vendredi 24 juin 2011

Eclectek - Here Come the Zeroes

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Certains groupes n’ont pas de bol. Ils arrivent tellement à contretemps que cela les rend immédiatement sympathiques, comme tous les gens incapables de surfer sur la vague du moment, tout en leur assurant quelques galères pour espérer atteindre le Saint Graal de tout jeune groupe qui se respecte (signature, tournée, chronique dans un magazine à gros tirage… les cadeaux d’anniversaires possibles ne manquent pas à ce niveau de notoriété). Publié à la fin des années 90, à une époque où le neo-metal-fusion-et-tout-ça marchait bien et où Rocksound accordait deux pages mensuelles à n’importe quel groupe pouvant s’en rapprocher de près ou de loin, l’EP d’Eclectek, son esthétique cartoonesque, son crossover de genres inconciliables, son énergie et son groove… tout cela aurait pu grandir très vite.

eclectek

Autres temps autre mœurs, l’expression« neo-metal » fait rire 1, et l’expression « fusion » est bannie de toutes les discussions sérieuses (discussions dans lesquelles des gens ne souriant jamais font semblant de ne pas se rappeler qu’ils pensaient encore il y a quinze ans que la fusion était « l’avenir de la musique » – car les gens très sérieux ne souriant jamais n’aiment rien tant qu’à découvrir l’avenir de la musique du moment), Rocksound vient de se relancer dans une indifférence générale après trois ans de silence, et, plus globalement, la marge d’Eclectek paraît assez réduite. D’autant que si certains passages rappellent immanquablement quelques souvenirs ("Raggascat" ou les excellents "Nouveaux romantiques"), sa fusion est à prendre au sens de cocktail. Ou mieux, tenez : d’arc-en-ciel. Vous prenez tout ce qu’a pu recouvrir l’expression « fusion » depuis vingt ans, vous mélangez proprement, et vous avez Eclectek. Qui recoupe donc un nombre impressionnant de tendances, du bon vieux funk-rock d’antan à des choses franchement discoïdes, en passant par enhancer, le Tricky du mésestimé Blowback, ou Gorillaz. Ce sera sans doute de ce dernier que l’on rapprochera le plus souvent Eclectek dans l’avenir, moins pour le son que pour la diversité des registres abordés (on n’a pas encore cité les réminiscences reggae et drum’n'bass, et mille autres trucs encore qu’il serait fastidieux de lister), l’importance accordée au visuel (la pochette dit tout) et le côté catchy de l’ensemble.

Là normalement, vous venez de vous écrier : « Non ? Il est quand même pas en train de nous dire que non seulement ces gens ne sont pas à la mode, mais qu’en plus ils sont impossible à classifier ? » Bah… si, mais c’était un peu dit dans l’énoncé (Eclektek n’étant pas, a priori, un hommage voilé au fameux pokémon Elektek… quoiqu’avec de tels zozos, le doute soit permis). Et c’est ce qui rend lesdits gens d’autant plus sympathiques, même si comme souvent avec ce genre d’objets foutraques, le disque est relativement inégal. Mais son bazar a ce mérite d’être très bien arrangé et produit, ce qui joue énormément sur l’impression générale. Surtout, il dégage une belle énergie (on soupçonne dès la première écoute que les prestations live doivent être jouissives) assortie d’un solide sens de la dérision, chose trop peu courante en musique, comme chacun sait. Ce qu’on appelle une bonne surprise et qui se conclut généralement par les mots « très prometteur ».


👍 Eclectek 
Eclectek | Autoprod, 2011



1. Le genre, dans sa version asseptisée, continue certes à vendre des palanquées de disques aux Etats-Unis… mais bon, Eclectek vient du Nord.