vendredi 9 décembre 2011

The Smashing Pumpkins - Grandeur, Décadence & Décrépitude

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Ce n'est pas une question d'amour ni de respect. C'est justement parce qu'on aime - et respecte - Billy Corgan qu'il devient de plus en plus douloureux de le voir tomber plus bas année après année, s'enfoncer toujours plus loin sur le chemin de la perte d'intégrité. Bon, d'accord. Ce n'est pas non plus qu'une question d'amour. Ni de respect. C'est aussi la manière dont une génération - la mienne - se retrouve indirectement confrontée à son propre vieillissement. Autrefois, vous, moi... pleurions sur la décrépitude des idoles de la génération d'avant. A présent, c'est l'un des artistes le plus importants de la génération des trente/quarante ans d'aujourd'hui qui nous fait la totale en matière de foutage de gueule commercial, en pire si l'on prend en compte les retournements de fortunes divers. Après l'épisode de la reformation sans James Iha ni D'Arcy ni même Melissa Auf der Maur, après l'épisode cocasse de "fuck les labels, mon prochain disque paraîtra à l’œil sur Internet... mais en fait je vais quand même en sortir un autre sur un label entre-temps, histoire de payer mon troisième tiers"... voici donc le nouvel épisode de notre série "Billy Corgan, ou le symbole vivant de l’appauvrissement des classes moyennes supérieures" : je réédite mon back catalogue. Et comme souvent dans les mauvaises séries, si le rebondissement était prévisible, le résultat réussit à être encore moins intéressant qu'on le supposait.

Car là où cet épisode est encore plus risible que les autres c'est que Billy Corgan, à l'époque où son intégrité se manifestait autrement que par le désir d'être un bon citoyen s'acquittant de ses impôts à l'heure, fut l'un des pionniers de la distribution de musique gratuitement sur le Net (et du Net en général, d'ailleurs, dont il mesura bien plus tôt que la plupart des musiciens les formidables possibilités). C'est d'ailleurs ce qui lui vaut aujourd'hui une fan-base monstrueuse, à laquelle il demande donc aujourd'hui la queue entre les jambes de racheter au prix fort des albums qu'elle a déjà, qui n'ont jamais été épuisés, le tout dans des éditions même pas bandantes. Et comment le pourraient-elles ? Cela fait plus de dix ans que tous les inédits et la plupart des démos des Smashing Pumpkins sont disponibles gratos sur le Web.


La réédition de Siamese Dream, première à passer sous notre moulinette, n'a donc de fait qu'un intérêt très relatif en tant que telle. A moins de ne pas être très curieux ou de n'avoir Internet que depuis la semaine dernière, tous les fans connaissent déjà la tracklist du CD Bonus, qu'on aurait presque pu composer nous-mêmes les yeux fermés.

Alors bien sûr, reste à côté de cela un album de très bonne facture, œuvre peut-être encore plus générationnelle que toutes celles de son auteur, pétrie de classiques étincelants ('Today', 'Disarm', 'Cherub Rock', 'Mayonaise') et de morceaux moins connus mais souvent brillants ('Soma' et le piano de Mike Mills, 'Rocket'...), dont les faces B. ont plus que de la gueule ('Pissant', la géniale 'Frail & Bedazzled') et dont même les démos sont largement à la hauteur de ce qui se produit de nos jours ('Luna (Apartment Demo)'). L'album de la prise de contrôle absolue de Corgan sur le groupe a beau avoir soniquement vieilli, il conserve quelque chose d'inoxydable et demeure - à juste titre - l'un des préférés des fans, sans soute parce que le groupe y révèle pour la première fois sa face la plus progressive et onirique (on notera que c'est d'ailleurs ce disque, très précisément, que les Smashing Pumpkins reformés tentent désespérément de refaire aujourd'hui, pour une raison assez obscure). Reste que l'a priori initial demeure invariable : cette réédition ne sert à rien, malgré l'ajout en ultime bonus du DVD du mythique Live at Metro, lui aussi assez facilement trouvable gratuitement depuis bien des années.


👍👍👍 Siamese Dream [Deluxe Edition] 
The Smashing Pumpkins  | Virgin, 1993 (2011 pour la présente édition)