vendredi 4 novembre 2011

Kimya Dawson - Friends & Family First

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Il y a certains artistes que l'on ne peut s'empêcher d'aimer, de suivre quoiqu'il arrive, de chérir de tout son coeur. Depuis une mémorable rencontre au début des années deux mille, que je raconterai peut-être un jour, Kimya Dawson fait pour moi partie de ce club très fermé. Les albums s'enchaînent, souvent bons, rarement surprenants, et quoiqu'il arrive je suis toujours là, fidèle au poste, pour les apprivoiser et les ranger les uns à côté des autres, comme une petite famille un peu bizarre - et très colorée.

Retrouver Kimya en 2011, dix ans presque jour pour jour après l'unique album des Moldy Peaches, a quelque chose de forcément étrange, à plus forte raison parce que le foisonnement des débuts (cinq albums en trois ans et demi) a cédé la place, maternité oblige, à une relative rareté (disons qu'avec deux disques depuis le superbe Remember that I Love You en 2006, elle a désormais adopté le rythme d'un artiste normal). Rien n'a changé et en même temps ce n'est plus tout à fait pareil. Parce que la songwriteuse a mûri et ses chansons avec, même si elles conservent cette apparente naïveté qui fait tout leur charme. Il y a même quelque chose d'assez perturbant à comparer la trajectoire de Kimya Dawson à celle d'Adam Green, l'autre moitié des Moldy. Lui n'a fait que tenter de se réinventer, jusqu'à se perdre dans des albums rarement complètement ratés mais où l'on finissait toujours par se demander à la longue : "mais qui est ce type ?" Comme s'il avait fini par être absorbé par sa propre ironie. Elle, à l'inverse, n'a jamais cessé d'être rieuse, sans jamais se faire contaminer par le cynisme, préservant une fraîcheur - et même une candeur - rarissime chez un(e) artiste culte (ce que sont assurément les Moldy Peaches). En conséquence, elle n'a quasiment jamais dérivé de sa ligne musicale, un peu garage, très lo/fi - totalement bricolo. De la scène antifolk new-yorkaise du début des années deux mille, elle est la seule avec son vieux compère Jeffrey Lewis * à continuer de porter le flambeau.


Au final, on est toujours content de retrouver l'un ou l'autre des exs Moldy, mais pour des raisons presque diamétralement opposées tant Kimya, même lorsqu'elle essaie d'être surprenante, est malgré tout toujours attendue. En témoigne son précédent disque, Alphabutt, dans lequel sa tentative de musique pour enfants tombait à l'eau tant elle était superfétatoire. On pouvait même craindre qu'elle finisse par s'enfermer dans cet univers uniquement enfantin qui la tentait depuis le début, et finisse par se parodiser elle-même.

Thunder Thighs rassure immédiatement sur ce point. Bien sûr, Kimya Dawson a vieilli (elle aura quarante ans l'an prochain). Bien sûr, elle s'est beaucoup apaisée et a perdu le côté tourmenté voire franchement fêlé qui rendanit un disque comme Hidden Vagenda unique en son genre. Mais elle a su négocier le passage du temps avec intelligence, et Thunder Thighs de conserver une vraie mélancolie, une colère même ("Day after day it's always the same shit", braille-t-elle en plage sept) mettant d'autant plus en relief les passages les plus légers, tel le ravissant "Mare & the Bear", comtine jazzy portée par des chants d'enfants et un refrain imparable même par un adulte ("And they were friiiiiiiiiiiiiiends forever !"). Auteure amusante aussi souvent que touchante, quand ce n'est pas les deux en même temps ("All I Could Do", sublime réflexion sur le chemin parcouru et la difficulté de concilier rock'n'roll et maternité - "I had a show / Few weeks ago / It's gettin' harder and harder to sing / And It's hard / To focus on my guitar playin' / When inside / A baby is kickin'") Dawson est capable de tout, de vous mettre du baume au coeur en dressant une ode à son vélo puis de vous arracher une larme à la minute suivante, comme ça, sans prévenir et cette fois en voiture, avec une ballade dévorée par l'angoise ("Driving, Driving, Driving").

Avec seize titres au compteur et pas mal de featurings, Thunder Thighs est sans doute un peu long, un peu éparpillé, un peu trop homemade pour certains auditeurs. C'est aussi ce qui le rend précieux, ce sentiment qu'il procure d'appartenir à une petite famille. Comme tous les artistes ayant un univers très affirmé, Kimya Dawson peut ennuyer ou déplaire. Mais on ne voudrait assurément pas qu'il en soit autrement et que Thunder Thighs connaisse un autre destin que de rejoindre ses grands frères tout aussi cheap et bizarroïdes sur l'étagère. Là où il pourra être chéri comme la carte postale rigolote et nostalgique d'un vrai ami.


👍👍 Thunder Thighs 
Kimya Dawson & Friends | Great Crap Factory, 2011


(*) Le pilier du courant sort d'ailleurs un nouvel album cet an-ci... comme tous les autres.

9 commentaires:

  1. Je vais me faire un plaisir d'aller écouter ça tout de suite!

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  2. Mais cette chanson est magnifique^^...

    Va falloir que j'aille écouter de plus près...

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  3. ah bon c'est culte les Modly Peaches? je vx dire à part une pub pour Orange et donner le nom d'1 rubrique du golb ils ont fait d'autres trucs ?:D

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  4. C'était un pari de caser "superfétatoire" ? Un des mots les plus moches de la langue française (pas loin de "propice"), mais bien utile c'est vrai...

    Sinon la chanson est très très Kimya Dawson, mais c'est une belle chanson tout de même. C'est toujours ça le problème, je trouve ça toujours un peu cliché (par rapport à son style à elle, et à l'indie/lo-fi américain en général), mais devant de telles chansons il n'y a pas grand chose à reprocher.

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  5. mika >>> ne sois pas taquin, ça ne ta va pas au teint ;-)

    Guic' >>> il serait temps ^^

    Joris >>> en même temps, je ne connais pas vraiment de synonyme de superfétatoire... ce n'est pas tellement dans le fond, qui est rare, c'est l'idée qu'il exprime...

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  6. Bon, ça y est, enfin écouté ... ou presque.
    J'ai essayé de tenir le plus longtemps possible parce que c'est Kimya, mais j'ai fini par craquer. J'ai lâché l'affaire à Captain Lou, fatigué, exténué, ... Seule(s) chanson(s) à sauver, pour moi, The Library (est-ce un hasard ? ^^) et le très pattismithien Walk like thunder, du moins, jusqu'à l'affreux passage "rap".
    Je t'aimais beaucoup, Kymia, il y a 7 ou 8 ans. Je te l'avais même dit dans l'arrière-salle d'une pizzeria. Mais là, je suis fort déçu. A bientôt, peut-être ?

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  7. Je comprends pas très bien ce que tu trouvais sur les autres qui te manque sur celui-ci...

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  8. Je n'en sais rien, mais celui-ci m'a irrité, fatigué dès le début.
    Après, j'avouerai ne pas avoir vraiment écouté les deux précédents. Je reste donc plutôt sur la KD de (2003-2006).

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  9. Y'en a qu'un précédent après 2006, de toute façon. Enfin je crois.

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