mardi 10 août 2010

Révolution de velours

[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°41]
Tipping the Velvet [Caresser le velour] - Sarah Waters (1998)

C'est le premier roman de Sarah Waters. Ce n'est probablement le meilleur. Il n'est ni aussi parfait et envoûtant qu'Affinity, ni aussi complexe et captivant que Fingersmith. En fait, de ses trois romans victoriens, c'est probablement le plus faible, celui où on la sent le moins à l'aise avec les longueurs... celui où son univers ne fait que balbutier.

Et pourtant, c'est un livre important - et par le fait un des mes livres à moi (et rien qu'à moi). Sans doute Waters n'avait-elle dans celui que pour une unique projet de raconter une histoire saphique dans l'Angleterre du dix-neuvième. Tipping the Velvet ne témoigne jamais de la même richesse thématique que ses successeurs. Mais ce faisant, l'auteure signe malgré tout la pierre angulaire d'un des univers les plus passionnants de la littérature contemporaine. Parce que quelles qu'aient été ses motivations, il s'agit déjà d'aborder l'époque victorienne par le petit bout de la lorgnette, les histoires personnelles et les situations parfois sordides. Parce qu'il est déjà question de montrer ce qui était immontrable dans la littérature de l'époque. Parce que Sarah Water remixe déjà Dickens et Collins à la sauce sex & rock'n'roll. Et aussi, bien sûr, parce que la jeune auteure (elle est alors à peine trentenaire) fait déjà montre d'un style vif et élégant qu'elle magnifiera dès son second roman.

Alors non, Tipping the Velvet, ouvrage aussi culte que sulfureux (l'un va-t-il jamais sans l'autre ?), n'est pas un roman parfait, exempt de défauts ni de reproches. Mais pour toutes les raisons ci-dessus invoquées, il a malgré tout considérablement marqué notre époque. Pour ne pas dire qu'il a tout bonnement révolutionné le roman dit historique. Vous savez ? Ce truc un peu poussiéreux qu'on offre à sa grand-mère et qu'on ne trouve jamais dans la librairie, parce qu'en général le rayon est caché dans un coin sombre à côté de la littérature dite du terroir. A cela Sarah Waters et les aventures de Nancy vont redonner un peu de charme, de glamour autant que de trash, de soufre et même de corps - au sens charnel du terme. Trente ans... quarante ans peut-être, que le roman historique était figé, baignant dans son formol et n'intéressant guère plus presse et lecteur que lorsqu'un écrivain arrivé s'y collait - façon caprice de rockstar. Sarah Waters arrive avec son dix-neuvième en ruine, ses bas-fonds et ses bassesses, et voilà que c'est à peine si l'on ose encore utiliser l'expression à son sujet. Adieu ornière, à bas clichés. Avec Waters voilà que l'on redécouvre le dandysme, féminisé et libéré des contraintes d'alors. Et tout ça pourquoi ? Parce que Sarah Waters a eu cette envie un peu bête, somme toute, d'écrire ce que les Victoriens ont (préféré ?) oublier d'écrire. Parce qu'à un moment donné, elle a juste voulu croire que ça ne servait à rien de faire du roman historique si c'était pour répéter ce que les autres (ceux de l'époque) avaient déjà bien dit.

Il arrive parfois que les plus grandes révolutions naissent de la manière la plus banale qui soit.


Trois autres livres pour découvrir Sarah Waters :

Affinity (1999)
Fingersmith (2002)
The Nightwatch (2009)

16 commentaires:

  1. Très bon roman. Un peu moins excellent que les suivants, c'est exact. Mais très bon roman, tout de même.

    BBB.

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  2. Sans doute parce que je débute un cycle Jesus Franco, mais avec une telle couv', le réal ibérique te fait un prometteur long métrage saphico-victorien ^^

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  3. Sarah Waters est un des meilleurs écrivains apparus ces dernières années. J'ai beaucoup aimé celui-ci, même si Affinités conserve ma préférence. H.

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  4. Moi je l'ai préféré à Affinité, plus captivant là où affinités peines à démarrer mais bon, c'est vrai que ça a un côté Justine sans l'outrance et la philosophie pouetpouet. Ce serait pas mal adapté par Maria Beatty plutôt que Franco.

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  5. Les avis divergent sur lequel est le meilleur... J'ai lu "Affinités" que j'ai trouvé un peu long et dans mon article, on m'a répondu que justement "Tipping the velvet" était bien meilleur.
    http://popupmonster.wordpress.com/2009/11/22/two-months-of-books/

    Il est toujours sur ma PAL, j'en reparle dès que je l'ai lu !

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  6. Je suis chaque fois impressionnée par votre connaissance à tous de la littérature contemporaine!
    Bon, bah je note quelque part, ça a l'air chouette :)

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  7. En fait pour moi le meilleur est peut-être bien Fingersmith... c'est en tout cas celui qui m'a laissé le plus fort souvenir...

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  8. Evidemment, c'est celui que je n'ai pas !
    Tu as lu "La rose pourpre et le lys" de Michel Faber ?

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  9. J'ajoute que l'adaptation du livre par la télé anglaise est très réussie, juste et perverse à souhait...

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  10. ah merci je m'en vais regarder l'adaptation tv par la BBC au plus vite.

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  11. La série est pas mal, c'est vrai.

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  12. Miss >>> oui... pas mal, mais vachement moins enthousiasmant que les livres de Waters...

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  13. Pour le moment, je suis de l'avis contraire, mais ça peut évoluer en fonction de mes lectures futures des Sarah Waters.

    Et je viens de commencer la série hier. Bravo, la BBC !

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  14. En passant, je n'ai pas vu votre critique de Little Stranger. Oubli ?

    BBB.

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  15. Ça doit traîner quelque part dans les brouillons.

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  16. LA série BBC est bien faites aussi d'ailleurs, enfin j'ai aimé... :-)

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