lundi 17 janvier 2011

Social Distortion, la tête haute

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2011 célèbrera donc le retour d’une des dernières légendes vivantes du punk-rock. Soit donc Mike Ness, quarante-neuf ans cette année, dont trente-deux au service de ce bon vieux rock’n'roll. L’homme de Social Distortion, genre de Johnny Thunders de la Génération X, ne fait franchement pas son âge. On en dirait difficilement autant de sa musique, mais il est vrai que le gaillard a renoncé depuis bien longtemps à la rage adolescente pour explorer d’autres territoires, plus roots, plus vintage, plus difficiles à suivre aussi pour le public. Social Distortion change de style aussi souvent que d’humeur, et la liste de ses ex-membres est plus épaisse que le bottin mondain. C’est aussi pour ça qu’on l’aime.

Parce que Ness est un franc-tireur au C.V. aussi long que son casier judiciaire, du genre qui détonne dans un monde devenu sage et policé. Parce que si c’est le punk revival qui lui a permis de décrocher la queue du Mickey au début des années 90, il n’a jamais sacrifié à la mode ni au succès, demeurant sans doute pour l’éternité ce fétichiste du rockab’, obsédé par Hank Williams et les racines de la musique américaine. Sans lui, son cowpunk endiablé et sa paire de classiques (Social Distortion et Somewhere Between Heaven & Hell, respectivement en 1990 et 1992), c’est toute une génération qui serait restée dans l’ignorance de la country, du rockabilly et de l’americana. Tant pis si les gardiens des temples de ces courants n’ont jamais vraiment su l’accepter dans la famille, snobant les deux albums solos (Cheating at Solitaire et Under the Influences) où ils scandait son amour pour ce cher vieux Hank, Carl Perkins et même l’obscur (et fabuleux) Wayne Walker.


A l’instar de son cousin new-yorkais Jesse Malin, Ness semble de plus en plus attiré par le classic rock en vieillissant. C’est la tendance qui domine nettement Hard Times and Nursery Rhymes, premier opus depuis sept ans et chasse à peine voilée sur les terres de Springsteen. Le simple fait qu’un tel disque paraisse chez Epitaph, temple punk/hardcore depuis trente ans au bas mot, dit tout de la popularité et du respect inspiré par Ness à ses pairs, comme à une large part d’un public keupon auquel sa musique s’est rarement aussi peu adressée. Levons immédiatement le suspens : c’est une franche réussite.

Passé un "Road Zombie" dont le riff graisseux et la rythmique rouleau-compresseur font envisager un album plus hard qu’il ne l’est en réalité, on retrouve avec plaisir tout ce qu’on adore chez Social Distortion : goût immodéré pour le rock stonien ("California (Hustle & Flow)"), mélodies impeccables ("Gimme the Sweet & Lowdown"), voix à fleur de peau ("Bakersfield"), reprise goûtue ("Alone & Forsaken", de Williams, dont le parti-pris très – trop – punk-pop est amplement compensé par une force de conviction indiscutable dans l’interprétation)… et bien sûr une belle diversité dans les registres abordés. De la power-pop au folk-rock, du glam au heavy rock, il y en a comme d’habitude pour tous les goûts, avec toujours cette nostalgie et ce sens de l’esthétique faisant d’un morceau de Social D bien plus qu’un énième tube estampillé Bay Area. Alors certes, ce n’est sans doute pas leur meilleur album (mais cela fait bien longtemps que le nouveau disque de Mike Ness n’est plus son meilleur album) et oui, on pense tellement à Springsteen par instants ("Writing on the Wall") que c’en parfois un peu perturbant. Le Boss ayant sombré ces dernières années dans un abyme de médiocrité artistique crasse, on voit mal cependant ce qui pourrait nous faire nous plaindre. Social Distortion a toujours ce talent insolent et cette capacité unique à danser au bord du gouffre rock-gros-cul sans jamais trébucher, là où tant d’autres ont sauté à pieds joints. Rien que cela force l’admiration.


Hard Times and Nursery Rhymes, de Social Distortion (2011)

7 commentaires:

  1. Yes ! encore un très bon album de SD !

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  2. Oui. On aurait pu ajouter "comme d'habitude".

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  3. Damn, je me suis fait doubler !
    ça fait plaisir de réentendre Social Distortion, même si je pense que ce disque manque un peu d'intensité, le dernier album avait Reach for the Sky et Winners and Losers, là rien ne sort du lot, peut être Machine Gun Blues ...
    Bon je fais refaire tourner et bientôt sur Le Bal des Vauriens.

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  4. Tu trouves ? Moi il me plaît bien comme ça...

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  5. Bien belle chronique, l'album sort aujourd'hui si je ne m'abuse. Je fonce l'achter !

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