lundi 28 novembre 2011

J.C. Satàn – Samba du Démon

...
[Article précédemment paru sur Interlignage] Le Diable ne recule décidément devant aucune bassesse. Certes, il a ses raisons : soixante ans qu’on n’arrête pas de dire que le rock’n'roll est sa musique, à lui, qu’il l’a inventée et possédée, et à côté de cela les hommages que lui a rendus la scène rock durant ce laps de temps demeurent assez ridicules. Le Diable, qui se cache comme chacun sait dans les détails, n’a jamais pu encadrer Black Sabbath et tous ces groupes à colifichets. Il trouve qu’ils nuisent à son image. N’allez pas lui parler de black metal, vous ne feriez que l’irriter.

Alors un beau matin, Satan a décidé de prendre les choses en main. Il a ouvert son annuaire, cherché rapidement quel était le guitariste le plus démoniaque du moment, a hésité quelques instants avec Jack White puis, bien conscient que ce dernier filait un mauvais coton, a composé le numéro qui lui semblait le plus approprié à ce qu’il voulait faire.



« Oui allô ? Je suis bien chez Graham Coxon ?
– …
– Allô ?
– Oui. C’est moi.
– Bonjour, Luke Yfer à l’appareil. Je ne vous dérange pas trop j’espère ?
– …
– Bon, super ! Je vous appelle pour vous proposer une petite affaire qui, j’en suis sûr, saura retenir votre intérêt.
– …
– Alors voilà : il s’agirait de m’écrire un album, plutôt garage, hein, je n’aime pas trop les productions clinquantes.
– …
– Vous êtes là ?
– Oui.
– Dites, z’êtes pas très bavard – c’est vrai ce qu’on m’a raconté. Alors je disais quoi ? Ah oui, donc, vous me faites un album, et moi en échange, je fais de vous une superstar internationale.
– …
– Alors ? Vendu ?
– Je suis désolé Monsieur Yfer, ça ne m’intéresse pas. »

Furieux Satan décida d’agir immédiatement. C’est que hé, quand même : c’était le Diable, Lucifer, le Démon – la Bête quoi ! Il n’allait tout de même pas s’en laisser remontrer par un petit guitariste de rien du tout.

Et c’est ainsi que le Diable kidnappa Graham Coxon et l’entraîna aux Enfers. Là, il l’attacha à une chaise, ne lui laissant que les bras libres pour tenir sa guitare, et les pieds pour digonner ses pédales d’effets. Afin de le forcer à composer, il l’affamma, l’assoiffa, et l’empêcha de dormir en le réveillant tous les quarts d’heure avec un extrait du dernier Gorillaz 1. Sonné et désorienté, Coxon finit par craquer et gratouiller quelques titres, balancer quelques riffs bien grit qui firent pogoter Satan comme un seul homme. Braillant des vocaux incompréhensibles dans cette langue démonique qu’il avait largement contribuée à créer un millénaire plus tôt, le Diable s’amusait comme un petit fou et fut comblé en entendant que Graham avait même réussi à sortir un titre à la Starlight Mints, sur lequel il broda un texte blasphématoire – Heil Mary. Lorsqu’il entendit ce qui allait devenir Hell Death Samba, il sut : il tenait là un sacré bon album, et probablement le tube du prochain été. Il mit donc un terme à son plan diabolique, ne rougissant même pas devant ce pléonasme. Décapitant furieusement le guitariste, il donna son cadavre à manger aux chiens, prit un pseudonyme sarcastique (JC Satàn, la bonne blague) et s’appropria la gloire de cette belle ouvrage garage.

La Rédaction tient à assurer à ses lecteurs que cet article a été écrit a jeun, un mercredi à 10h14 du matin. Elle tient également à préciser que ni Graham Coxon ni le Diable ne jouent sur l’album Hell Death Samba, ce qui ne l’en rend que plus recommandable encore.

Aucun guitariste, aucun Malin ni aucun chien n’ont été maltraités pendant l’écriture de cette chronique.

JC Satàn | Born Bad, 2011


1. Cruel, pour le moins, à tel point que le Diable lui-même en rougit en me le confiant.

12 commentaires:

  1. une chronique qui ne m'a aucunement donné envie d'écouter cet album, mais qui m'a bien fait marrer!

    RépondreSupprimer
  2. "Aucun guitariste, aucun Malin ni aucun chien n’ont été maltraités pendant l’écriture de cette chronique"

    j'adore ^^

    RépondreSupprimer
  3. "Heil Mary" certes, mais "Crystal snake" c'est un put*in de gros tube aussi !

    En tout cas, à part un ou 2 titres un peu en-dessous, il est franchement cool cet album ;)

    Pour ce qui est de la référence à Blur, tu songes à quel(s) album(s) ? (nan pasque je connais peu Blur, donc ça m'intrigue)

    RépondreSupprimer
  4. Xavier >>> ben oui mais c'est pas très gentil, du coup, ce que tu me dis là...

    Arbobo >>> et le mieux, c'est que c'est vrai ^^

    Dahu >>> c'est plus une impression générale sur certains riffs qui me rappellent Coxon que des morceaux en particuliers qui sonnent blur (en revanche celui qui sonne Starlight Mints sonne incontestablement Starlight Mints). C'est bien pour ça que cet article est foufou :-)

    RépondreSupprimer
  5. ben désolé, mais tu cites Graham Coxon, alors du coup ca me fait fuir. Par contre le coup du diable qui l'oblige à composer en le réveillant tout les quarts d'heure avec le dernier Gorillaz, c'est énorme!
    Des fois, un bon rire vaut bien un bon tube...

    RépondreSupprimer
  6. c'est d'enfer, cette chrnonique;)

    RépondreSupprimer
  7. va donc savoir pourquoi, ça m'a rappelé une oeuvre de guillermo vargas: "eres lo que lees"

    RépondreSupprimer
  8. Xavier >>> qu'est-ce qu'il t'a fait, Coxon ? C'est juste un des meilleurs guitaristes de sa génération...

    Alf >>> ;-)

    gmc >>> je ne connais pas... alors je ne risque pas de te dire pourquoi ^^

    RépondreSupprimer
  9. google le et tu trouveras sans peine; pour une ou deux raisons discutables, cette oeuvre a recueilli contre elle 4 millions de signatures pour l'empêcher d'être présente à je ne sais quel festival d'art contemporain.
    c'est assez sympa de se demander pourquoi, et aussi très révélateur de beaucoup de choses; c'est une vraie oeuvre d'art contemporain.

    RépondreSupprimer
  10. Quelques petits problèmes avec les défenseurs des animaux, je présume ?...

    RépondreSupprimer
  11. le plus intéressant, ce n'est pas leurs doléances, c'est le rapport entre l'oeuvre d'art et son spectateur et l'action de la faculté mimétique ou de l'identification. c'est en phase avec le titre de l'oeuvre, je trouve cet ouvrage et les réactions qu'il suscite assez extraordinaires (en réalité, on a très peu d'infos sur le chien, et, de plus, au fond, tout le monde s'en fout).
    tu vois, c'est exactement ça , la planète des singes, un monde où les spectateurs se prennent pour des chiens. tu es ce que tu lis^^

    RépondreSupprimer
  12. Hum... je ne sais pas, je ne me suis pas trop identifié au chien. Mais c'est vrai que je regardais dans des circonstances particulières.

    RépondreSupprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).