mercredi 15 décembre 2010

Dexter - De vraies qualités (pour une fois)

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[Taux de spoil : 20 %] Ainsi donc, j'avais raison et ils avaient tort. Ceux qui voyaient dans le grand final (que j'avais personnellement trouvé facile) de la saison quatre de Dexter la promesse d'un retour aux sources en seront pour leurs frais : le feuilleton continue son petit bonhomme de chemin, évolue toujours dans la même direction (dite de l'humanisation du monstre) et, en gros, ronronne. En même temps, qu'attendre d'une série qui ne fut jamais capable, même dans ses meilleures heures, d'éviter la grossièreté ? Dans Dexter, les ficelles scénaristiques ont toujours été des poteaux téléphoniques, et les seconds rôles peints à la truelle. Dexter continue sur sa lancée, très similaire dans le fond à un Desperate Housewives : le schéma narratif de la première saison tourne en boucle, décliné à l'infini, et les scenarii sont livrés en kit ; tiens, cette année on aurait dit que l'alter ego de Dex ne serait pas un méchant. Tiens, cette année on aurait dit que Deb elle allait coucher avec Quinn. Tiens, cette année on aurait dit que le méchant charismatique ne serait pas exactement un serial-killer. Dexter, ou l'art de composer un bon hachis parmentier avec les restes de la veille. Autant dire que certains viennent de passer quatre mois à piailler tout ce qu'ils pouvaient sur le mode du bouh, ma série préférée est devenue toute  pourrite. Ce qui n'est - évidemment - pas vrai.

Car comme pour Desperate Housewives, les années où c'est bien fait on suit tout cela avec attention, à défaut de passion. Si l'an passé j'avais pris un plaisir un peu provocateur à lister tous les défauts de la série, je prends cette année le même petit plaisir provocateur à lister tout ce qui est bien, voire même très bien. Accrochez-vous car vous allez lire quelque chose que vous ne lirez nulle part chez la concurrence : la saison cinq de Dexter est bien meilleure que la quatre, et même probablement que la trois. Le problème de la série n'est pas, n'a jamais été sa qualité, finalement assez constante... mais bien les attentes démesurée d'un public qui, après l'avoir surcotée de manière parfois risible, a pris tranquillement le chemin de la sous-estimation - parfois jusqu'à l'injustice.

Plusieurs très bonnes idées sont à mettre au crédit des scénaristes cette année, au nombre desquelles la mise en sourdine, puis la suppression des "apparitions" de Harry, qui plombaient considérablement les deux saisons précédentes. Rien que cela change la vie, obéissant d'ailleurs une certaine logique : désormais père, Dexter peut bien couper le cordon. Cela ne se fait pas de manière brutale, plutôt dans une rupture progressive que l'on ne sent pas forcément venir ; au bout d'un moment, on s'aperçoit simplement qu'on n'a plus vu Harry depuis un bail, et qu'on ne s'était même pas aperçu de sa disparition. La série, c'est peu de le dire, gagne considérablement en tension et en rythme.

L'autre très bonne idée, brillante, même, qui d'ailleurs est surtout celle de Clyde Phillips, showrunner de la précédente saison, c'est évidemment la suppression du personnage de Rita, entraînant une suppression logique des ses agaçants mioches. Cela plombe les premiers épisodes, mais c'était sans doute le prix à payer pour aérer l'écriture de la série et la recentrer sur une intrigue beaucoup plus polar, beaucoup sombre... beaucoup plus glauque et pour une fois, réellement ambiguë. Le personnage de Lumen n'est pas plus intéressant (l'âme sœur de Dexter a beaucoup de traits communs avec... sa sœur) que novateur (on avait déjà eu Miguel Prado dans la saison trois), en revanche l'utilisation qui en faite est remarquable. On rit certes un peu, au départ, en se disant que la série est en train de sombrer, à présent que Batman a enfin trouvé son Robin. Les similitudes vont d'ailleurs beaucoup plus loin que le simple fait de filer un partner in crime au héros, puisque tout comme Bruce Wayne en Dick Grayson, Dexter se projette largement en Lumen, qui n'est pas une énième tarée fascinée par le monstre, mais une victime, comme lui (et comme Dick Grayson), irrémédiablement brisée et en quête de complétude. Si l'on aura pesté dans un premier temps face à la facilité avec laquelle Dexter aura tourné la page Rita, force est de reconnaître qu'au bout du compte, ceci n'avait rien d'absurde : Rita, initialement, était une couverture. Cela n'empêchait pas les sentiments, mais comme Dexter n'avait jamais connu l'amour et ne trouvait ses âmes sœurs qu'en des dégénérés ou des psychopathes... Au moins, là, les choses sont claires : il n'est finalement qu'un type libéré du mariage et des contraintes d'une vie aussi simple qu'étriquée, découvrant qu'il est possible de vivre une relation avec quelqu'un sans pour autant renoncer à son (ou cloisonner le) grand frisson. L'évolution est somme toute logique : Dexter aurait pu redevenir une bête sauvage après la mort de Rita ; tout le monde l'aurait admis sans broncher, mais en terme de continuité narrative il était bien plus logique (et courageux) de le faire continuer à s'humaniser, ce qui ne pouvait désormais plus passer que par une vertigineuse humanisation dans la violence.

Alors certes, en terme de construction, cette saison cinq ressemble énormément à la précédente. Quelques épisodes de mise en jambe, une intrigue qui dévie dans une direction totalement inattendue... puis, le vif du sujet, et le retour des rebondissements prévisibles deux à trois semaines à l'avance. Certes, les intrigues secondaires ont moins d'intérêt que jamais (cela dit, elle sont aussi moins que jamais en avant). La série conserve de nombreuses faiblesses, mais pas plus qu'avant, et sans doute même un peu moins. Elle a retrouvé, en tout cas, une véritable qualité dans la dimension allégorique, le sous-texte et l'esthétique (il y a quelques scène visuellement sublimes dans cette saison).

Mais ça évidemment, personne n'ose le dire TM


Dexter (saison 5), créée par James Manos Jr. (Showtime, 2010)

19 commentaires:

  1. Une bien belle analyse !
    Très chouette saison, ma préférée avec la 1ère.

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  2. Une belle saison malgré une chute très discutable.

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  3. Ah zut, de nouveau une série à rattraper ! J'ai vu la première saison puis j'ai abandonné, par manque de temps plutôt qu'autre chose...

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  4. Bon article. La meilleure saison de la série depuis la première selon moi !

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  5. C'était chouette cette année, même Deb est redevenue intéressante! Ils ont bien fait de changer de showrunner (même si je crois que Phillips est parti de lui-même). Bon c'était pas non plus génial mais pour une fois on avait vraiment envie de savoir la suite.

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  6. merde alors, je crois que j'ai pas mangé ma saison 4.
    je vais voir si elle est toujours dans le frigo

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  7. Globalement mieux que la saison d'avant. Mais le final est complètement raté et laisse craindre le pire. Dommage car pour une fois, l'intrigue avait de la gueule, et tout ne reposait pas sur le seul Michael C. Hall (qui est, décidément, le meilleur acteur de série en activité)

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  8. Je n'ai vu que la saison 1, et si aucune des suivantes n'est meilleure, je ne vois pas l'intérêt de m'y intéresser, vu que j'avais trouvé ça franchement pas terrible...

    Il y avait pourtant matière à faire quelque chose de vraiment intéressant.

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  9. Ça se boit comme du petit lait, comme d'hab!

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  10. Je parle de Dexter mais ça marche aussi pour l'article lol

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  11. J'adore Dexter, mais son format spécial me laisse toujours un peu sur ma faim.

    Des saisons de 12 épisodes, ça veut dire 4 épisodes pour mettre en place l'intrigue, 4 pour rentrer dans le vif du sujet, et 4 pour dénouer le tout. Ca laisse finalement peu de marge de manoeuvre. A peine commencé, c'est déjà fini.

    Perso, j'ai trouvé cette saison très bonne tout du long, sauf le final. L'inverse de la précédente, quoi.

    Et, une fois de plus, un excellent acteur qui imprime sa marque sur la saison (John Lithgow dans la saison 4, Julia Stiles cette fois-ci)

    //SPOILER IMPLICITE

    Et c'est quand même très gros qu'ils arrivent à boucler ça sans tuer /faire évoluer Quinn ni Debra. Mouais mouais mouais...

    ///SPOILER

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  12. Lyle >>> pour moi la seconde est bien meilleure que la première, mais c'est un avis rarement partagé. En fait à partir de la 2, les mecs ont l'excellente idée de s'éloigner des très mauvais romans de Jeff Lindsay...

    DNDM & J-C >>> mais en même temps tous les finals de Dexter sont globalement ratés, à part celui de la seconde (et encore, l'épilogue à Paris est complètement raté aussi). Celui de la 3 est totalement ridicule et Dexter s'en sort encore à la dernière seconde sur un coup de bol, quand à celui de la 4, le cliffhanger final est aussi intense que générateur d'innombrables incohérences spatio-temporelles (qui en plus contaminent le début de la saison 5).

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  13. J'adore cette série et j'attends la suite avec impatience !!

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  14. Article intéressant. Tout comme vous la saison 4 ne m'avait pas tellement plu, hormis ses toutes dernières minutes.
    Je suis assez étonnée des mauvaises critiques sur la saison alors que tout le monde criait au chef d'oeuvre l'an dernier. Cette saison me semble bien plus profonde et réfléchie que les saisons 3 et 4 (et je dirais même 1 et 2...).
    Il faut néanmoins admettre que la série ne fonctionne plus tellement au premier degré (j'entends par là les intrigues policières). Les résolutions sont assez grotesques et les ficelles scénaristiques de plus en plus grosses (m'enfin, comme vous le rappellez très bien, il y en a toujours eu). Par contre au niveau métaphorique c'est tout autre chose.
    Le final m'a pas mal déçue mais je reste persuadée qu'on peut nous sortir un bon truc en saison 6.

    En tout cas cette série est plus que jamais ma préférée.

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  15. Je suis tout à fait d'accord avec vous ; en revanche la saison dernière, il m'a semblé que les commentaires étaient déjà beaucoup plus mitigés, notamment durant la première partie de la saison (tellement ennuyeuse qu'il était évidemment difficile de se voiler la face). J'ai l'impression que le dernier arc de la saison 4, plus sombre, et le final bien sûr, même si narrativement plus gratuit qu'admirable, ont pas mal caché la misère. Mais le bâton revient toujours. Lost a expérimenté la même chose entre sa saison 5, largement surestimée, et la 6, largement sous-estimée sinon démolie pour le plaisir par nombre de fans du show.

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  16. Effectivement les commentaires en début de saison 4 étaient assez mitigés. Le cliffhanger a fait surestimer la saison à beaucoup de monde (et sur le coup à moi aussi). Avec le recul elle m'apparaît comme clairement la moins bonne. En fait je trouve que la saison en elle-même est réussie mais qu'elle a peu de potentiel, pas grand chose à dire. Les saisons 3 et 5 sont sans doute bien moins maîtrisées mais beaucoup plus intéressantes.

    Sinon je suis heureuse de voir enfin quelqu'un qui pense comme moi pour Lost. La saison 6 a été pour moi assez excellente (contrairement à la 5, juste bien).

    Je vais sans doute pas mal traîner sur ce blog à l'avenir. Je me retrouve dans vos articles, qui sont en plus très bien écrits ;)

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  17. Merci ! :-)

    Concernant Lost j'ai tout de même préféré la 5 (mais aussi la 1, la 2, la 3, la 4... ^^) à la dernière, qui ne m'a que rarement fait grimper aux rideaux, à part au tout début et dans les trois ou quatre derniers épisodes. Sans doute parce que son seul enjeu, dans le fond, était la résolution de l'histoire (je ne me lance pas dans un long développement - la soirée d'hier a été longue et surtout, j'ai écrit deux très longs articles sur cette ultime saison). Mais cela ne m'a pas empêché d'être assez consterné de lire des tonnes de reproches infondés, ou injustes (parce que renvoyant à des défauts qui ont toujours été plus ou moins présents), etc. J'ai trouvé incroyable cette espèce d'incapacité collective à reconnaître que tout simplement, ce que l'on aimait pas dans cette saison, c'était qu'elle était la dernière et qu'elle ne ressemblait pas à ce que l'on imaginait.

    (commentaire à relativiser, toutefois, puisque si j'ai vu chaque saison un nombre indécent de fois, je n'ai pas encore revu la 6... ce qui pourrait bien arriver en 2011, depuis quelques semaines et après une envie de passer à autre chose, je sens que je me referais bien un petit tour au Club Med de Dharma ^^)

    Et meilleur vœux, puisqu'on est là :-)

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  18. "qu'elle ne ressemblait pas à ce que l'on imaginait."
    Tout à fait. C'est bien le problème de Lost et maintenant de Dexter. Les fans se font de plus en plus nombreux et écrivent des théories de plus en plus poussées (et souvent très bonnes) et se rendent compte qu'au final les scénaristes choisissent une direction totalement opposée à ce que tout le monde avait imaginer et s'en retrouvent très déçus. C'est dommage, parce que de ce côté les scénaristes n'y peuvent rien... Lost est le cas le plus extrême, mais ça commence à être un peu ça avec Dexter.

    Et meilleurs vœux à vous aussi ;)

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  19. Lost a effectivement étiré le principe jusqu'à l'absurde, puisque les fans se sont avérés parfois bien meilleurs scénaristes que les vrais scénaristes et que les réponses les plus simples (destruction de la statue, origine des apparitions) ne pouvaient dès lors que décevoir. A la fin de la saison 4 de Dexter, j'avais été également assez surpris de voir que beaucoup de gens remettaient en cause la cohérence narrative du dernier épisode pour essayer de démontrer que Trinity ne pouvait pas être l'assassin. Je trouvais que c'était faire trop d'honneur à ces braves scénaristes :-)

    Mais c'est vrai que le niveau d'exigences a été nettement rehaussé depuis cinq ou six ans (j'en suis d'ailleurs le premier symptôme, avec mes articles parfois assassins sur des séries qui, il y a 15 ans, auraient sans doute plus facilement trouvé grâce à mes yeux). On l'a vu également avec Walking Dead, ou d'autres. D'une manière générale j'ai le sentiment qu'il est de plus en plus difficile pour une série de faire l'unanimité (Breaking Bad étant plus l'exception que la règle... et pour combien de temps encore ?...) Bon, cependant, on dit cela sur un ton presque inquiet, alors que c'est plutôt une bonne chose...

    Et la santé surtout, c'est important la santé :-)

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