mercredi 2 novembre 2011

Shameless - Affreux, sales et adorables

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[Article paru fin août sur Interlignage] Sorte de monument national délabré en Angleterre, on pourrait dire si l’on voulait faire court que Shameless est un genre de 7th Heaven à l’envers. Sa version outrée et outrancière, déjantée et délibérément provoc’. Comme dans le show ultra-conservateur (et encore un peu plus) créé par Brenda Hampton pour un WB qu'on avait connu plus inspiré, ils sont sept à la maison, soudés comme des petits bonshommes de cire et projettent, à leur manière, une certaine vision de la famille idéale. Dans la forme, en revanche, ils n’ont pas grand-chose à voir. C'est le moins que l'on puisse dire.

Il est vrai qu’à la place du Révérend Camden on a ici Vernon Francis « Frank » Gallagher, pochtron à un degré dépassant de très loin l’entendement humain et maître dans l’art de s’endormir fin saoul à peu près n’importe où, qui plutôt que de prêcher l’abstinence s’enorgueillit, dans ses rares moments de lucidité, de ce que ses enfants sachent lever le coude et faire la fête. Buveur d’aides sociales à faire faire des cauchemars à Laurent Wauquiez, plus porté sur les soirées au pub que les réunions parents-profs, Frank, de surcroît un insupportable con lorsqu’il est à jeun, est probablement le père le plus dysfonctionnel que l’on ait jamais croisé dans une série télévisée – mais il est vrai que ses gosses se débrouillent la plupart du temps très bien sans lui. Sous l’œil bienveillant et maternel de Fiona, aînée chargée de famille malgré elle, un peu vulgaire, terriblement attachante, la smala (deux ados, deux enfants et un tout petit) s’agite donc dans la joie et la bonne humeur. Bruyantes, mal élevées, les pérégrinations de cette famille prolo pas tout à fait comme les autres sont généralement un véritable régal – et ça fait huit ans que ça dure au pays de Ken Loach et des Monty Python (dont Shameless pourrait être assez justement considérée comme l’improbable association).

Étendue sur sept épisodes seulement, la première saison – qui n’est pas la meilleure – est habilement construite selon le bon vieux schéma focal, permettant de mettre en valeur un ou deux personnages à chaque chapitre. Âmes sensibles s’abstenir : comme l’annonce avec justesse le slogan de cette édition DVD, la famille Gallagher est probablement la plus trash du monde. Ses aventures sont volontiers vulgaires, irrévérencieuses au possible – à faire passer les cinq saisons de Skins pour de gentilles provocations pubères (ce qu’elles sont, d’ailleurs). Tout l’intérêt – et le talent – de la série repose justement sur l’équilibre fragile entre l’épaisse couche de connerie que tiennent ses héros et l’empathie profonde que les scénaristes – donc le spectateur – ressentent pour eux, tous bien plus sensibles et complexes que ce que l’on suppose de prime abord ; entre la détresse profonde des situations dans lesquelles ils sont plongés, et la légèreté goguenarde avec laquelle celles-ci sont traitées.

Dans le genre politiquement incorrect, on ne fait pas mieux. A sa manière, Shameless est la plus anglaise des séries anglaises, tellement outrancière, tellement rock’n'roll que l’on persiste à s’étonner que les Américains aient fini par en faire un remake (ce qui nous vaut sans doute cette parution tardive – sept ans et demi tout de même – dans nos contrées). Pas étonnant que cette famille mancunienne s’appelle Gallagher – et leur petit dernier Liam : Shameless, c’est la série lad-rock par excellence.

On vous aura prévenus.


👍👍 Shameless (saison 1)
créée par Paul Abott
Channel 4, 2004 ; 2011 pour la sortie DVD

8 commentaires:

  1. Excellente série comme seuls les Anglais savent en produire. La version US est d'ailleurs assez mauvaise, ce qui n'est pas une surprise.

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  2. 100 % d'accord. Je viens de terminer cette 1ère saison ce week-end. J'attaque prochainement la 2 !

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  3. C'est ça quand on met un pied dans la famille idéale, ah ah !

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  4. Comme on dit : c'est du lourd cette série!

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  5. as-tu vu la version US qui passe sur canal plus en ce moment ?

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  6. J'ai regardé un ou deux épisodes par curiosité et puis j'ai arrêté. Ça n'apporte pas grand-chose à la version originale, d'autant que, comme le dit très bien Marion plus haut, la série est tellement 2000 % anglaise dans l'esprit que le principe même d'une adaptation US est à mon sens complètement absurde.

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