembler artificielle ni too much. Il y a la culpabilité, la soif de vengeance qui se mélange à la terreur, la crainte de se faire prendre, et encore un peu de culpabilité avant que dans un soubresaut de colère notre brave John Paul ne se métamorphose en ce justicier aveugle auquel on sait depuis le début qu'il finira laisser place. Et tout cela sans jamais rompre la fragile toile d’ambiguïté qui emballe le tout, à commencer par la première d'entre elle : celle du titre, dont on se dit au départ qu'il est une manière ironique d'interpeller le spectateur et dont on comprend peu à peu qu'il n'est rien de tout cela. Au-delà de la spirale dans laquelle il se laisse prendre, le plus souvent d'ailleurs à son corps consentant, Rocksavage est indiscutablement ce bon flic. Celui qui cherche constamment à aider son prochain, celui qui aime profondément les gens - même s'ils ne font que le décevoir. Celui qui se lève chaque matin pour "faire le bien", comme avait coutume de dire son défunt coéquipier. Un type que la grisaille ambiante et un enchaînement de circonstances hasardeuses ont un jour poussé au bord de l'abîme et qui, une fois qu'il a commencé à la contempler, ne parvient plus à détourner le regard.


👍👍 Good Cop 
créée par Paul Englishby
BBC One, 2012

11 commentaires:

  1. Ca a l'air très bien à lire l'article. Je vais essayer de dénicher ça.

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  2. Je ne comprends pas toujours certaines de tes chroniques.
    J'ai bien Good Cop, mais un tel enthousiasme ? Vraiment ?
    C'est une bonne série, mais je ne suis pas d'accord quand tu dis qu'elle se démarque de ce qui a déjà été fait sur le même sujet...

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    1. Euh... relis bien : j'ai écrit le contraire...

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    2. Non mais tu estimes quand même que cela se démarque suffisamment pour mériter un cinq, je n'ai pas rêvé ? :-)

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    3. Non. Mais il n'y a pas que l'originalité qui entre en ligne de compte, tout de même. Le casting, l'écriture, l'atmosphère... me semblent largement suffisantes pour arriver à 5/6 ;-)

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  3. Moi j'ai beaucoup aimé. Par original du tout mais bien foutu et très prenant.

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  4. Pareil que Le Golb et FF :-)
    Un des (trop) rares bons moments de la saison en terme de "nouveautés"...

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    1. Et encore, tu es généreux de le compter en "nouveauté" car moi je l'ai plutôt vu comme un mini-feuilleton que comme une série :D

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  5. j'ai beaucoup aimé le fait que le "héros" se remette en question et se sente par moment totalement dépassé par la situation

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    1. Oui, c'est ce que je voulais souligner dans la réflexion sur le titre. C'est une excellente idée d'avoir choisi comme héros un personnage bon, sensible et foncièrement honnête, avec des principes et des valeurs. Cela renforce encore plus l’ambiguïté de l'ensemble.

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