samedi 19 février 2011

Neurosis - La Métamorphose

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1er juin 92 : le jour où Neurosis est devenu Neurosis. Le jour où un petit combo hardcore furibard s'est reconverti dans le metal post-apocalyptique (ou peut-être "pré" : il la convoque, cette fin des temps), empruntant sans le savoir les sentiers de la gloire, qui l'amèneront à devenir à terme le plus grand groupe de metal de son temps, et l'un des collectifs les plus créatifs et influents des dix dernières années (à égalité avec les sporadiques Tool et les groovy Queens Of The Stone Age, soyons de bonne foi). Et l'ironie, dans tout ça, c'est qu'il aura fallu que Neurosis signât sur le label du Dieu vivant du hardcore (Alternative Tentacles, Jello Biafra) pour s'en éloigner plus que jamais.

Bien sûr, dans les faits, les choses furent moins schématiques que cela. The Word As Law montrait déjà un attrait pour le thrash comme pour le mélange des genres, et la mue a été bien plus progressive que ce que l'histoire a bien voulu retenir. Évidemment, avec le recul, tout cela n'est pas si surprenant, et les passerelles entre hardcore et metal étaient déjà tombées depuis quelques années (Black Flag lui-même avait entériné cet était de faits). Il n'empêche : on imagine la tronche des fans de l'époque en découvrant 'To Crawl Under One's Skin' ou 'Souls at Zero', ouvertures ultra-pachydermiques convoquant plus volontiers les fantômes de Celtic Frost ou de Voivod que celle de l'œuvre de Neurosis elle-même (du moins de ce qu'ils en connaissaient alors). Avec sa collection de processions funèbres, ses cassures rythmiques, son écriture extrêmement complexe et son incorporation d'instruments (violons, flûtes, trompettes) à l'époque très inhabituels dans ce genre de disque, Souls at Zero marque une véritable rupture et écrit un futur qui par la suite sera encore plus fascinant.

Car c'est un fait, malgré sa qualité par instants démentielle (il faut écouter 'A Chronology for Survival', funérailles électriques d'une incroyable intensité, pour comprendre pourquoi cet album a à ce point fait date), Souls at Zero n'est jamais qu'un album de transition, à la production parfois un peu light et dans lequel Steve von Till et Scott Kelly jouent les rôles des amants se redécouvrant avec timidité. Jusqu'à Times of Grace, probablement leur meilleur opus, chaque disque marquera un pas supplémentaire vers l'accomplissement. Enemy of the Sun amènera la tribalité qui deviendra la marque de fabrique de la... tribe ; Through Silver in Blood verra le groupe s'essayer au psychédélisme et se réinventer en maître ès-atmosphères. Pour l'heure, si les pépites sont légions ('Flight', 'Stripped'...) et si Souls at Zero fait changer Neurosis de dimension, on reste malgré tout dans un registre sludge/doom relativement classique. Neurosis est passé d'un ghetto à un autre, sans abattre toutes les cloisons. Ce sera fait à peine un an plus tard sur Enemy of the Sun, premier grand chef-d'œuvre du groupe. Ce qui ne rend pas la redécouverte de cet album puissant et ténébreux moins importante - qu'importe que cette nouvelle édition n'apporte pas grand-chose à la précédente, sinon de faire baisser son prix. Pas forcément un mal.


Souls at Zero, de Neurosis (1992)

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