mardi 11 mai 2010

Où John Banville la joue perso...

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L'Irlandais John Banville et moi, on n'a jamais trop été copains. Je précise qu'il est irlandais parce que vous qui me connaissez un peu, vous savez que j'ai beaucoup de copains irlandais, surtout des qui écrivent des livres. Non contente d'être un pays magnifique l'Irlande concentre depuis une quinzaine d'années quelques uns des plus grands écrivains européens vivants, des Joseph O'Connor, des Robert McLiam Wilson, des Hugo Hamilton... et je ne cite volontairement que les trois qui me bluffent quasiment à tous les coups - sans quoi la liste eut été quatre fois plus longue.

John Banville n'est pas de la même génération : quand son premier roman est paru, Joseph O'Connor ne devait guère avoir que six ou sept ans. C'est sans doute pour cette raison que je n'ai jamais rien retrouvé chez lui de ce que j'aime chez ses glorieux compatriotes. Lorsque j'ai lu The Sea il y a quoi ? Deux ans ? Je me suis trouvé saisi d'un ennui profond devant un livre dont le moindre aspect me semblait totalement artificiel et affecté, et le fait qu'il ait reçu le Booker me fit rigoler en me disant que si les Français avaient étonnamment plus confiance en les prix anglo-saxons qu'en les leurs, il y aurait probablement beaucoup à dire sur ceux-là aussi (je n'ai d'ailleurs plus aimé un seul Booker Prize depuis le génial True History of the Kelly Gang, de Peter Carrey... récompensé il y a presque dix ans). Cependant je ne suis pas chien, et quelques années plus tard me revoilà face à un livre de John Banville, un classique celui-ci - souvent considéré comme un de ses (sinon son) meilleur(s).

Bah c'est pas terrible. Il s'agit du long monologue d'un type jugé pour un crime sordide ; un type froid et cynique, effarant de veulerie, dont il apparaît assez vite qu'il est relativement déconnecté du monde. Si ça vous dit quelque chose c'est normal : l'histoire est différente mais le procédé n'est pas sans rappeler La Chute (de Camus, faut-il le préciser ?). En plus affecté bien sûr. En bien moins profond, évidemment.

Les premières pages sont il faut le dire assez jouissives. En 1989 Banville a déjà cette écriture froide, presque clinique, et ce vocabulaire un peu surrané (donc raffiné)... cela colle parfaitement au récit qu'il entreprend, cérébral et censément dérangeant. Censément parce qu'on se rend compte assez vite que l'auteur n'a rien de suffisamment fort à dire pour créer la moindre sensation de malaise. En 1989, ça marchait peut-être... mais en 2010 ce genre de confession glaciale et sombre débitée sur un ton monocorde, détaché... ce n'est pas nécessairement déplaisant, simplement on a l'impression d'avoir lu et vu ça un milliers de fois. Aussi si au début l'on se contente de se dire Ok, pourquoi pas ? , il devient de plus en plus évident au fil des pages qu'on ne trouvera rien ici de suffisamment personnel et marquant pour qu'on se rappelle avoir lu ce livre dans un an. D'autant que Banville, finalement, ne va pas beaucoup plus loin que son postulat de base : le narrateur donne l'impression de jouer une longue partie d'échec contre lui-même, sans qu'on soit jamais vraiment invité à applaudir à ses coups de maîtres.

Comme quoi on peut faire du cérébral creux.


The Book of Evidence, de John Banville (1989)


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6 commentaires:

  1. Je suis assez d'accord avec vous. Banville n'a jamais été ma tasse de thé. Il a tout du grand écrivain, mais je n'arrive pas à me convaincre qu'il en est un.

    BBB.

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  2. "Comme quoi on peut faire du cérébral creux."

    Excellent :)

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  3. J'avais aussi abandonné La mer assez rapidement...j'avais voulu le lire justement a cause du Booker. Mais il m'a proprement assommée.

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  4. à la même époque sortait american psycho (bon en 91) nettement mieux réussi

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  5. Je vous conseille de tester "Les disparus de Dublin" de Benjamin Black (alias John Banville) : vous serez réconciliés avec l'auteur.

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  6. Je vous conseille de tester "Les disparus de Dublin" de Benjamin Black (alias John Banville) : vous serez réconciliés avec l'auteur.

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