vendredi 4 juin 2010

La Discrète élégance de Louis-Ronan Choisy

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[Article précédemment paru sur l'inénarrable Interlignage] Où se situe la limite entre « variété » et « pop » ? N’est-elle pas terriblement éphémère ? Profondément et injustement subjective ?

Inlassablement, la question revient lorsque l’on se trouve à évoquer un album de pop francophone. Ou de variété française. Dans le fond, tout ne dépend-il pas de la qualité dudit album, et plus encore du ressenti de l’individu le chroniquant ? Au nom de quoi Étienne Daho ferait-il de la pop et, au hasard, Pascal Obispo de la variété… sinon celui d’une subjectivité quasi immuable ? Soyons francs au moins une fois sur ce sujet : lorsque l’on parle de « pop francophone » il s’agit la plupart du temps d’évoquer un disque de variété, de chanson, que l’on aime bien et que l’on veut défendre, sachant très bien que dès que le mot « variété » sera lâché on ne pourra plus le retirer. Ce sera trop tard, il aura déjà fait son chemin et la moitié des lecteurs aura passé le sien. De chemin.

Dès lors dire de Rivière de plumes, le nouvel album du méconnu Louis-Ronan Choisy, qu’il est un disque de pop… c’est déjà, quelque part, sinon émettre un jugement qualitatif, du moins donner une indication quant à ce que l’on en pense. C’est-à-dire, soyons clairs : quasiment que du bien.

Il n’y a certes rien de bien nouveau ni de formidablement original dans ces douze chansons gravitant entre Murat, Biolay et quelques autres que l’on n’énumèrera pas (prenez tous les chanteurs français que vous trouvez valables, là, comme ça, voilà… bon eh bien vous pouvez mettre Louis-Ronan Choisy dedans). Juste une forme de distinction faisant sortir leur auteur de la masse informe de chanson française dont notre rédaction est inondée en flots quasi continus. L’artiste apparaît exactement comme il l’est sur la pochette (non, ceci n’est pas une digression superficielle, c’est justement à ce genre de chose que l’on reconnaît un bon artwork), soit mélancolique et élégant, ce dernier état étant de loin celui qui ressort le plus de sa Rivière de plumes. Les arrangements, notamment, témoignent d’un raffinement comme on aimerait en croiser plus souvent. Les textes, aussi, qui contournent la démonstration et l’emphase et se laissent poser délicatement sur des mélodies fluides. A ce petit jeu, "Quand j’irai voir Dieu" et "L’Homme de cire" sont imbattables.

Tout n’est certes pas complètement irréprochable. L’ensemble peut, sur la durée, s’avérer par instants un brin monotone (un peu comme le paysage de la pochette – on y revient – s’étendant à perte de vue et sans vagues). Mais on a presque envie de se dire que c’est voulu, que cela appartient au concept. L’univers est feutré, intimiste. Si éclat il y a, c’est celui de morceaux lumineux comme "Copenhague", petite pépite swingin’ sixties dont on ne peut que se réjouir. Il n’est nul besoin de crier pour se faire entendre, et la voix de Louis-Ronan Choisy de compenser amplement son côté un brin monocorde par une chaleur et une tendresse plutôt touchantes. C’est aussi cela l’élégance : une variation sur la pudeur, la dignité… une discrète distinction.


Découvrez la playlist Rivière de plumes avec Louis-Ronan Choisy

Rivière de plumes, de Louis-Ronan Choisy (2010)


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7 commentaires:

  1. Je me demande si cette distinction pop/variété existe chez les anglo-saxons ?

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  2. Mouais à voir l'album, mais le titre en écoute ne m'a pas convaincu plus que ça.

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  3. Très Murat, cet extrait.

    BBB.

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  4. Album magnifique. Un grand artiste. Pour ceux qui ne connaissent pas, voici son site www.louisronanchoisy.com.

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  5. Je'ai découvert Louis-Ronan Choisy comme acteur (très bon d'ailleurs), dans le dernier film de François Ozon, Le refuge. Et par la même occasion, découvert le musicien, puisqu'il en signe la BO. Une belle découverte, que tu m'incites à poursuivre.

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