mercredi 24 août 2011

The Vampire Diaries - Surprise : You're Dead

[Taux de spoil : 20 %] Ç’a commencé comme une blague. "Cet été, je vais regarder toutes les séries nazes que je regarde pas d'habitude, hé hé hé. Vu que j'ai vu toutes les biens, faut bien meubler comme on peut en attendant la rentrée. C'est pas avec un pauvre épisode de Breaking Bad par semaine que je vais occuper mes soirées. Et histoire de placer la barre très haut, je vais commencer par The Vampire Diaries !"

Ç’a commencé comme une blague, oui... dans le but avoué de faire hausser les sourcils à mon entourage. Et au début, on a bien ri. "Ah là là ! La gueule de premier de classe qu'il se traîne, le héros... ah putain, et Somerhalder qui arrondit les yeux ! Encore un qu'a bien appris ses cours à l'école Elijah Wood/Colin Farrell..." Sauf que rapidement, on cesse de se marrer. A part quand c'est ouvertement drôle (ce qui arrive parfois). Non pas à partir de la seconde saison, comme on a pu le lire ici ou là, mais au bout de seulement quelques épisodes, lorsque la série trouve son rythme (particulièrement soutenu) et son ton (volontiers vénéneux), et que l'évidence s'impose au spectateur le plus récalcitrant : The Vampire Diaries est une bonne série. Très bonne, même, parfois. Autant dire qu'au vu des critiques régulièrement assassines (et par conséquent d'une exceptionnelle mauvaise foi), le secret était sacrément bien gardé.

L'explication la plus plausible à ce décalage est sans doute que The Vampire Diaries essuie les pots cassés par d'autres, au nombre desquels bien sûr le fatigant Twilight. Il y a quelque chose de confondant à la voir régulièrement présentée comme une romance pour teenagers entre une jolie mortelle et un beau vampire romantique, définition d'une abyssale connerie tant la série ne parle absolument pas de cela. Le lycée disparaît d'ailleurs très vite, tandis que l'idylle entre Elena et Stefan, une fois la nature de ce dernier découverte, s'impose comme une évidence pour céder la place à d'autres intrigues autrement plus corsées. Rarement série aura parue à ce point victime de préjugés d'autant plus risibles que le traitement des nombreuses histoires d'amour n'y est, dans le fond, ni plus ni moins mièvre que les insupportables hésitations de Sookie dans True Blood.


En réalité, The Vampire Diaries parle avant toute autre chose du passé. De son attrait comme de son poids, de comment l'on en reproduit les erreurs et de comment l'on ne peut y échapper. Sa toile de fond habilement peinte permet de mettre les intrigues en perspective : vers la seconde moitié du dix-neuvième siècle, quatre riches familles fondèrent la ville de Mystic Falls sur un territoire appartenant depuis des décennies aux vampires, et lorsqu'elles s'en aperçurent, elles les traquèrent puis les exécutèrent tous. A l'exception de deux frères, amoureux de la même vampire femelle et transformés par elle presque malgré eux, Caïn et Abel nourrissant une rancune éternelle, de retour sur les lieux au XXIe siècle, attirés comme des mouches par la découverte de l'existence d'un mystérieux doppelgänger de leur aimée. C'est par ce biais bien sûr, et non celui que l'on utilise habituellement, qu'il convient de présenter The Vampire Diaries, car comme dans toute bonne série - a fortiori un drama à forte charge en suspens - l'univers n'en constitue pas le contenu tout en en forgeant la définition. Or, celui-ci est en l'occurrence particulièrement bien construit, faisant de Mystic Falls une société intrigante, fonctionnant en vase clos et dont la caste dirigeante, immédiatement descendante des Fondateurs, conserve farouchement tous les secrets. On notera même que la mythologie de la ville occupe la place ailleurs dévolue à la religion, presque complètement absente de cette série : Mystic Falls vit dans l'auto-célébration permanente de ses origines, et le pouvoir (politique, "religieux"...) s'y transmet quasiment de droit divin 1 , tandis que les concepts de transmission et d'héritage sont au centre de toutes les intrigues.


Avec un univers comme celui-ci, on aurait sans doute pu produire une série bien différente ; CW oblige, The Vampire Diaries opte pour une écriture serrée, des personnages globalement adolescents (quoique les adultes jouent des rôles de plus en plus importants au fil des épisodes) et une approche évidemment empathique. On pourrait sans doute faire plus sombre ou plus sulfureux, quoique le feuilleton ne manque pas de noirceur et que le soufre soit bel et bien là, même si discret. Oh, bien sûr, on n'est pas dans la démesure lourdingue mais jouissive d'un True Blood, avec lequel cette série présente encore moins de points communs qu'avec Twilight - ce qui n'est pas peu dire. Mais le double triangle amoureux qui sert de fil conducteur au récit n'en demeure pas moins foncièrement malsain, et les personnages sont loin d'être des coquilles vides accomplissant bêtement les figures imposées par les scénaristes. On passera sur Damon/Somerhalder ; non qu'il soit moins intéressant que les autres, mais son personnage jouisseur et faussement amoral, s'il fait les meilleurs moments de la série durant des premiers épisodes un peu laborieux, est sans doute le plus convenu, s'inscrivant dans une longue lignée d'arrières petits enfants de Lestat, en apparence odieux et cruels quoique dans le fond adorables (Spike, Eric Northman... rien que dans la période contemporaine la liste est sans fin). Son frère, si lisse au premier abord, s'avère à l'inverse bien plus imprévisible, et il faut reconnaître à Paul Wesley (entrevu en mari de Kim Bauer dans les dernières saisons de 24 ou en boyfriend bien casse-couille de l'héroïne d'Everwood) de savoir jouer d'une partition subtile. Il compose un Stefan Salvatore faussement cool, dont le côté gentil-héros-torturé masque une part d'ombres prometteuse, qui s'exprime par éclats lorsqu'il passe son temps à jurer de ne plus mentir à Elena... pour mieux lui recacher telle ou telle vérité deux épisodes plus tard. Comme souvent, la série procède par dissémination d'indices 2, et ses crises de jalousie, ses accès de violence... constituent une machine bien huilée amenant de manière on ne peut plus logique au dénouement surprise de la deuxième saison. Ajoutons à cela que le garçon est bien de son époque (celle de sa naissance), bon gros macho voulant avant tout protéger sa faible femme de compagne, qui ne lui en demande pas tant. Ici réside peut-être la véritable particularité de The Vampire Diaries : les filles n'y sont pas de pauvres victimes chouineuses et/ou de gentilles fleur bleues ; elles tiennent au contraire solidement le gouvernail, et échappent brillamment aux archétypes du genre, Elena finissant par sauver Stefan bien plus régulièrement que l'inverse, véritable anti-Sookie/Bella/Mina. Bonnie et la colère sourde qui l'habite, ou Caroline, plus fragile mais au caractère tout aussi bien trempé, soutiennent et amorcent elles aussi solidement les intrigues et sont, chacune à sa manière, de véritables trouvailles de casting.


Le reste rélève sans doute du décorum, mais fait indéniablement beaucoup pour l'efficacité et l'addiction de la série. Le rythme est extrêmement soutenu, multipliant les rebondissements parfois franchement brillants (la série s'est notamment fait une spécialité d'abattre ses personnages comme des mouches) et prenant souvent à revers. Il est vrai que cela fonctionne surtout dans la première saison, en partie parce que l'on ne s'attend pas tout à fait à une telle série, et que l'on se laisse plus facilement surprendre. Mais l'ensemble témoigne de toute façon d'une incontestable efficacité narrative, ce qui n'a rien de surprenant de la part d'une production Williamson, dont le savoir-faire en matière de suspens adolescent n'est plus à démontrer. Au rayon des défauts, on citera bien sûr cette éternelle et pénible antienne de l'humanité du vampire, fardeau que toutes les séries du genre se trimballent tel le proverbial boulet depuis Anne Rice. Cela est heureusement largement compensé par une réelle habileté dans le traitement des bestioles périphériques (sorcières, loup-garous...), une mise en scène souvent déchaînée et un sens du dialogue impeccable. Faut-il en demander plus ? La plupart des séries contemporaines peinent à avoir une seule de ces qualités. Celle-ci les a toutes.


👍👍 The Vampire Diaries (saisons 1 & 2)
créée par Kevin Williamson et Julie Pec, d'après les romans de L.J. Smith
The CW, 2009-11


1. Ainsi, lorsque le maire Richard Lockwood meurt à la fin de la saison 1, c'est tout naturellement sa femme qui prend sa suite dans la suivante (le fait que les élections soient évoquées mais jamais filmées autorisent à supposer qu'aucune liste d'opposition ne se présentera à cette occasion, ce qui semble on ne peut plus cohérent avec la mentalité mysticfallsienne).

2. D'innombrables indices quant à l'identité de Tyler Lockwood sont par exemple disséminés dès le pilote, même si la révélation interviendra bien plus tard dans le récit.

27 commentaires:

  1. EXCELLENT ARTICLE. Merci de sauver un peu l'honneur de cette très bonne série injustement méprisée.

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  2. Très bien vue la remarque sur l'absence totale de la religion. Je n'y avais jamais pensé.

    Sinon, ça se regarde, sans plus.

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  3. C'est vrai que j'ai un peu soupiré quand ma nana a voulu le regarder, et finalement c'est pas mal du tout, notamment à cause des jeunes comédiens, qui sont tous très bons. Surtout Nina Dobrev, qui réussit quand même à jouer deux rôles très différents et les rendre vraiment crédibles, au point qu'on oublie que c'est une seule actrice (enfin tu vois ce que je veux dire ? ^_^)

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  4. Pas pu aller plus loin que les 5 ou 6 premiers épisodes, franchement ennuyeux (pour rester poli). Peut-être que ça devient bien après, mais j'ai pas eu le courage...

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  5. Oui, c'est une série plaisante que l'on ne peut que classer dans la catégorie "bonnes surprises". Bisoux

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  6. AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH!

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  7. Et tu as OSE en faire un article en plus!!

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  8. AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH!

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  9. - désolé je ne peux plus m'arrêter de rire -

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  10. Et sinon, U2 est-il le plus grand groupe du monde?

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  11. Marion, Lil', Mo >>> merci.

    J-C >>> bien entendu je vois tout à fait ce que tu veux dire. On oublie très vite le montage pour ne plus que Katherine d'un côté, et Elena de l'autre (c'était ça, hein, que tu voulais dire ? ;-))

    Lyle >>> en même temps le simple fait que tu aies pu commencer à regarder me terrifie...

    Serious >>> rigole donc, pendant que tu peux encore.

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  12. Non, sérieusement ? Bien ? Bien bien ? Bon, alors je vais te faire confiance...

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  13. Arrête, quand tu me menaces j'ai l'impression que tu fronces les sourcils comme Ian "j'ai une tête de blaireau mais mes yeux font illusion" Somermachin :D

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  14. Et en quoi cela a-t-il pu te terrifier ? :-)

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  15. Un truc que j'aime particulièrement, sur Le Golb, c'est que la connerie n'y est jamais "banale", "juste conne", non, elle y est toujours "abyssale", "intersidérale", "surnaturelle", etc. :-)

    Sinon, Vampire Diarrhées, non merci.

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  16. Serious >>> pas de blaireau, de fouine !

    Lyle >>> je ne sais pas. Tu m'étonneras toujours.

    Bloom >>> bien vu ^^ (par contre le jeu de mots, franchement... même Serious ne l'avait pas osé !)

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  17. Oh, rassure-toi il y a pensé très fort :D

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  18. J'ai découvert par hasard et, comme tout le monde, j'ai eu une très bonne surprise.

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  19. J'ai bien fait de mettre le mot "surprise" dans le titre, moi ^^

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  20. Ah naaaan!!! Pitié pas ça!!!
    Franchement, j'ai regardé un peu paske mes gosses s'y sont mis. J'ai tenu 15 épisodes de la saison 1.
    Héléna est à piler tellement elle joue mal (j'ai relevé 2 ptet 3 expressions à son répertoire)
    Son amoureux (son nom m'échappe) est tout droit sorti d'une série pour ado boutonneux de CW (ah bon, c'est la chaine où ça passe?)
    Le cast féminin est à peine au dessus d'un soap de journée pour ménagère de moins de 70 ans.
    Ian Somerhalder est ptet le seul acteur à peu près crédible (et encore, pas tout le temps)
    Le scénario: on voit arriver les rebondissements à 30 km (pas 15 là, c pas assez...)
    bon
    Mes gosses adorent.
    c'est dire...
    ^^

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  21. Les rebondissements se voient à 30 km ??? Tu es très forte alors, parce que la série abat tellement de personnages importants en quelques épisodes que moi, j'avoue en rougissant que je ne m'y attendais absolument pas. Et franchement, j'aurais du mal à croire celui qui me jurera qu'il savait que Vicki (au hasard) allait mourir au bout de quelques épisodes seulement, alors qu'elle était présentée depuis le début comme un des personnages principaux...

    Sinon je note une fois de plus que tu tapes de bon cœur sur le cast féminin. Ça commence à m'interpeler, je dois dire ;-) Elles sont bien, ces petites. On a un peu l'impression de les voir apprendre à jouer en direct live, mais je ne vois pas de mal à ça, elles sont jeunes après tout.

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  22. Ben oui, c'est Somerhalder justement qui n'a que deux expressions, pas les autres :)

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  23. Exactement ce que je pensais.

    Son jeu devient une espèce de somme de gimmicks, dans la seconde saison... les autres progressent énormément (notamment Candice Accola), mais alors lui, il atteint rapidement ses limites...

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  24. Dahu Clipperton25 août 2011 à 12:39

    Bah tu me titilles ma curiosité, là ^^ notamment avec cette histoire de communauté autarcique... Pis bon, j'ai bien réussi à mater les 3 saisons de "True Blood" malgré des défauts gros comme le Brésil, alors je peux bien tenter le coup avec celle-ci.

    Par contre, y a une phrase qui m'a fait me gratter le front : "une longue lignée d'arrières petits enfants de Lestat, en apparence odieux et cruels quoique dans le fond adorables (Spike, Eric Northman [...])"
    ...t'es sûr ? "Adorable" et "Eric Northman" dans la même phrase ??? Tu pousserais pas un peu papy dans les bogues de marrons ?
    :D

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  25. faut dire, j'ai pas regardé la 2ème saison....

    En même temps j'avais pas non plus capté que c'était, en fait, une école d'art dramatique... mais vu comme ça...
    :-)

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  26. Dahu >>> Arrête, Northman est le typique faux méchant dont on sait très bien qu'il va devenir un gentil (le célèbre syndrome Vegeta). Idem pour Damon dans The Vampire Diaries.

    Après on ne pas du tout comparer les deux, mais il est évident que la critique (et même une bonne partie du public sur le Net) est infiniment plus complaisante avec True Blood, alors que franchement lister ses défauts d'écriture serait sans fin. Mais bon, c'est Alan Ball, c'est HBO, ça passe. Sauf sur Le Golb, où on ne connaît pas le sens du mot a priori :-) Si un jour le dernier Coldplay est meilleur que le dernier Radiohead... il n'y a qu'ici qu'on le lire ^^

    Kath >>> que tu es taquine ;-)

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