lundi 31 janvier 2011

Filip - Une certaine classe

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Janvier étant propice aux coups d’œil dans le rétroviseur d’une année déjà finie en attendant que la suivante achève de démarrer, il ne nous reste plus qu’une journée pour explorer la pile d’albums de 2010 à écouter, qui heureusement a sévèrement diminué. Une bonne nouvelle dans cette affaire : il vous reste pour votre part toute l’année pour découvrir Filip, dont le dernier EP est sorti en avril dernier dans un relatif anonymat. On aura du mal à se trouver des excuses sur ce coup. D’accord, on ne l’avait pas écouté, ni reçu jusqu’à présent. C’est toute la magie du métier de chroniqueur : si dix personnes en parlent, dix autres suivront, machinalement. Si personne n’en parle… personne n’en parle.

On pourrait essayer de faire court en présentant Filip par quelque chose dans ce goût-là : « Avec une belle voix grave évoquant parfois un autre Breton élégant, Filip s’applique à synthétiser avec talent ce que la pop francophone a produit de meilleur depuis les années 80. » Cela aurait le mérite d’aller droit à l’essentiel, mais ce serait aussi inexact qu’incomplet. D’une part parce que si l’illusion dahoienne est bien là sur le morceau éponyme, le riff rappelle plutôt Miossec et le morceau, finalement, Marchet. Ensuite parce qu’à l’usage, la voix de Filip aurait plutôt tendance à se rapprocher de celle d’un Daniel Darc (à l’époque où il avait encore une voix, bien sûr, plutôt période Sous influence divine), tant dans les fêlures que dans la scansion traînante, cette manière un peu nonchalante de susurrer ses « Tu es mon alter ego / En d’autres mots / Mon autre moi » ou autres « J’irai bien chaque nuit » (respectivement sur "Alter ego" et "Dans ton lit", dont on notera que les textes eux-mêmes, simples et touchants, n’auraient sans doute pas été reniés par l’auteur du "Pitchipoi Hotel"). Enfin parce qu’il y a aussi plein de trucs très bien des trente dernières années que Filip n’évoque jamais, bizarrement occupé qu’il est à essayer de trouver sa patte.


Autant le dire, ce n’est pas forcément commode sur seulement sept titres (dont une reprise, plutôt chouette au demeurant, et un remix, plutôt marrant au demeurant… mais était-ce son but ?). Toujours d’accord est un disque éclaté, beaucoup plus, paradoxalement, que le premier album du même Filip ((sur un banc vert, normal…), en 2007). Chaque titre est tout à fait réussi en tant que tel (bon… pas sûr que si "Toujours d’accord" n’existait qu’en version remix il se suffirait à lui-même…), à commencer bien sûr par Si je partais demain, duo particulièrement émouvant où la voix puissante du dénommé Jéhan se marie à merveille à celle, plus friable, de Filip. C’est un léger manque de liant que l’on se permettra de regretter, liant qui ne pouvait de toute façon venir que sur la longueur et dont le manque n’enlève rien à la qualité du contenu.

D’autant qu’une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, les deux disques de l’artiste sont en écoute sur Deezer (et l’album est vraiment très, très bon, bien écrit, remarquablement réalisé – comme le suivant – par Bruno Green (vous vous souvenez ? Le mec dont on écrit le nom sur ce site au moins une fois par mois ?)), vous pourrez donc vérifier par vous-même que ce n’est pas le talent qui manque, de ce côté-ci de Rennes. En espérant que Filip nous gratifiera incessamment sous peu d’un véritable nouvel album, les EPs laissant toujours un peu sur sa faim.


Toujours d’accord…, de Filip (87DT Productions, 2010)