vendredi 11 juin 2010

Refused - L'Art de tataner ta gueule

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Dans ce monde cruel et sinistre, il faut parfois savoir se satisfaire d'un rien. Quand j'ai annoncé à Lyle que la prochaine chronique réédition serait sur Refused, je vous jure que c'est vrai : il a réussi à arrondir les yeux par mail interposé. "Refused sur DLMDS !" Rien que ça suffisait à mon bonheur de la semaine, plus qu'à écrire la chronique dans l'espoir un peu vain (mais tellement doux) de voir Lyle rééditer cet exploit.

Alors évidemment me voilà fort marri, car figurez-vous que j'ignorais complètement que Refused fût quelque chose de honteux moins digne de figurer sur DLMDS que (tout à fait au hasard) Muse ou Placebo. En fait, la dernière fois que j'en avais eu des nouvelles, Refused était un groupe de hardcore punk éminemment respecté pour son intégrité et l'incontestable efficacité de ses albums. Au nombre desquels The Shape of Punk to Come, le troisième, le dernier, le meilleur. On pourrait presque en rester là : The Shape of Punk to Come est monument du hardcore, d'une radicalité et d'une inventivité quasiment jamais égalées. Les deux premiers Refused étaient de très bons disques de genre ; celui-ci fait voler en éclat les étiquettes et défie les qualificatifs (cette remarque étant sans doute déjà en elle-même une formule toute faite).

La couleur est annoncée dès le sous-titre : tout est dans le 12 Bursts, terme qui peut se traduire "brûlot". Ou par "baffe dans ta gueule". Ou "rafale". Ou "éclat". D'obus, on imagine, vue la puissance du machin. A part un ou deux morceaux un peu en-deçà (vous avez le droit de dire que je suis bien pointilleux, c'est la vérité vue l'excellence desdits morceaux), tout sur The Shape of Punk to Come est absolument dévastateur.'Liberation Frequency' est monstrueuse. 'Summerholidays V.S. Punk Routine' cloue tout le punk West Coast au tapis (et le roue de coups pieds dans les roubignoles). 'New Noise' est à se damner. Tranquillement, presque l'air de ne pas y toucher, le groupe incorpore des éléments de jazz, d'électro, de drum'n'bass... il se paie même le luxe de citer Ginsberg ! Et au lieu de livrer une bonne grosse choucroute, tout passe comme une lettre à la poste. L'intensité, ma p'tite dame. L'intensité. Et dans le genre, Dennis Lyxzén s'y connaît comme peu, qui hurle à s'en faire saigner le pif, possédé, concerné. On pourrait faire durer la chronique pendant des pages, mais l'évidence saute aux oreilles dès la première écoute - alors pourquoi faire plus long ? Dans le genre, on n'a tout simplement jamais fait mieux (il y en a qui savent choisir leurs titres, tout de même...)

Histoire de mettre les petits plats dans les grands et de célébrer plus de dix ans de suprématie de cet album sur la scène hardcore, la présente édition est livrée avec un CD live dont on ne vous fera pas l'affront de préciser qu'il est à décorner les boeufs, les cerfs et même les dahus. Les versions de 'Circle Pit' et 'Tannhaüser' y sont terrifiantes, de quoi traumatiser les chiards de vos voisins pour quelques années. Il paraît que le DVD est pas mal, mais il n'est pas dans l'édition digitale, donc on ne sait pas trop. Il n'est de toute façon pas certain que rajouter encore quatre-vingt minutes de violence à ce chef-d'oeuvre de hargne soit une bonne idée, du moins arrivé à un certain âge. Les deux disques sont de toute façon largement suffisants pour prendre la mesure de la virtuosité et de la puissance d'un groupe que même les très bons projets post de ses membres n'ont jamais su égaler.


The Shape of Punk to Come, de Refused (1998)

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