dimanche 4 décembre 2011

Jericho - The Lost Syndrom

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A partir de 2004, la maladie s'est répandue comme une traînée de poudre, ravageant tout sur son passage, ruinant les défenses immunitaires des Networks les plus solides, décimant les vaccins anti-connerie humaine et rongeant jusqu'à l'os la bonne vieille série à papa. Identifiée rapidement, l’épidémie L04ABC, plus communément surnommée Syndrome Lost, n'en fût pas moins longue à endiguer. Il est vrai que les médecins du paysage télévisuel américain eux-mêmes avaient une fâcheuse tendance à attraper la maladie, terminant leurs recherches dans un coin, prostrés, murmurant ces paroles que les spécialistes mirent longtemps à analyser : Moi aussi, je veux mon Lost.

On en rit aujourd'hui, bien sûr, mais ce n'est pas si drôle. Le fait est que les symptômes étaient extrêmement difficiles à isoler, car le virus mortel de l'Île n'arrêtait pas de muter. Lost avait ses défauts ; elle avait surtout cette capacité hors-normes à se réinventer en permanence, si bien que pour la pomper, encore fallait-il parvenir à identifier ce qu'elle était réellement, à isoler son code génétique pour mieux le dupliquer. Beaucoup de Networks s'en crurent capables et apprirent à leurs dépends qu'il ne suffisait pas de faire du choral avec un peu de mystère pour déclencher un phénomène de société. A quoi reconnaît-on que Lost était une série exceptionnelle ? A sa qualité ? Ses audiences ? Pas du tout : au simple fait que ses sous-produits se soient tous crashés contre un mur d'indifférence.


Lancée sur CBS en même temps que NBC lançait Heroes, autre sous-produit lostien bien plus fin dans son approche (qui eût cru qu'un jour on parlerait de finesse à propos de la série de Tim Kring ?...), Jericho est, plus qu'un feuilleton, un symbole de cette télévision mainstream américaine qui, si elle sait parfois faire preuve de courage, n'aime rien tant que s'auto-recycler à longueur d'années, recousant son hymen dévasté à l'infini. Le fait que Jericho ait été signée par CBS deux ans après Lost est en soi tordant, puisque s'il est bien une chaîne qui n'aurait jamais eu le courage d'investir dans un projet aussi cinglé et audacieux que le vrai Lost, c'est assurément la sage CBS (rappelons qu'il s'agit de la merveilleuse chaîne de non pas une, mais de deux des franchises les plus pénibles des dix dernières années, CSI et NCIS... autant dire qu'"auto-recyclage" est le terme juste).

Certes, succédané ne veut pas pour autant dire nul. Si l'on fait les meilleurs soupes dans les vieux pots, on peut sans doute en faire une excellente en tentant de dupliquer la recette du voisin. Il y a un peu de ça dans Jericho. Disons qu'il y a, passées les similitudes troublantes (notamment tout le schéma narratif s'articulant autour de Robert Hawkins, décalqué sur le traitement de John Locke dans la saison un de ce-que-vous-savez), un potentiel réel, malheureusement très tardivement et très mal exploité. Le point de départ n'est pas idiot : suite à une explosion atomique (incident ? attaque ?), un petit village du Texas se retrouve livré à lui-même, les moyens de transports, de communications ainsi que tous les médias de masses ayant tous été brutalement coupés (la série emprunte évidemment pas mal aussi au Walking Dead version comics). A cette situation totalement anxiogène à la base s'ajoute la difficulté à maintenir l'ordre dans un monde qui n'est plus tout à fait le même, ainsi que la question délicate du devenir de Jericho : la ville doit-elle se replier sur elle-même afin de conserver assez de vivres et d'énergie pour survivre, ou bien doit-elle au contraire tout faire pour entrer en contact avec les villes les plus proches ? Survivre ou comprendre, comme l'équation est intéressante. Et comme elle maltraitée par les scénaristes qui, syndrome Lost toujours, préfèrent nous ennuyer durant presque toute la première saison avec la vie quotidienne de ces braves gens ordinaires plutôt que de faire avancer leur intrigue.


D'une certaine manière, voir Jericho redonne encore un peu plus de valeur à Lost et à son premier chapitre, souvent considéré comme une (trop) longue exposition. Car lorsque le show de CBS et de John Turtletaub (le mémorable réalisateur de Phenomenon - on aurait dû se méfier) tente de faire pareil, cela ne fonctionne absolument jamais. Déjà, le casting et effroyablement mauvais, si l'on excepte Lennie James (Robert Hawkins, donc) et quelques très bons seconds rôles (Sprague Grayden, James Remar ou le toujours impeccable Gerald McRaney). Ceux qui se moquèrent six années durant de Matthew Fox en Jack Shephard n'ont sans doute jamais vu Jericho, et ignorent donc ce à quoi peut bien ressembler Skeet Ulrich en sheriff du dimanche, héros romantique provocant l'humidification immédiate de toutes les petites culottes de la ville. Quel mauvais acteur que ce type, avec son jeu à la Elijah Wood Actor's Studio (tous les yeux, rien dans le f... la tête) et ses deux expressions et demi. Encore Ulrich fait-il (difficilement) le taf, puisqu'on imagine qu'il plaira bien à quelques femmes. Tout le monde n'a pas cette chance, et ainsi le frère fade est-il... fade, la sourde est-elle... gavante, la bourgeoise qui découvre les vraies valeurs dans les bras d'un brave fermier est-elle... conne, etc, etc. Quant à la blonde à gros seins de services, elle n'est même pas vraiment sexy, c'est vous dire l'échec cuisant de ce casting bancal où les bons comédiens sont relégués au second plan (citons également Darby Stranchfield, qui fuira rapidement ce naufrage pour aller jouer dans Mad Men, comme on la comprend). Pas étonnant que la mayonnaise ne prenne pas : un Naveen Andrews ou une Evangeline Lilly ne sont sans doute pas les meilleurs comédiens du monde (ils sont mêmes, soyons francs, assez mauvais), mais ils avaient au moins ce mérite d'incarner réellement leurs personnages, de les faire exister, voire de changer leurs limites de comédiens en traits de caractères des rôles (mais non, Andrews n'est pas sans expression, c'est Sayid qui intériorise, voyons !). Rien cela dans la brochette de médiocres de Jericho.

Mais le plus encombrant avec ce show, c'est qu'il n'est pas exempt de bonnes idées et de bons épisodes. La manière dont la population de la ville se rabat sur l'hypothèse sécuritaire en changeant de maire est pertinente et amenée avec une certaine finesse. Les relations entre Robert Hawkins et sa famille ne sont pas inintéressantes, tout comme la relation qu'il noue avec l'autre bellâtre joué par Skeet Ulrich. Et lorsque les scénaristes ont décidé qu'ils en avaient assez fait sur la vie quotidienne, Jericho évolue de manière intéressante vers une vraie fiction post-apocalypstique, matinée de western et de SF. Le problème, c'est qu'elle a été annulée avant d'avoir réellement pu exploiter ce potentiel, et que l'on n'arrive jamais complètement à le déplorer tant on a souffert durant les quinze premiers épisodes. Oui, parce qu'en plus il n'y a pas de fin. Autant dire que l'intérêt de la regarder devient dès lors assez limité.


👎 Jericho (saisons 1 & 2)
créée par Jon Turteltaub, Stephen Chbosky, et Carol Barbe
CBS, 2006-08

6 commentaires:

  1. Je suis d' accord avec toi, notamment sur le jeu catastrophique de Skeet Ulrich. Mais je ne te suis plus pour la comparaison avec Elija Wood qui est un très bon acteur, notamment dans Wilfred

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  2. Elijah Wood est absolument horripilant même dans un chef d'oeuvre comme Eternal Sunshine of the spotless mind...

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  3. J'ai pas le temps de vous répondre.

    Mais j'en pense pas moins ! :-)

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  4. Oh là là oui, quelle nullité cette série !

    Et encore t'a pas lu les comics qui lui font suite !!

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  5. Qu'est-ce qui te fait croire ça ? ^^

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  6. (je déconne, je ne suis pas pervers) (par contre toi, oui, donc...)

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