samedi 14 janvier 2012

We Insist! : Berlin, Die Sinfonie der Großstad

...
C’était là qu’il fallait être. Ni des horaires très matinaux ni des problèmes d’audition de plus en plus préoccupants n’auraient su décourager le vaillant rédacteur. L’adaptation de Berlin, Die Sinfonie der Großstadt, de Walter Ruttmann, par We Insist!, cela faisait des mois qu’on lorgnait dessus, à la fois impatient (c’est eux, c’est nous) et légèrement inquiet (le risque de foirade de ce genre de projet est proportionnel aux ambitions affichées). L’attente était d’autant plus grande que l’on connaissait et le film et le groupe, et que si l’on voyait mal comment les deux pouvaient s’amalgamer, on avait très envie de le croire possible.

Après une mise en bouche plutôt très plaisante (Filiamotsa Soufflant Rhodes, entre prog et post-rock, donc jamais très loin du Silver Mt. Zion), nous y sommes enfin. La projection-concert débute, et l’on est dès le départ frappé par la tonalité très ambient, loin de l’abrasion caractéristique d’un groupe n’ayant jamais sacrifié la tension à la technicité. Il faut une grosse dizaine de minutes avant de réellement entrer dans le film… ou dans le concert… pour oublier, justement, qu’il s’agit d’un film et d’un concert et enfin parvenir à appréhender l’ensemble comme un tout cohérent. Il pourra d’ailleurs sembler un chouïa incongru de parler de cohérence au sujet d’un métrage quasi documentaire, à la narration aussi lâche, empilant les scènes de la vie quotidienne berlinoise à un rythme effrénée et avec l’apparence du plus grand désordre. Mais c’est aussi pour cela que le spectacle fonctionne : il y a dans Berlin, Die Sinfonie der Großstadt (le film) tout l’espace nécessaire à l’épanouissement de Berlin, Die Sinfonie der Großstadt (le score).

L’image, esthétiquement impressionnant de modernité (1927, tout de même…), en ressort régulièrement transcendée par des compositions extrêmement variées et la plupart du temps excellentes en tant que telles. Du strict point de vue de l’écriture, nous sommes probablement en face de ce que We Insist! a produit de plus abouti (un peu frustrant de se dire que l’on n’aura sans doute jamais l’occasion de le réentendre, mais il n’est pas dit que cette frustration n’ajoute pas un peu au charme de l’ensemble). Tout ne s’imbrique pas forcément à la perfection, comme l’avait d’ailleurs préalablement annoncé Étienne Gaillochet (batterie & chant) dans les pages d'Interlignage. Mais l’on se laisse d’autant plus facilement embarquer que la hauteur de plafond du Café de la Danse permet de réellement apprécier l’aspect visuel. Le rendu atteint une forme de perfection absolue lorsque les tempos se font carrément épileptiques ; le « ciné-concert » devient alors un tourbillon d’images et de son par lequel il sera difficile de ne pas être emporté (et de bon cœur, ce qui est plutôt rare pour un tourbillon). Après de longues minutes de fascination muette, un ami arrivé ici presque par hasard sourira : « Mais comment j’ai pu ne pas connaître ce groupe ? » On voit mal ce qu’on pourrait ajouter.