samedi 2 avril 2011

Un festival Interlignage qui ne dirait pas son nom

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Il fallait y être. Une affiche Alister + Cheval Blanc, soit deux habitués des pages d'Interlignage (Alister était l’invité de la rubrique Meeting… il y a quelques semaines, Cheval Blanc l’a été deux fois l’an passé, ICI et ICI), artistes radicalement différents mais également singuliers… en plus au Café de la Danse, qui au fil des années est quasiment devenu notre résidence secondaire… soyons franc : c’était une soirée Interlignage qui ne disait pas son nom. Alors oui, il fallait y être.

Mais franchement, quel public de merde. Désolé pour la grossièreté, et désolé tant qu’on y est pour la partie de l’assistance (heureusement majoritaire) qui sut se montrer respectueuse du set intimiste et minimaliste du Cheval Blanc. C’est d’autant plus louable que l’ami Jérôme n’a pas fait dans la facilité en enchaînant les morceaux inconnus, souvent très sombres et assez longs, seul au piano puis à la guitare. Reconnaissons qu’un concert lancé par "A la mort du monde" n’est pas forcément la meilleure manière de conquérir le public de l’orgiaque Alister. Néanmoins c’est remarquable. A ceci près qu’après une vingtaine de minutes enthousiasmantes, le bar est envahi par une improbable faune de bobos crétins parlant trop et trop fort – alors même que le son est (comme souvent au Café de la Danse lorsqu’un artiste se retrouve en guitare/voix) assez bas. On admettra qu’entendre un type brailler « une pinte et une coupe » pendant que Cheval Blanc entonne la crépusculaire "L’Alcool" a quelque chose de presque indécent. Et plus la salle se remplit plus le concert semble irrémédiablement gâché ; c’est au point qu’on parviendra à peine à entendre la magnifique "Les Amants morts", presque entièrement recouverte, de là où l’on est, par le blablabla d’une quelconque pétasse incapable d’attendre l’entracte pour narrer par le menu la banalité de son existence à sa copine… ou tout simplement de le faire à voix basse (il y a du jet de bière à la tronche qui se perd). De mémoire, on n’a jamais vu ça au Café de la Danse, où le public est généralement d’une courtoisie et d’une attention rares.

alister-live

C’est donc de très mauvais poil que l’on sort fumer une clope, en se disant qu’il faudra beaucoup de talent à Alister pour nous faire décolérer. On ne croyait pas si bien dire (enfin : penser). En quelques secondes Alister nous met dans sa poche sans même donner l’impression de forcer son talent. On le savait songwriter malin, on le découvre bête de scène – on s’y attendait d’autant moins qu’il est vocalement franchement limite (pour ne pas dire qu’il chante comme une grosse patate). On avait raconté lors de la précédente chronique à quel point on avait été agréablement surpris, s’attendant à rencontrer un branleur de premier ordre, de tomber sur un type humble et charmant. En live, le branleur ressurgit… et c’est tant mieux – c’est sa juste place. Hâbleur et blagueur, très concerné par les résultats de France-Croatie… rock’n'roll au sens le plus strict du terme, l’auteur de "Qu’est-ce qu’on va faire de toi ?" est de surcroît accompagné d’un groupe solide et teigneux, capable de délivrer des grooves comme on n’en entend pas souvent dans nos contrées. En toute logique, les titres les plus rock du répertoire ("Fille à problèmes", "Bordel") en sortent grandis, à commencer par "Les mecs, les filles", délivré dans une version se situant quelque part entre l’Apocalypse et un fou rire incontrôlable – la fameuse « promesse de violence » sautant ici plus que jamais aux oreilles.

Aucun ventre mou notable (ce qui en une heure et demie de show n’est pas si courant), quasiment pas de mauvais titre (disons juste que "Tu peux dormir ici" n’est pas plus lourdingue que sur album) et un seul vrai bémol (l’absence de "F.B.I." – peut-être son meilleur morceau – alors que tout le reste de Double Détente y est passé). Certes, on sait moins que jamais qui est vraiment cet Alister, du crooner branché, du chanteur populaire ou du glam-rocker déjanté. Mais on a assisté, incontestablement, à l’un des meilleurs concerts des derniers mois.