vendredi 11 mars 2011

Ellisorama

[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°44]
Glamorama - Bret Easton Ellis (1998)

Chers lecteurs, n’écoutez pas ce que l’on vous raconte : Glamorama, tout grand succès de librairie qu'il soit, n’est pas un livre. Cela y ressemble un peu, soit, notamment au niveau de la forme et de la mise en page, mais dès que vous allez l’ouvrir vous allez vous rendre compte que l’on vous a menti. Glamorama, c’est beaucoup plus. C’est un cocktail Molotov concocté avec une bouteille de champagne millésimé. Un ovni dangereusement drôle et explosif, schizophrénique autant que clownesque, mariant le trouble du vertige aux couleurs de bariolées de la bouffonnerie.

Si Glamorama avait un metteur en scène, ce serait sans doute le David Lynch de Lost Highway, mais en plein trip d'ectsa avec Greg Araki en guise de premier assistant.

Si Glamorama avait une bande-son, ce serait probablement Marilyn Manson et Alice Cooper interprétant en duo l’intégralité de la BO. du Rocky Horror Picture Show.

Si Glamorama était une parodie, il se frotterait certainement à Beigbeder et ses ouailles, qui depuis sa parution le pastichèrent avec une régulière constance dans la médiocrité.

Si Glamorama était une série télé, elle raconterait comment Don Draper s'est incrusté dans Entourage et a découvert les drogues de synthèse.

Si Glamorama était un récit, celui-ci serait impossible à résumer, kaléidoscopique, explosé en une infinité de fragments et parfois totalement incohérent (vous comprendrez que l'on ne puisse décemment pas considérer Glamorama comme un livre).

En parlant de résumé : étant incapable de raconter un livre qui n’est pas racontable, j’ai regardé les résumés sur le net, et j’ai beaucoup ri. Il n’y en a pas deux qui se répondent, ni aucun qui donne un aperçu fidèle de ce dont il s’agit… c’est dire si cette œuvre laisse la place à un paquet d’interprétations possibles. De manière assez générale, il semble que tout le monde s’accorde pour dire qu’il s’agit d’une satire. Soit. Le problème, qui se rencontrait déjà avec les précédents romans ovnis de l'auteur et atteint son apogée avec celui-ci, c’est que l’on n'arrive plus depuis très longtemps à savoir si Bret Easton Ellis écrit des charges répétées contre le déclin de la société occidentale et la vacuité des beautiful people, ou bien s’il est partie prenante (et intégrante) de ce chaos organisé qu’il dénonce (notons que son très décevant dernier roman truc fait plutôt pencher la balance de ce côté).

C’est ce qui fait, je crois, le sel de ses romans travaux – et de celui-ci en particulier : ce flou dans le projet ouvre de nombreuses portes, et chacun sera libre d’y voir ce qu’il voudra y voir. Les détracteurs de BEE se feront un plaisir de gémir en disant que c’est immoral, illisible, creux et tout le baratin habituel ; les intellos pourront continuer à écrire des thèses sur cet auteur qui ne ressemble décidément qu’à lui même.

Personnellement, je trouve l’idée d’une littérature illisible, immorale et creuse curieusement excitante…

Allez comprendre.


Trois autres livres pour découvrir Bret Easton Ellis :

The Rules of Attraction (1987)
American Psycho (1991)
Lunar Park (2005)

10 commentaires:

  1. Ben...c'est vrai qu'Ellis j'ai quand meme toujours trouve ça assez illisible. Mais bon, les gouts et les couleurs...

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  2. Tu peux pas dire ça, Lune sérieuse, c'est très lisible, c'est même le seul auteur lisible dans le genre. Parce que bon tous les autres, McInerney et toute la clique c'est affreux de superficialité et de prétention. Alors que Glamorama même sans prendre ça pour un chef-d'oeuvre (c'est pas mon cas) on ne peut pas nier qu'il y a une vraie démarche et un vrai propos au-delà de tous les gimmick d'Easton Ellis qui ne sont pas trop mon genre.

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  3. "Dans le genre." ? Perso je trouve qu'il a crée un genre à lui tout seul ou alors qu'il n'y a pas de genre du tout, le concernant.
    J'ai dévoré Glamorama tout en étant dévorée par le livre...
    Les Lois de l'Attraction, que j'ai découvert bien après, malgré le malaise qui pour moi s'en dégageait,malgré la justesse (ou ce qui me semble être justesse) du propos,et bien ça m'a paru bien doux et presque "gentil", à côté de la frénésie canibalesque, hypnotique, tout ça machin, de Glamorama.

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  4. Glamorama est quand meme assez représentatif de la mouvance Brat Pack :)

    Plus que d'autres Easton Ellis.

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  5. Je vous aime bien Miss Lil', mais c'est un peu réducteur, ce que vous dites. Au contraire, "Glamorama", c'est un peu Easton Ellis qui "se retourne contre le Brat Pack", et le parodie méchamment.

    Sinon, j'aime beaucoup ce que dit Mademoiselle Lucie : "J'ai dévoré Glamorama tout en étant dévorée par le livre... " C'est très juste.

    Bonne journée à l'une, et l'autre.

    BBB.

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  6. J'aurais pu signer le commentaire de BBB. à la virgule près. Notamment quant à la belle formule de Lucie.

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  7. Bonne question. Il me semblait que les détracteurs d'Ellis parlaient d'immoralité, en général. Mais je peux me tromper. D'autant que moi, personnellement, j'ai toujours vu une relative part de moralisme dans les romans de cet auteur (moins Glamorama, sans doute). C'est flagrant avec le désormais diptyque Less Than Zero/Imperial Bedrooms...

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  8. Ellis est au final un des auteurs tout à la fois les plus fascinants et traumatisants que j'aie eu l'occasion de lire. En ce sens, la formule de Lucie est super juste, parce que la lecture d'un de ses bouquins (un des bons) s'apparente à une obsession, une malédiction, impossible de lâcher, ce style à la fois hoquetant et fluide... Glamorama, c'est celui où, limite, on le finit plus parce qu'on est fasciné par le style et qu'on arrive pas à décrocher que parce que l'histoire intéresse... Sorte de cyclone qui te pourrit l'existence, à toujours chercher un instant de libre pour se replonger dans le bouquin, cette lecture qui aspire totalement tes forces et ton temps libre... et que t'es bien dans la merde quand il s'agit de justifier pourquoi tu passes ton temps plongé dans ce bouquin dès que tu as deux minutes devant toi.

    (Et moi qui vient de finir le ... médiocre est limite un compliment pour ce truc... imperial Bedrooms, je réévalue Glamorama carrément à la hausse, là. (non mais quelle honteuse deception))

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  9. Bon, apparemment vous vous êtes tous donné le mot pour écrire des commentaires meilleurs que la chronique, donc ce qu'on va faire c'est que vous m'écrivez l'article de demain ? :-)

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