dimanche 12 septembre 2010

Isobel Campbell & Mark Lanegan - Talent contre Savoir-faire

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Il y a des moments où comment dire ? Il fallait y être. Des moments exceptionnels, qui ne se produisent qu'une fois dans toute une vie et qu'on n'aurait le droit de manquer sous aucun prétexte. Rassurez-vous, je ne parle pas du concert d'Isobel Campbell & Mark Lanegan, honnête mais oubliable, même si c'était la première fois que votre serviteur voyait Lanegan EN VRAI, ce pourquoi il aurait pu tuer il y a encore un an, avant que les hasards de la vie ne lui gâchent durablement son répertoire.

Non, je parle d'une soirée exceptionnelle où durant des heures d'affilée, sous les regards médusés de Madame Sinaeve et de passants interloqués, Arbobo et moi fûmes d'accord sur tout. Croyez-moi, ça n'arrive pas tous les jours. Ça n'arrive même jamais, en fait. Mais là, je ne sais pas. Nous étions touchés par la Grâce. En parfaite harmonie. Et ceci n'est pas une pique adressée à Willy Mason, qui aurait eu beaucoup apprendre en la matière.

Willy Mason, c'est un peu de la musique de cowboy, mais dépressif et chiant. Arbobo résuma les choses très simplement en faisant allusion au concert de That Summer que nous avions vu quelques jours plus tôt : le groupe français avait les chansons, mais pas la voix, quand Willy Mason souffre exactement du mal inverse ; chouette voix, puissante et rocailleuse, agréable... mais aucune chanson digne de ce nom, plutôt un assemblage maladroit de plans éculés façon édition 2010 du manuel du folkeux lyrique. Oubliable ? Pensez donc : douze heures plus tard on l'a déjà presque complètement oublié.

Pas difficile pour Jurado d'éclipser une ouverture aussi molle et soporifique, d'autant plus emmerdante que le son - ce sera une constante durant toute la soirée - est aussi bon que pas très fort. On conviendra qu'il n'arrive pas souvent, à Paris, de devoir chuchoter pour commander une bière de peur de déranger son voisin. Pas de problème en ce qui concerne l'autre vétéran de Seattle de la soirée : quand Jurado entre en scène, personne n'a envie de bavarder. Particulièrement minimaliste, surtout en regard du récent et très produit Saint Bartlett, la prestation de Damien a tout pour plaire. Mélodies cristallines, voix sublime, présence indiscutable... il aurait voulu livrer le double maléfique du set de Willy Mason qu'il ne s'y serait pas pris autrement. Comme quoi le talent l'emportera toujours sur le savoir faire.

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Commentaire qui d'une certaine manière résume très bien pourquoi on aura finalement préféré Jurado à Campbell & Lanegan, qui débarquent pourtant avec quelques musiciens et un show bien moins dépouillé... pour délivrer paradoxalement une prestation bien plus figée et moins vivante. Certes, quand on est Mark Lanegan, pas besoin d'en faire des tonnes et de surligner un charisme évident. Mais difficile de ne pas être étonné de voir ces deux artistes, qui ne sont ni des débutants ni des mauvais, chanter de manière très guindée, presque coincée parfois (pour Isobel) voire un brin constipée (pour Mark). Et encore : selon Madame, qui était déjà là sur la tournée précédente, le duo a fait des progrès considérables, arrivant même désormais à se regarder durant les morceaux, voire à sourire (bon, je ne vous cache pas que je n'ai moi-même pas vu Mark Lanegan sourire, mais la rumeur a circulé dans l'assistance).

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Et sinon, la musique ? On est un peu réservé, forcément. Difficile de dire que c'était mauvais alors que globalement, ça ne l'était pas. On revient au savoir-faire, qui à défaut de passion peut bien faire le taf, même si comme on en avait le sentiment depuis quelques temps il semble que Lanegan soit de moins en moins impressionnant vocalement. Le hic c'est que le concert fut presque exclusivement centré sur le franchement mauvais dernier album, et que si globalement tous les titres étaient bien meilleurs qu'en version studio, les 'Seafaring Song' & Co. ont quand même un peu manqué.

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