vendredi 25 janvier 2013

Frustration - La Réindustrialisation en marche

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C'est l'album français le plus attendu de l'année. Dernière. Ou de celle d'avant ? Je ne sais plus trop. J'ai l'impression que ce second LP de Frustration est plus ou moins annoncé et plus ou moins décalé depuis des lustres. Relax, son fulgurant prédécesseur, remonte tout de même à cinq longues années maintenant. Une paie, à peine interrompue par un (tout aussi) fulgurant single (Midlife Crisis, dont on n'a toujours pas réussi à se lasser au bout de deux ans). Pourtant, pas une seconde d'appréhension au moment d'enfin poser une oreille sur Uncivilized. Il y a des albums qu'on attend durant des lustres et que l'attente, cette délicieuse angoisse, finit par gâcher. Parce qu'on les fantasme un peu, sans se l'avouer. Parce qu'on vit dans un monde très étrange, souvent décevant, carrément... frustrant, où l'on se retrouve à fonder des espoirs dans de simples disques - cette drôle d'idée. Voire dans des artistes faisant leur truc dans leur coin sans rien demander à personne. Mais il y en a pourtant d'autres, et celui-ci en fait partie, pour lesquels on ne doute pas une seconde. Appelez cela pressentiment ou a priori positif - peu importe. On voit mal qui a bien pu craindre fût-ce une seconde que le deuxième album de Frustration puisse être raté. La seule question qu'on sera éventuellement tenté de se poser au moment de le découvrir, c'est de savoir s'il réussira à convoquer le même genre d'apocalypse thermo-nucléaire que la plupart des concerts du groupe.


Pour la chaleur on ne sait pas trop, ce pourrait même être mal venu d'en parler à propos d'un groupe dit de cold wave. Pour le nucléaire, en revanche, les derniers doutes, qui n'étaient de toute façon pas bien sérieux, sont rapidement levés. Vingt secondes du pugnace "Worries" suffisent à rassurer sur l'état de forme d'un groupe dont, à force d'aller le voir sur scène faute de l'écouter à la maison, on avait presque fini par oublier que sa principale qualité a toujours été, au-delà de la performance scénique et de l'intensité de l’interprétation, d'écrire de putains de grandes chansons punk. Des tubes, des vrais, certes issus d'un monde parallèle où la radio passe de la bonne musique et où il pleut tout le temps sur une humanité devenue stérile depuis la troisième guerre mondiale - mais des tubes quand même. Sombres, rageurs, parfois épileptiques ou paranoïaques ou névrosés... mais surtout catchy - tellement imparables qu'au bout de trois écoutes Uncivilized nous est déjà aussi familier qu'une vieille paire de pantoufles. Remarque qui avait déjà effleuré l'esprit il y a quelques années, au sortir d'un concert torride où je m'étais surpris à brailler chaque refrain avec une foule délire, y compris durant les morceaux que ni elle ni moi ne connaissions. On pourra toujours déblatérer durant des heures sur cette musique tantôt explosive et tantôt martiale, sur la production (de grande qualité), les influences (assez transparentes) ou l'atmosphère industrielle de l'ensemble... Uncivilized est un disque punk, viscéralement punk, et ce qui compte dans un tel disque, ce sont les chansons. Rien d'autre. Frustration a les bonnes références, le bon look, la bonne attitude, se donne à 400 % à chaque concert et a beau transpirer la classe... sans des chansons du calibre d'"Assassination" ou "It's Gonna Be the Same", sans cette force mélodique tellement au-dessus du tout-venant de la scène néo-revival-post-punk-bidule, ce serait juste un groupe de quadras excités refusant de vieillir, comme on en connaît déjà trop. Certes, les qualités harmoniques de ses différents disques, les arrangements, les gimmicks de prod' ici ou là... tout cela n'est pas à négliger. Certes encore, l'urgence se dégageant de l'ensemble, la justesse de la voix ou la précision chirurgicale de l'enregistrement jouent dans l'incroyable efficacité d'un "Around". Mais ce qui reste à la fin, lorsque ce disque comme tout vrai bon disque termine son existence dans notre jukebox mental, ce sont ces foutus refrains. Celui d'"Uncivilized". Celui de "Premedition". Presque tous, pour tout dire. Ils perforent le crâne et s'installent dans un coin, comme s'ils étaient chez eux. Et bon courage à ceux qui, d'aventure, entreprendraient de les déloger.

Assassination by Frustration on Grooveshark    

👍👍👍 Uncivilized 
Frustration | Born Bard, 04/02/2013

26 commentaires:

  1. Mais comment tu as pu louper la métaphore de l'usine occupée pour ton titre ?? :D

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    1. Ah merde ! Bien vu ! Désolé, j'avais une panne du titre, ce matin...

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  2. J'ai entendu qu'un ou deux titres parciparlà pour l'instant mais c'était du lourd. Alors je te crois sur parole pour le reste.

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    1. J'ai entrevu qu'il en était entièrement sur Grooveshark, si tu veux jeter une oreille plus attentive avant d'investir (je ne t'y encourage pas, s'il y a bien un groupe - et un album - pour lequel ça n'aurai aucun sens, c'est ceux-à ^^)

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  3. L'un des meilleurs groupes découvert grace au Golb. dont je n'ai toujours pas trouvé le premier disque ni pu assister à un concert... espérons qu'ils passent à Lyon au bon moment.

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    1. Ah bon ? Grâce au Golb ? Mais je n'ai jamais écrit d'article du Golb sur ce groupe (j'en ai écris sur à peu près tous les autres sites pour lesquels je bosse, mais jamais ici figure-toi ^^).

      Sinon, je crois qu'on a trouvé, non ? ;-)

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    2. "écrit". Ouille, ça pique.

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    3. ah ouais, je sais pas où j'ai lu un truc sur eux aors...
      Euh, on a trouvé quoi?

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    4. Ah mais peut-être ici au détour d'une discussion. Ça reste un groupe que je cite très souvent en référence.

      Une histoire des disques introuvables...

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  4. Que j'aime ce groupe et que j'aime cet album. Je crois que c'est déjà mon album de l'année :)

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    1. Méfiance, méfiance. C'est toujours un peu facile d'être l'album de l'année au mois de janvier :-)

      Non, je plaisante, c'est sûrement (déjà) un prétendant au podium de fin d'année. Dans le genre rock-qui-tape je ne vois pas vraiment comment quelqu'un pourra faire mieux.

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  5. "Pour la chaleur on ne sait pas trop, ce pourrait même être mal venu d'en parler à propos d'un groupe dit de cold wave. Pour le nucléaire, en revanche, les derniers doutes, qui n'étaient de toute façon pas bien sérieux, sont rapidement levés. "

    Frustration, où comment enfin réaliser la fusion à froid :-)

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    1. Hahaha... décidément tout le monde semble avoir décidé de trouver de meilleurs titres que moi, ce matin ^^

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    2. Non mais c'est bien, ça t'humanise ;)

      Et excellent slogan Arbobo :D

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    3. Mais euh, il est pas si mal ton titre, Thomas ^^

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    4. Moi je n'ai pas dit le contraire hein ;)

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    5. Vous savez, je crois qu'on s'en fout un peu ;-)

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  6. J'étais déjà chez Born Bad ces temps ci, mais pour Wall of Death, les Black Angels français. Je vais les laisser un peu pour ce disque, il m'a l'air de faire le même effet qu'un Agent Side Grinder découvert ici même.

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    1. Mmmm quelques ressemblances mais globalement moins sévère et plus punk. Très bon !

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    2. Bah en même temps, ASG tu as été le chercher tout seul comme un grand, tu sais. Aucun moment je ne l'ai cité ^^

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    3. (ceci dit ton commentaire m'étonne à plus d'un titre : TOI, tu ne connaissais pas DÉJÀ Frustration ? Sérieux ?)

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    4. Ton texte et l'extrait m'ont fait pensé à ASG, c'est dingue de toujours avoir besoin d'un élément de comparaison !
      Frustration, le genre de groupe devant lequel je passais toujours devant en me disant que je m'arrêterais plus tard ...

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    5. Disons que ce n'est pas si éloigné dans le genre "post-punk-qui-n'oublie-pas-le-punk". Mais Frustration est bien supérieur au niveau mélodique. Et encore, je dis ça parce que dans mon esprit ASG reste associé à son premier album, que j'avais chroniqué, mais le second n'a pas grand-chose à voir...

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  7. Hello,
    le 8 eme épisode du Ten Songs for Thom vient de sortir sur blinkinglights.
    à plus

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  8. Je disais que ce morceau me rappelait plus Nirvana que le post-punk, mais mon commentaires n'est pas passé, semble-t-il.

    BBB.

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    1. C'est vrai qu'il y a un petit quelque chose dans la rythmique. Mais rassurez-vous, sur la durée d'un album il n'y a pas de doute : Frustration joue du post-punk. De même que Cobain revendiquait l'influence de la new wave ;-)

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