lundi 15 mars 2010

Hugo Hamilton - Just Another Sad Bastard

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Le talent a ceci de fascinant qu'il excuse tout ou presque. Les coups de moins de bien, les erreurs, les faiblesses, la folie ou la démesure - tout ou presque sauf la médiocrité. Un écrivain talentueux, on peut quasiment tout lui pardonner, parce qu'on l'aime et qu'on sait ce qu'il vaut. Ainsi par exemple, quand un auteur mauvais ou juste moyen se répète inlassablement depuis des livres et des livres on n'a qu'une envie : lui dire d'arrêter, de se renouveler - et encore en admettant que l'on trouve encore le courage de le lire. A l'inverse quand un Hugo Hamilton semble publier régulièrement le même livre se nourrissant des mêmes thèmes et mourrant sur les mêmes interrogations, on a plus tendance à l'en féliciter et à lui suggérer de continuer comme ça - on aime. Point barre.

Vous l'aurez déjà compris, Disguise, dernier roman en date (*) du susnommé Hamilton, fait partie de ces romans ou plutôt que de découvrir un territoire inconnu l'on se replonge avec délectation dans un univers familier, en l'occurrence à la fois truculent et désespéré, torturé aussi souvent qu'amusant. On pourrait difficilement reprocher à l'auteur de ne pas essayer de se renouveler : foncièrement, Disguise est assez différent, tant dans sa construction beaucoup plus travaillée que par le passé que dans son décorum (on quitte l'Irlande contemporaine pour s'intéresser à l'Europe continentale de l'après-Guerre). Mais les obsessions ont ceci de passionnant (ou de terrifiant) que quoique vous fassiez, elles vous rattrapent toujours - à plus forte raison si vous êtes un écrivain.

Aussi Disguise raconte-t-il une histoire d'enfance envolée et de quête identitaire, comme The Speckled People, comme Sad Bastard... comme presque toujours. Hamilton ne peut s'en empêcher, et ceux qui ont lu The Speckled People savent pourquoi. Au fil des années sa plume s'est faite plus grave, moins déjantée, moins hooligan. Peut-être même la forme a-t-elle beaucoup plus évolué que ce fond qui, sans être balisé, est immédiatement rattachable à l'auteur le plus torturé de Dublin. En l'occurrence une histoire d'enfants échangés, d'enfant en remplaçant un autre, irrémédiablement perdu dans le bombardement de Berlin. Et l'enfant - Gregor - de grandir, de s'affirmer progressivement avec toujours au cœur cette sensation indicible, cette certitude abstraite d'être Autre. On a l'impression d'avoir lu cette histoire cent fois, et d'avoir été autant de fois confronté aux questions qu'elle sous-tend (qui suis-je ? A quoi tient mon identité ?). Mais chez Hamilton l'écriture s'accompagne d'un tel talent, d'une telle grâce que l'on en ressort, une fois de plus, essoré.


Disguise [Comme personne], de Hugo Hamilton (2008)




(*) Plus pour longtemps puisque selon nos sources un nouveau sort en avril.
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4 commentaires:

  1. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas entendu parler d'Hamilton. J'ai l'impression qu'il est un peu passé de mode, par rapport à il y a quelques années.
    Je lirai peut-être ce livre. Ou peut-être pas. J'avoue que par rapport aux autres "grands irlandais", j'ai toujours eu quelques réserves, à son sujet.

    BBB.

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  2. S'il a été à la mode ce n'est pas parvenu à mes oreilles... ^^

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  3. Son autobiographie "Sang impur" a connu une certaine notoriété, il me semble. Il a d'ailleurs eu le prix Femina étranger pour ce livre en 2004.

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  4. Bon bon ! D'accord, il a été à la mode, si ça peut vous faire plaisir ^^

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