vendredi 10 décembre 2010

Le Président - Un cartoon efficace, featuring Georges Frêche

...
C’est un curieux documentaire qui s’invite mercredi prochain sur nos écrans. L’on y voit Georges Frêche, le diablotin qui fit trembler les pontes du P.S., faire des blagues, manger comme un cochon, petit-déjeuner en pyjama, faire tourner en bourrique son équipe de campagne, balancer des piques ou s’endormir sur sa canne à quelques instants des résultats. Tel qu’en lui-même, à tout le moins exactement tel que l’on se l’imaginait.

Plus humaniste que complaisant, Yves Jeuland a donc suivi l’animal durant ce qui aura été son ultime campagne, et si le procédé n’a plus grand-chose de neuf depuis dix ans, la seule présence d’un tel personnage au casting suffit à le faire aimer avant même de l’avoir vu. De fait et comme l’on pouvait s’y attendre, Le Président s’avale comme un cartoon. On rit plus d’une fois, parfois aux éclats. On se surprend même à être ému face à ce vieux monsieur fatigué, éprouvant de grandes difficultés à se tenir debout (on doit lui poser une hanche en plastique juste après les régionales) et pleurant à chaudes larmes en plein milieu d’un discours, au soir de l’exclusion de ses co-listiers du Parti Socialiste.

Au fil des séquences, brèves et idéalement rythmées, la sympathie se fait empathie et l’on se dit que Frêche, sans aucun doute, ne méritait pas la diabolisation dont il fut la victime. Cela dit, on le pensait déjà avant d’avoir vu le film. C’est là tout le problème : on pense la même chose en en sortant qu’en y entrant. « Frêche simule et dissimule très peu », explique Jeuland dans le dossier de presse, « il n’a aucune notion du in et du off avec les journalistes, par exemple. » D’une certaine manière, tout est dit : conscient ou non de la présence de la caméra, Frêche donne en tout cas le sentiment d’être en perpétuelle représentation, vieux cabot sur le retour livrant son ultime spectacle. Le résultat est percutant et l’on s’étouffe parfois de rire, mais on ne peut s’empêcher de se demander dans quelle mesure le documentaire ne rate pas un peu sa cible. Du « vrai » Georges Frêche, de l’individu, on voit finalement très peu. Et s’il se plaint à plusieurs reprises que l’on se moque éperdument des Languedociens et des Roussillonnais, on ne peut pas dire que le parti-pris du reportage lui soit d’une grande aide. A peine si l’on se rappelle qu’il s’agit d’une campagne régionale, tant la place accordée aux bisbilles socialistes et querelles de personnes est disproportionnée 1. Il est vrai que ceci est formalisé par une scène stupéfiante, durant laquelle le directeur de campagne explique à des têtes de listes, pour certaines assez interloquées, que c’est à elles de battre le terrain tandis que le Président, lui, fait campagne sur sa propre personnalité.

Reste que l’ensemble est assez déséquilibré, même s’il faut reconnaître au Président cette qualité de mettre en relief les contradictions d’un personnage qui, dans les derniers mois de sa vie, aura acquis un statut de quasi rockstar – et en aura croqué jusqu’à la dernière miette. A sa manière, Yves Jeuland signe un constat amer sur le combat politique, jeu de dupes où l’on fait l’apologie du mensonge, où l’on gagne sur les bons mots et dont le héros, un certain Georges F., donne le sentiment de n’être là que pour garder le pouvoir, parce qu’il ne sait rien faire d’autre et que ce jeu-là l’amuse plus que tout. C’est plutôt pas mauvais, et le bouffon nous aura bien fait rigoler. Mais l’on en ressort tout de même avec le sentiment que Frêche était bien plus qu’un clown, et qu’il manque l’essentiel.


Le Président 
Yves Jeuland | La Générale de Production/Rezo Films, 2010


1. Reconnaissons tout de même, à la décharge du documentariste, que Frêche semble absolument incapable de ne pas allumer ses adversaires, lancer des anathèmes ou moquer cruellement leurs petits travers, entretenant (a priori inconsciemment) la confusion à son propre égard.

Aucun commentaire: