lundi 21 février 2011

Stranded Horse - Sea Breezes

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[Article précédemment paru sur Interlignage] Pour une poignée de fidèles, c’est presque devenu une tradition : tous les trois ans, réglé comme une pendule, Yann Tambour sort de nulle part, publie l’un des albums de l’année, puis retourne vaquer à ses occupations quelque part dans ce que l’on imagine être le Nevada français. Il ne fait pas beaucoup de bruit entre temps, mais chacun de ses disques – une dizaine en comptant les nombreux EPs – laisse une marque durable, parfois indélébile, occasionnellement grossière – jamais superficielle ou gratuite.

C’est acquis depuis la première note du premier morceau du premier album d’encre, son premier projet, il y a (déjà) dix ans : ce garçon (qui depuis le temps a bien dû finir par devenir un homme) a tout d’un grand ; la suite – sublime Flux, surprenant premier album de Thee, Stranded Horse – n’a fait que confirmer la polymorphie de son talent (electro, blues, post-rock, chanson…) et une capacité rarissime en France à être toujours là où on ne l’attend pas.


Le nom a été raccourci en Stranded Horse (car avec Tambour, même les noms et les titres semblent en perpétuelle mutation), le nouveau grand cru légèrement en retard (Churning Strides remonte déjà à presque quatre ans), mais pour le reste rien à changé – donc tout est différent. Est-ce le retour à la mer (le « tides » de Humbling Tides désigne les marées) ? On est frappé par une forme de légèreté nouvelle, une gracilité dans les instrumentations comme dans la voix du chanteur, dont on peine de plus en plus à se rappeler qu’elle n’était à ses débuts qu’un murmure rauque sortant de terre. Sur "In the Shoreline It Withdrew in Anger" ou "Shields", le voici métamorphosé en lointain parent de Nick Drake, dont il retrouve la même manière élégante d’échapper au temps et aux modes.

Contemplatif, intimiste et souvent renversant, Humbling Tides est à l’évidence un ouvrage plus aérien que son prédécesseur ; il ne contient que huit morceaux, mais tous sont remarquables, sinon poignants ("Les Axes déréglés", "Jolting Moon"). Même la reprise des Smiths ("What Difference Does It Make?"), glissante, séduit et fascine. Le traitement n’a pourtant rien de bien extraordinaire : on acoustifie le morceau, on le ralentit… c’est le procédé le plus courant qui soit. Tout le talent de l’artiste est d’avoir senti qu’avec ce morceau, précisément, le traitement aboutirait à une merveille. Et d’une certaine manière, cette cover constitue un parfait résumé de l’album dont elle est extraite : si l’on excepte l’usage (de plus en plus maîtrisé et séduisant) de la kora, rien dans l’écriture ou la production de Humbling Tides ne sort de l’ordinaire. Mais la sensibilité de Tambour et la richesse de son univers intérieur sont telles que l’album paraît unique en son genre, traversé par une sérénité profonde, et à chaque minute d’une rare beauté. Si vous avez fini par faire une overdose de folk après le raz-de-marée de guitares acoustiques des dernières années, vous tenez votre remède.


Humbling Tides, de Stranded Horse (2011)



> Le monde a beaucoup changé depuis Churning Strides, puisque cette année plein de gens en ont parlé (on ne peut pas s'en plaindre). Citons entre autres Benjamin, Benoit, Mmarsup, Spiroid...

19 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas ! C'est vraiment très beau.

    BBB.

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  2. Je doute qu'on entende mieux, dans le genre, en 2011...

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  3. Disque très agréable d'un artiste découvert sur scène accompagné de son mentor Ballake Sissoko ... "Sea Breezes" c'est exactement ça, on le sentirait presque, ce petit vent qui fait qu'on est bien sur le bord de mer alors qu'un soleil de plomb accable l'arrière pays ...

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  4. ça fait plaisir de voir de si nombreuses chroniques de ce disque car Yann Tambour mérite plus de reconnaissance. On était malheureusement pas nombreux à avoir parlé de "churning strides". Cependant, même si ce nouveau Stranded Horse est très réussi, je lui préfère nettement son 1er album, que je trouve plus poignant.

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  5. Comme Nyko, je préférais le premier. Cela dit, je trouve que celui-ci est vraiment un très bel album.

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  6. Beau morceau, peut etre un peu long, mais très appaisant.
    Si je croise le bonhomme... (enfin, son album...)

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  7. Content que le plébiscite continue !

    Nyko >>> effectivement, Churning Strides avait eu des échos beaucoup plus discrets. Je m'en souviens très bien car c'est le premier article que j'ai lu sur ton blog. A l'époque j'étais très fan d'encre et j'avais été assez surpris que si peu de gens en parlent.

    Xavier >>> si vraiment tu veux croiser le bonhomme, il est en concert dans ta ville après-demain. Ah ah, tu ne croyais pas si bien dire avoue ! :-)

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  8. oh non, pas un mercredi :(

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  9. D'ailleurs, OUF, il passe mercredi et pas mardi. J'ai longtemps cru devoir faire l'impasse et pis non.
    (sinon, superbe disque vraiment. Mon favori de 2011 jusque là)

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  10. Nouveau débat sur Le Golb : pour ou contre le mercredi :-)

    Je ramasse les copies dans une heure.

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  11. Mieux: Le football et la musique sont-ils compatibles?

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  12. Bonne réponse de Mr Thomas de Campagne (bouge les épaules frénétiquement).

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  13. je m'insurge, il ne s'agit pas de foot, mais bien de musique (répète avec mon groupe).
    Cheveu ont la décence de passer un jeudi! (bon, va falloir trouver un babysitter, parce que le jeudi c'est ma femme qui est en répète).

    Sinon Stranded Horse a eu un bon article dans le gratuit Lyon Plus à l'occasion de son passage à Grrrnd Zero, à priori il n'est plus si confidentiel...

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  14. "Le football et la musique sont-ils compatibles? "

    Et You'll never walk alone, c'est du poulet?

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  15. Je n'ai donc pas été assez précis: la musique et les matchs du mardi et mercredi en Ligue des Champions sont-ils compatibles? (j'avoue avoir raté quelques concerts pas dégueus pour suivre les matchs du club de mon aorte).

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  16. (il doit être content Thomas qu'on parle de foot dans les commentaires d'un si beau disque)

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  17. Moi j'ai interdit le foot chez Hello Darkness, sinon j'avais plus qu'à continuer en solo... faut voir Yosemite se jetter sur son téléphone pour voir les résultats dès la dernière cymbale rangée. Une drogue dure, pire que l'héroine...

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  18. Non non, moi ça va (le slogan de ce blog c'est quand même "bar-PMU culturel"). Après évidemment on pourrait objecter le respect de l'artiste, tout ça tout ça :-)

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