samedi 5 juin 2010

Arno - Classe et pas cher

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Les hasards de la programmation sont parfois amusants. Après une longue période d’hiver où nous avions l’impression que le Café de la Danse était notre résidence secondaire, il semble que nous soyons destinés à passer le printemps au Casino de Paris, que nous retrouvons pour la seconde fois en moins d’un mois. Dans des conditions certes totalement différentes de celles qui nous laissèrent tant sceptiques après le concert de Biolay : Arno ne semble guère attirer le gratin mainstream, de même qu’il ne remplit pas à craquer une salle il est vrai plutôt vaste. Oserons-nous le dire ? Tant mieux !

Car si le Casino de Paris s’est fait une (relative) spécialité d’accueillir des spectacles plutôt consensuels, ça nous aurait quand même fait de la peine d’aller applaudir Arno au milieu d’une bande de bobos coincés engueulant leur voisine parce qu’elle a pris une photo avec son portable ou a eu le malheur de parler trop fort à son mec 1. Arno a beau avoir conquis une audience plus large et mieux élevée depuis qu’il s’est mis à chanter en français, il demeure un rocker, un vrai, un pur et dur, débraillé braillant des cochonneries et des gros mots avec une classe affolante.

Le concert de ce soir aura été brut de décoffrage – on n’en attendait pas moins. Un groupe particulièrement affûté, un Arno plutôt pugnace, moins bavard et blagueur qu’à l’accoutumée, mais particulièrement à l’aise avec un répertoire assez rugueux, bien rock, bien bluesy et même assez teigneux ("Mourir à plusieurs" étant sans doute le meilleur condensé de tout cela). Le récent et très bon Brussld est évidemment largement à l’honneur. Un "God Save the Kiss" encore plus déjanté que l’original, un "Black Dog Day" au groove imparable, un "Quelqu’un a touché ma femme" en état de grâce… toutes ces versions, supérieures au disque, confirment tout le bien qu’on en pensait. Même les titres un peu moins parfaits… le sont ce soir, qu’il s’agisse du facile (sur album) et troupier "Le Lundi on reste au lit" , ou d’un "Get up, Stand up" hanté qui vient rappeler à ceux qui en doutaient que s’il est un personnage amusant ne lésinant jamais sur le second degré, Arno est tout autant capable de convoquer les ténèbres et de se faire plus menaçant.

Pas de regret, donc, quant à ce concert de haute tenue… sinon peut-être qu’on aurait adoré avoir droit à quelques unes des légendaires digressions du bonhomme, plutôt sage (fatigué ?) par rapport à d’autres prestations. Mais quelque part, cela correspond assez bien à la tonalité de Brussld, album plus sombre, plus mélancolique et moins facétieux que d’autres du Belge. Arno, qu’on avait pas revu sur scène depuis quelques années, est toujours une bête de scène – mais plus tout à fait de la même manière. C’est aussi cela qui fait les grands artistes live : on peut les voir des dizaines de fois, ce n’est jamais pareil…


1. Anecdotes véridiques constatées dans cette salle, of course.