mardi 8 novembre 2011

Glister - Presque monde

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Curieux roman que ce septième John Burnside, auteur dont on pensait pourtant qu'après The Dumb House (1997) ou The Devil's Footprints (2007) il aurait bien du mal à aller toujours plus loin dans l'étrangeté. Le voici ici, pourtant, au carrefour d'influences que l'on aurait pensé inconciliables, dans ce récit au titre aussi sec et beau que l'univers qu'il dépeint : Glister. De l'onirique et du social, vraiment ? Au sein du même récit ?

De l'onirique et du social, oui, et aussi un zest d'horreur et pas mal d'étrange, pour un livre mettant un point d'honneur à défier les pronostics et à échapper aux classifications rigides. Polar, roman noir, Glister l'est par définition, mais il dépasse constamment son argument de départ (les mystérieuses disparations de jeunes garçons dans une friche industrielle quasiment rayée des cartes) pour se perdre en digressions, en changements de points de vue, en explosions de violence comme en cassures narratives brutales... perdu dans la contemplation d'une micro-société en pleine décrépitude. Ne serait-ce un style habité et étincelant (Burnside était un poète reconnu bien avant de se frotter à l'art romanesque), on sentirait presque le moisi de cette bourgade sans nom et sans visage, dominée par l'immense usine chimique désaffectée dont la fonction première a fini par se perdre dans la mémoire des gens.

Glister est un roman atmosphérique. C'est sa principale vocation et c'est, à n'en pas douter, sa principale qualité. On comprend rapidement que ce qui compte est bien plus l'aura mystérieuse entourant la ville et l'usine que le mystère en lui-même, qui entraîne d'ailleurs plus de dommages collatéraux qu'il ne provoque d'enquête. Non seulement celle-ci n'avance-t-elle pas, mais encore a-t-elle tendance à reculer, de souvenir en flashback, comme pour mieux redessiner les contours d'une ville dont on comprend assez rapidement qu'elle est absolument figée dans le temps et dans l'espace, là, tout au bout de sa presqu'île. De toute façon, au moment où s'ouvre le récit, le mal est déjà fait - déjà venu. Et a rongé les choses comme les âmes, car Glister ne parle dans le fond que de cela : de la corrosion d'un monde. Par le cynisme, par la désillusion. Par l'homme, en grande partie.


👍👍 Glister [Scintillation] 
John Burnside | Vintage, 2008

11 commentaires:

  1. Jamais entendu parler, mais ça a l'air tentant...

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  2. Je viens de le commencer et pour l'instant je suis tout à fait d'accord. H.

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  3. Tant mieux, je suis content de voir que quelques personnes se sont intéressées à ce livre.

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  4. Par contre, je viens de finir, et...Si vous souhaitez m'expliquer la fin, je veux bien, car je crois n'avoir rien compris. H.

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  5. Rassurez-vous je ne suis pas certain d'avoir compris non plus.

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  6. Ah, d'accord alors :-) Mais du coup, ça n'influe pas vraiment sur l'article...

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  7. Je n'ai pas écrit autre chose dans l'article sur The Killing paru hier.

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  8. Vous savez, je reçois tous les commentaires, vous n'êtes pas obligée de le dire sur les deux ^^

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  9. Très beau et très bizarre en effet. On pense au début que la clé du roman sera la relation Morrison/Smith et puis non, il se recentre sur les gamins. J'aime beaucoup la fin mystérieuse et ouverte aux interprétations. Ça me donne bien envie de découvrir ses autres livres.

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  10. Alors dans ce cas je te recommande particulièrement The Devil's Footsprint (qui doit s'appeler quelques chose l'Empreinte du Diable en VF, je suppose...) On retrouve un peu le même genre d'univers froid et dévasté, même si l'intrigue est sans doute construite de manière un peu plus traditionnelle.

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