mercredi 24 mars 2010

Le Petit Pardon

...
Pardonnez-moi mon Dieu parce que j'ai péché.

Oui alors bon... j'ai énormément péché ces derniers temps, je Vous l'accorde. Et fort heureusement je n'éprouve pas le besoin de venir Vous en parler tous les jours. Mais cette fois-ci, vraiment... je ploie sous le poids de la honte. Pas autant que la fois où j'ai plaqué une fille deux minutes après l'avoir embrassée pour la première fois, mais pas loin.

Vous allez me dire - c'est en tout cas ce que je dirai à Votre place... enfin n'allez pas Vous imaginez que j'ose me mettre à Votre place ! Je veux dire que c'est ce que dirait toute personne de bon sens, et qu'a priori Vous en êtes - j'imagine mal le Créateur de l'univers incapable de discernement. Donc Vous allez me dire que je ne suis pas le seul à avoir péché, ces derniers jours. Qu'on a été très très nombreux à commettre le même péché, et qu'heureusement tout le monde n'éprouve pas le besoin de Vous en parler. Certes. Seulement-moi, voyez-Vous (c'est une figure de style, Vous êtes évidemment déjà au courant), c'était ma première fois. Cela ne m'était jamais arrivé depuis plus d'une décennie.

Jusqu'alors je croyais naïvement que ce n'était pas grave. Que c'était un péché véniel. Pourtant au fil des jours, mon point de vue a changé. La force de télévision, hein... à force de m'entendre répéter que c'était pas bien, j'ai fini par me poser des questions. C'était le moins que je puisse faire, vu que justement je venais de pécher par omission. Et c'est ainsi que je suis parvenu à cette conclusion que si tout le monde, continuellement, me répétait que je devais avoir honte... c'est que sans doute c'était le cas. D'où cette prière et ce besoin profond d'être pardonné. Si Vous trouvez cela déplacé, j'oserais Vous recommander d'aller en faire le reproche à Jean-Michel Apathie. Ou à Alain Duhamel. Ou à Thomas Legrand. Ou à n'importe lequel de ces gens qui, visiblement, n'ont aucune faiblesse.

A ma décharge, j'ai mal géré le truc dès le départ. Là encore, j'ai péché par omission, en oubliant purement et simplement de m'inscrire sur les listes électorales près de chez moi. Du coup, quatre heures de route aller-retour pour mettre dans une enveloppe un bulletin qui n'enlèvera rien au fait que la droite sera au pouvoir, qu'elle détruira la fonction publique et nous crachera son mépris à la gueule pour minimum deux ans de plus... ça m'a semblé faire beaucoup. Je l'ai fait une fois, au premier tour. Courageusement. Un citoyen modèle. Mais ça, on ne me félicite jamais pour ça. Par contre, si pour le deuxième tour je suis trop crevé, après une semaine des plus intenses, pour me taper les quatre heures de route aller-retour... ah ça... là, j'en entends parler. Même Alf s'y est mis !


Les abstentionnistes par-ci. Les abstentionnistes par-là. L'abstention grimpe. L'abstention fait monter le FN. L'abstention fait gagner la gauche. L'abstention fait perdre la droite. Notez que vu comme ça ça valait encore moins le coup de me faire chier.

Ma profonde culpabilité vient à n'en pas douter de là : pour la première fois dans ma vie, voici que j'entre dans le club unanimement honni par les gens bien éduqués des ABSTENTIONNISTES. Cette grosse masse informe et le cas échéant majoritaire, que l'on conspue d'un air entendu sans jamais prendre le soin de la comprendre ni même de vraiment chercher à y voir, incroyable mais vrai, des être humains. Il y a pourtant, sans le moindre doute, mille et une formes d'absentionnisme, de même que moi-même j'avais au moins cinq bonnes raisons différentes de ne pas y aller. Car Croyez-le bien, Seigneur : si en d'autres circonstances j'aurais trouvé la force de me déplacer. Encore fallait-il parvenir à me motiver. Après tout j'appartiens au peuple ; pour avoir ma voix, il faut savoir me prendre. De préférence pas par derrière. C'est le seul truc qui change avec moi : la drague de base, les je vous ai pas déjà vu quelque part ? et autres t'as de beaux yeux tu sais ?... ça ne marche pas. Je suis un électeur farouche. Comme me le confiait un jour Lionel Jospin : ce sont les pires, ces gros cons qui ne votent pas sans réfléchir pour qui on leur dit de voter.

Qu'aurait-il donc fallu pour me faire faire quatre heures de route aller-retour, en considérant que je pouvais difficilement me sentir concerné par les enjeux locaux dans une région où je ne vis plus ? Oh, pas grand-chose. Si peu. Conférer du sens à mon vote. Me donner l'impression que je sers à quelque chose. Sans doute le socialiste primaire me rétorquera-t-il que c'est toujours bon à prendre de coller une branlée à l'UMP. Certes. Sauf que moi, cher socialiste primaire, j'appartiens à une génération qui depuis une décennie a collé un certain nombre de branlées à l'UMP sans que jamais rien ne change. J'appartiens à une génération de gens de gauche qui n'ont jamais remporté d'élection majeure, qui n'ont jamais eu l'occasion de faire la fête après des résultats, qui se sont mobilisés des dizaines de fois pour que l'issue soit toujours, inéluctablement, la même. Alors le coup de la proverbiale et nécessaire branlée pour la droite... ça va deux minutes. J'ai passé l'âge de me satisfaire de ce genre de choses, pour atteindre celui où l'on espère en vain (mais plus pour longtemps) un véritable projet de société, un programme original, audacieux et solide, quelque chose qui serait un peu plus que de remporter les élections locales et on verra (perdra) après. J'oserai même affirmer qu'il a été démontré par les faits que c'était une très mauvaise idée, entre 2002 et 2007, de faire gagner toutes les élections au P.S. C'est en grande partie cette illusion d'être un contre-pouvoir, d'être une machine à gagner imparable qui l'a fait... perdre. Un peu comme l'Equipe de France en 2002 : les champions du monde des matchs amicaux se sont fait dégager au premier tour (d'ailleurs, de manière générale, j'ai noté que plus les Bleus se qualifiaient facilement pour une compétition, plus ils se faisaient vite dégager lorsqu'elle commençait).

Dieu s... Vous savez que ce n'est pas dans mes habitudes de tailler le P.S. Ce n'est pas l'envie qui m'en manque, mais j'estime généralement qu'on ne doit pas se tromper d'adversaire. Néanmoins, une fois n'est pas coutume je m'y laisse aller, parce que tout de même : quel spectacle pathétique ils nous ont offert ces trois dernières années ! Il faut vraiment être soit fou soit totalement désespéré pour voter pour ces gens ! Ou alors avoir un bureau de vote près de chez soi, ce qui n'était pas mon cas. Et je ne suis quand même suffisamment tordu pour voter pour l'UMP, les mecs qui viennent de passer trois ans à envoyer le peuple se faire foutre et qui subitement voudraient qu'il vote massivement pour eux.

Il n'en fallait pas plus pour me convaincre de faire la grasse matinée dimanche. Je n'en suis pas réduit à dire qu'ils sont tous pareils, tous pourris, bonnets blancs et blancs bonnets. En revanche là, sur ce scrutin, je n'avais pas envie. Et aussi bien la valse aux hypocrisies de la semaine dernière (on appelle ça les tractations, en langage politique) qu'un sentiment grandissant d'impuissance ne m'ont pas vraiment poussé dans le sens inverse. Mais pensez-Vous que cela intéresse quelqu'un ? La masse informe des abstentionnistes, on la drague en public, on la blâme en privée, on la culpabilise le reste du temps. Moi qui suis féru de politique depuis de nombreuses années, qui ne passe pas une heure sans penser à un sujet s'en rapprochant, qui considère que tout est politique... j'en suis arrivé au fil du temps à perdre une bonne part de ma motivation (et je ne sais pas si Vous lisez Le Golb, mais je crois que cela s'est vu dans mes récents édito, plus vraiment politiques, et plus vraiment branchés sur l'actu).


Je Vous dis ça... mais je sais bien que dès le prochain scrutin je serai sur le pied de guerre et prêt au combat. C'est dans ma nature. Mais ma nature, quelque part, m'ennuie un peu. Et je crois que c'est en grande partie contre ma nature, trop servile, trop gentille, trop dupe, que j'ai eu envie de me révolter en ne me déplaçant pas dimanche. Si j'avais pu voter à côté de chez moi, sans doute l'aurais-je fait. Je ne peux cependant m'empêcher de me demander - et venant de moi cette interrogation a quelque chose de tout à fait déroutant - si je n'aurais pas eu tort. En tout cas, cet incident géographique m'a permis de faire quelque chose que je rêvais secrètement de faire depuis des années : ne pas aller voter à contre-coeur. Pour une fois.

Notre Père qui êtes aux cieux, et blablablamen.


P.S. (!) : sinon j'ai bien reçu Votre châtiment et j'ai trouvé qu'il ne manquait pas de piquant... manipuler ma femme pour m'obliger à regarder le film Quadrophenia, c'était sacrément vicieux...
...

21 commentaires:

  1. Malheureux, vous ne pensez donc pas à nos ancêtres morts dans les tranchées pour que vous puissiez voter Jean Paul Huchon ? (ça valait bien la peine.) Savez-vous seulement qu'il y a des nords-coréens qui vendraient leur dernier rein pour voter Valérie Pécresse ? Que dans d'autres temps, d'autres lieues, on aurait sacrifié le Veau Gras en glissant un bulletin Cécile Duflot dans une urne ? Vous ne pouvez pas être sérieux.

    Un proverbe franc-comtois dit que l'abstention c'est comme les pantoufles en peau de chèvre, on se sent un peu honteux et puant au début, puis on s'y fait bien, et on n'envisage plus de marcher sans. Belle confession sinon, j'espère qu'Il vous pardonnera (et la couille dans le potage est terrible !)

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  2. Moi aussi j'ai péché... j'ai regardé la Starac hier (comme quoi avec Quadrophenia, tu t'en sors bien. Et je dis pas ca parce que chez moi, c'est moi qui ai obligé ma femme à le voir. meme qu'elle a bien aimé. Meme qu'à la Starac maintenant, y'en a qui chantent bien des trucs bien avec une guitare).

    Sinon, pour l'edito, ben... tout pareil. Ca fait un moment que le fait d'etre inscrit à marseille me sert de mauvaise excuse.
    Et bravo à Alf, excellents dessins!

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  3. Cher Thom, vous avez des cojones.
    Non, je ne parle pas de ne pas être voter. Cela, malheureusement, n'importe quel gogo peut le faire.
    Je parle de vous adresser à Dieu avec une telle impertinence.
    Le châtiment risque d'être bien pire, que de devoir écouter un album des Who !

    BBB.

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  4. Seigneur ! je croyais que Dieu, c'était Vous.
    Vous l'avez écrit sur vos tables
    http://www.legolb.com/2009/03/monstres-cie.html
    'personne, jamais, ne pourra passer après Moi'

    Y a-t-il un dieu au-dessus de Vous ? parce que, tant qu'à faire...

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  5. Ah bon ? Il y avait des élections ?

    C'était donc pour ça qu'il y avait à la télé des tas de politiciens nous promettant monts et merveilles et se déclarant tous plus écolos les uns que les autres (juste avant d'abandonner la taxe carbone pour ceux qui étaient pour avant et regretter cet abandon pour ceux qui étaient contre avant)...

    Merde, ils auraient du le dire plus tôt...

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  6. Courageuse confession...

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  7. Quel cynisme ! Bien sûr que le vote sert à quelque chose. Regarde : les français ont largement voté à gauche, et en réponse Sarkono a droitisé à mort le gouvernement. Ah ah. Qu'est-ce qu'il a répondre à ça monsieur "ça ne sert à rien" ? :)

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  8. Étant la première élection à laquelle j'ai eu le grand honneur de participer, j'y suis aller par acquis de conscience (mais seulement pour ça).

    Mais sinon, j'ai du mal avec les régionales, parce que les régions, bin c'est pas top moumoute pour l'instant.

    Et la gauche qui fait tout un plat de l'abstention, mais c'est comme avec le FN, c'est bien pratique pour remporter des régions. Au final, si elle est contente de sa victoire, elle doit comprendre que c'est pas avec ça qu'on remporte une élection nationale (comme tu l'as dit).

    Sinon, Dieu est compréhensif, si tu lui dit que c'est pour des raisons écologiques que tu n'es pas allé voter, il t'accordera son pardon, et tu évitera peut être de re-regarder l'intégrale de Californication (en allemand). :-)

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  9. Ah ! c'est vrai ce que tu dis. Sur l'équipe de France :-)

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  10. Ernesto >>> et voilà, encore une preuve de l'effet de la politique pipole... car les noms des candidats dans le trou où j'étais censé voter étaient bien moins glamour ! Si encore on m'avait collé une star. Pensez-vous : le plus connu des candidats était Bruno Lemaire. Un ministre, certes, mais je suis bien le seul à le savoir.

    Xavier >>> oui alors là, quand même... l'aveu est lourd. Je ne serais jamais tombé aussi bas :-)

    (de toute façon, comme chacun sait, je ne regarde que le journal du matin et des séries télés)

    BBB. >>> c'est vrai, mais comme l'a fort justement rappelé Lou... j'ai déjà fait bien pire dans le genre blasphème.

    Lyle >>> l'écokoa ? Passe encore que tu nous causes de trucs comme 3 Colour Red mais de grâce, ne sois pas aussi ringard. L'écologie c'est fini, terminé. Un sujet tellement 2009 :)))

    Lil' >>> excellent :-) Mais il y a pire. Parce que cette droitisation, tout le monde savait qu'elle aurait lieu une semaine avant le second tour.

    Lusk >>> même en allemand je crains que Californication ne soit vraiment pas recommandable ^^

    mika >>> ;-)

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  11. hé oui, l'amour... cela dit, je regrette pas, on s'est encore plus marré que quand on regarde les Experts Miami...

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  12. Moi aussi j'ai péché pareil. Tout pareil. First time too. Et je me suis même abstenue de regarder les débats télé. C'est dire si ça va loin !

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  13. Xavier >>> Philman est meilleur que Horacio ? ;-)

    Gaëlle >>> oh là. Même TOI ! La vache, cette maladie est sacrément grave alors...

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  14. Ouaip, heureusement pour eux que le ridicule ne tue pas!
    il y a pas mal de points communs: personnages carricaturaux, séquences émotion risibles, et trame tellement cousue de fil blanc qu'on devine la fin très vite...

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  15. Moi j'étais désespérée (avec un bureau de vote tout à coté de chez moi) alors j'ai voté... Par contre j'ai boycotté les débats. Faut pas déconner!

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  16. "personnages carricaturaux, séquences émotion risibles, et trame tellement cousue de fil blanc qu'on devine la fin très vite..." : tu es sévère mais finalement assez juste avec le PS...

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  17. lyle: :-D
    c'est vrai que Kouchner a un petit coté Horacio...

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  18. Moi ce qui m'intéresserait c'est de savoir qui joue la bombe blonde ^^

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  19. Louise Paradise4 mai 2010 à 13:13

    Je trouve ce poste d'une mauvaise foi absolue. Si la politique telle qu'elle existe ne te convient pas, rien ne t'empêche d'y participer et de faire partager tes idées. Je serai la première intéressée par ce fameux programme "innovant".

    Le droit de vote est un droit, certes, mais c'est surtout un devoir. Je me contrefiche des discours culpabilisateurs usés jusqu'à la corde, ce n'est ici que mon opinion.
    Des gens sont MORTS pour ça, pour qu'on puisse donner son avis. Certes le gouvernement n'est pas souvent à l'écoute. La France reste tout de même une démocratie, et c'est trop facile de l'oublier.

    Le chemin est long, il y a du travail. C'est vrai. Seulement je méprise profondément ceux qui refusent de donner de la voix, et qui s'en vantent. Par respect pour ceux qui n'ont pas cette possibilité. Et parce que quoi qu'on en dise, on peut s'exprimer.

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  20. Je ne sais pas si tu te moques des discours culpabilisateurs, mais tu les caricatures à la perfection. Si c'était du second-degré, c'est vraiment très bien fait.

    Du reste, on se demande qui est de mauvaise foi. Car en lisant ce texte, il est tout de même assez clairement dit que c'est bien la première fois que cela m'arrivait de ne pas aller voter, et que ça ne reproduirait probablement jamais. Depuis ma majorité, je n'ai pas manqué un seul scrutin. J'ai milité à une époque. Je donne de la voix régulièrement dans ces pages et d'autres. Je ne suis pas quelqu'un d'inerte se laissant porter par le courant, mais un être humain avec ses faiblesses, qui même engagé et passionné par la politique depuis toujours peut, une fois tous les dix ans, être pris de lassitude, se sentir petit et sans prise sur le monde qui l'entoure. Ce que j' exprime dans ce texte, dans le fond, c'est juste cette évidence que j'avais suffisamment de mal à faire face à ma propre conscience pour ne pas avoir envie de me faire remonter les bretelles à longueurs d'éditos, d'articles, d'émissions de télés ou de discours politiciens.

    Du reste, je n'ai jamais écrit nulle part que la France n'était pas une démocratie. Tu extrapoles complètement. Mais j'estime que la démocratie, c'est aussi le droit de ne rien dire quand on n'a rien à dire, de ne pas se sentir concerné par un sujet, et oui, de ne pas voter pour une raison ou pour une autre. La démocratie n'est pas une machine informe où l'on va voter un flingue sur la tempe, mais un conglomérat d'être humains qui ont tous leurs faiblesses, leurs doutes, et dont j'ai la bêtise de faire partie.

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  21. :)

    Pour une fois que tu n'étais pas de mauvaise foi, mon pauv' bichou ;)

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