mardi 20 décembre 2011

Duff McKagan - Vieille canaille

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Duff McKagan est un survivant. Peut-être même un résistant. Quand la quasi totalité des autres hard-rockers des années quatre-vingts/quatre-vingt-dix n'ont pas été balayés par les temps, ils ont eux-mêmes suicidé leur carrière en sombrant dans le ridicule, le kitsch, l'aberrant. C'est évidemment d'autant plus vrai des anciens Guns'N'Roses, devenus au fil des décennies les champions toutes catégories du ratage en tout genre : c'est Axl Rose reconverti en pompier-pyromane et boursouflant ses pièces-montées avec amour ; c'est Slash et son dernier album, rien d'autre que pathétique ; c'est Izzy Stradlin, has-been persistant à publier avec une incroyable régularité des albums que personne n'écoute, et que les rares tentant tout de même l'expérience détestent. Duff, lui, est toujours là. Presque inchangé quelques vingt-cinq ans après. Sympathique, borderline et cool comme au premier jour. Comme si le fait d'avoir vu son apport au groupe éternellement mésestimé (il a tout de même co-signé "It's so Easy", "Civil War", "Get in the Ring" et une poignée d'autres classiques du rock) l'avait miraculeusement préservé du ridicule. Même lorsqu'il n'est pas très bon, ce qui arrive relativement souvent, on n'arrive jamais complètement à ne pas avoir de l'affection pour ce mec, sans doute parce que sa carrière post-Guns est semée de morceaux de bravoure (ce premier album solo brillant et totalement mésestimé à sa sortie), d’embûches (une maladie l'ayant fait passer à deux doigts du cimetière, un second album solo victime collatérale de la fusion Universal/Polygram) et d'amitiés indéfectibles (avec Slash, bien sûr ; avec Mark Lanegan, qu'il accompagne sur ses deux derniers opus ; avec Rose lui-même, puisque le fut le dernier à quitter le navire Guns, presque contraint et forcé).


Ouaip, le Duff est un type attachant, doublé d'un homme de principes, dont la préservation de l'intégrité a quelque chose de miraculeux lorsque l'on se rappelle du succès intersidéral de son ancien groupe. Musicalement, c'est à peu près pareil : Duff ne connaît ni le compromis ni l'air du temps. Trente ans cette année (son premier disque remonte à 1981 avec les Fastbacks) que ce bientôt quinquagénaire mélange sans complexe hard rock et punk, metal et rock'n'roll séminal, sans se prendre la tête et en ne faisant que ce qui lui plaît. Il n'est pas le plus grand compositeur du monde, mais il se démerde. Il n'a quasiment aucun succès en dehors de son super-groupe Velvet Revoler, mais il s'en tape. Avec Loaded, dont c'est déjà le troisième album (le temps passe vite en bonne compagnie), il se contente de faire son truc dans son coin sans faire chier qui que ce soit, entre heavy poisseux ("Lords of Abaddon") et vieux résidus de hard 80's ("Dead Skin", "Cocaine"... oui, même les titres paraissent d'un autre temps). On le sait depuis longtemps, le Duff pailleté de la fin des années quatre-vingts était un grunger refoulé. Le gars vient de Seattle, traîne avec la scène locale depuis toujours et s'est empressé de revenir aux sources du metal plombé à peine sa démission des Guns entérinée. Dire qu'il y a vingt ans, on nous expliquait que l'un et l'autre étaient quasiment antinomique, alors que ce brave Duff était la preuve vivante du contraire. Ils nous ont bien bourré le mou, les canards hard-rock-meutal d'alors.

Enfin. Tout cela n'a plus tellement d'importance aujourd'hui, désormais que McKagan revient un nouvel album comme de juste inégal, aussi plein de bons trucs ("Executioner's Song") que d'abominations ("We Win"). C'est écrit, croyez-le, sans la plus petite once de méchanceté. Le goût parfois douteux du personnage fait aussi partie de son charme, archétype du bon vieux rockeux comme on l'aime, mi-branleur mi-baltringue, produisant des albums mineurs et jouissifs avec une adorable régularité, aussi imperméable au génie qu'au qu'en-dira-t-on. Certains préféreront se défouler avec la reformation prétentieuse et indigne d'Alice in Chains. Chacun son truc. Duff a ce mérite de ne pas se la raconter, de ne pas poser (enfin : pas plus que le minimum syndical) et de signer des pépites hard FM comme on n'en fait plus de nos jours ("She's an Anchor"). Ringard ? Même pas : dans le monde merveilleux et clouté de Loaded, les années deux mille n'ont jamais eu lieu, 1996 est encore en cours et Terry Date, qui compose ici un son dense et pesant, le producteur le plus hype du moment. Après tout, pourquoi pas ?


The Taking 
Duff McKagan's Loaded | Eagle Rock Entertainment, 2011

6 commentaires:

  1. Excellent papier mec! Je suis pas sûr que Duff te mérite, mais excellent papier quand même!

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  2. Miracle !! mon cher Duff sur le Golb !
    je n'aurai pas mieux dit sur le personnage (et j'adore son premier album solo).

    Quant à ce Loaded, je ne l'ai pas acheté. Il faut dire que j'ai le précédent et que je ne l'ai quasiment jamais écouté...

    (sinon je m'étais réécouté je ne sais plus pourquoi le Neurotic Outsider, très bon album je trouve)

    (et je ne savais pas Qu'Izzy continuait à sortir des albums. J'ai du en écouter 3 ou 4, et ne les ai jamais détesté...)

    tient, si t'as le temps pour un peu de lecture j'avais moi aussi parlé récemment du bon Duff:
    http://blinkinglights.musicblog.fr/2617203/VIP-2-Very-Important-Bassists/

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  3. Z'êtes sympas les gars (avec moi)(avec lui vous êtes méchants ^^)

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  4. moi méchant avec Duff? mais pourquoi??

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  5. Non pas toi... mais c'est vrai ça, il y avait un autre commentaire entre toi et Mika qui a disparu...

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