dimanche 30 janvier 2011

Luckie Louie - White Trash Blues

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C'est l'histoire d'un mec à qui il n'arrive jamais rien. En ce sens on peut dire qu'il a de la chance : le destin l'a préservé des grands drames de l'existence. Le revers de la médaille, c'est qu'évidemment il l'a aussi préservé des grands bonheurs, des espoirs et des illusions. La vie de Louie est tragiquement banale, donc médiocre et ennuyeuse, entre un boulot à mi-temps sans intérêt, une épouse infirmière qui n'a plus fait l'amour avec lui depuis un an et une fille de quatre ans absolument insupportable, à qui il tente le plus clair de son temps d'inculquer de vagues notions de discipline et de bonnes manières.

Il serait tentant pour tous ceux qui la découvriront aujourd'hui de voir dans Luckie Louie un prequel à la formidable Louie (sans doute la meilleure nouvelle série de la saison). Tentant et pas tout à faux tant il est évident que, sous les dehors d'un sitcom plus traditionnel, Louis C.K. en était déjà à radioscopier sa vie de merde avec ce même mélange de masochisme et de transcendance qui nous enchanta l'été dernier. Ce ne serait cependant pas tout à fait rendre hommage à Lucky Louie que de la réduire implicitement à sa progéniture. Il y a plus et il y a mieux que cela. Comme une chronique de l'Amérique ordinaire, souvent tendre mais extrêmement cruelle, sans doute un peu trop en avance sur son temps pour avoir pu décrocher la timbale à l'époque (2006).

Si l'on a souvent coutume de dire (moi le premier), par raccourci ou commodité, que Lukie Louie a été un four, ce n'est en effet pas tout à fait la vérité. En fait, la série fonctionnait plutôt pas mal. Elle enregistrait même des scores supérieurs à certaines autres séries phares de HBO et a surtout fait partie de la charrette de 2006/07, avec nombre d'autres jeunes séries flinguées quasiment dès le début (John from Cincinatti, Tell Me You Love Me) pour des raisons n'ayant pas nécessairement de rapport direct avec leur qualité ou leurs audiences. Si vous vous demandez pourquoi, regardez-la dix minutes, vous allez vite comprendre.

Car s'il y a bien un point commun entre les deux séries de Louis Szekely, c'est de gratter avec jubilation là où ça fait mal, et d'aller chercher la transgression jusque dans le plus petit détail du quotidien. Lucky Louie est une espèce d'anti-sitcom familial, un véritable brûlot white-trash, loin de ce que l'on a l'habitude de voir dans le genre... mais aussi assez loin de l'esprit HBO. On n'est pas dans un humour lettré ou référencé, dans un programme existentialiste ou allégorique. Derrière l'enrobage de la joyeuse comédie à un gag par minute, on sent avant tout la solitude, le dépit et le mal être. Pas encore la rage sourde qui fera de Louie un must en matière de violence télévisuelle et de comédie provoquant immédiatement le malaise. Mais déjà une douleur, assortie d'une envie de montrer les Américains qu'on ne montre jamais, petits blancs prolos et désœuvrés, prisonniers dans des vies sans intérêt et sans avenir. Performance impressionnante, Lucky Louie parvient à graviter sur la ligne jaune de la beauferie et du populisme sans jamais retomber du mauvais côté. Sans doute parce que son auteur demeure malgré tout un humaniste, simplement un humaniste déçu que les échecs poussent chaque jour un peu plus vers le cynisme, le désarroi paternel et la misère sexuelle. Souvent hilarante, régulièrement bluffante par sa finesse et son acuité ("c'est exactement ça !" est probablement la phrase que vous prononcerez le plus en la regardant... enfin après "ah ah ah ah"), la série s'amuse à parler de tout ce dont les autres ne parlent pas. Les couples baisant mal, les parents détestant ponctuellement leurs enfants, la branlette, la disloquation du foyer familial, la vraie, lente et inexorable et dont les protagonistes s'aperçoivent à peine. A la fin de chaque épisode, on reste toujours un peu songeur. On a bien ri, mais étaient-ce des gags ou bien de nous-mêmes ?



Lucky Louie, créée par Louis C.K. (HBO, 2006)

9 commentaires:

  1. Une série d'une remarquable qualité, en effet, qui a sans doute, c'est vrai, payé le prix de sa liberté de ton. Ses traitements de la sexualité, de la parentalité, de la mixité ethnique ou sociale, sont à contre-courant de tout ce qui se fait dans les séries US, y compris sur HBO. Un ovni autant qu'un brûlot.

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  2. Je la cherche depuis des mois,impossible de mettre la main dessus...

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  3. il est fort le gars. Moi en général j'abandonne au 3eme pourquoi....

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  4. J-C >>> ah oui ? Pourtant j'ai trouvé très facilement quand j'ai voulu la (re)voir.

    Xavier >>> comme tout le monde ^^ J'adore cette scène (qui est en fait la toute première de la série), la manière dont ça déraille complètement arrivé au milieu et dont il se met à déballer toutes ses angoisses et frustrations. Il me semblait que c'était vraiment un bon résumé de l'humour de Louis CK.

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  5. Rien à ajouter, à part que Pamela Adlon est vraiment super dans le rôle de l'épouse.

    Merci encore de m'avoir fait découvrir l'univers de Louis CK !

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  6. Ah mais je t'en prie. Il eût été dommage qu'il reste dans l'ombre (même si Louie a eu pas mal de succès sur FX avant que je m'en empare, tout de même)

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  7. Dans mon souvenir c'était un peu inégal quand même, avec un problème notamment sur les personnages secondaires, assez quelconques.

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  8. Ils ne sont pas hyper marquants, c'est vrai. Ceci dit pour moi le trio de héros se suffit à lui-même.

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