lundi 22 mars 2010

Aquaserge - Subterranean Homesick Rock

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Question : quel avenir peut espérer un groupe français chantant dans sa langue d’origine s’il pratique un prog-rock psychédélique et totalement barré, tripe sur la vie aquatique et ouvre son album sur des mots comme « La postface achevée ce cher Serge s’échine en corrections subtiles d’orthographiques maladresses » ? Théoriquement : aucun. Nous vivons dans un pays terrible pour ce genre de chose, un pays qui pour avoir eu l’un des tous meilleurs groupes du genre (Magma, pour ne pas le nommer) ne sut jamais lui faire honneur ni lui payer le tribute qu’il méritait. Alors des inconnus pas même parisiens, en 2010… Non vraiment : sur le papier, Aquaserge n’avait aucun avenir, sinon peut-être celui de devenir un objet de culte pour douze personnes « tombé[es] dans la selve comme dans un songe. » Oh bien sûr, il aurait pu rêver un peu. Imaginer rencontrer Sa Majesté Burgalat, et pourquoi pas devenir son backing band. Fantasmer sur une signature chez un label Américain. Imaginer que son troisième opus soit encensé partout comme l’une des révélation de l’année. Mais soyons sérieux deux minutes : ce genre de chose n’existe que dans les contes de fées et les success story bidonnées de magazines toujours prêts à nous faire croire que le rock français fut glorieux et même – quitte à rêver rêvons positif – populaire. Du moins le croyait-on. Car c’est précisément ce qui est arrivé à Aquaserge, et compte tenu de la complexité de sa musique c’est déjà, en soi, une performance. Le reste coule presque tout seul.


Dès les premières secondes on est projeté dans un univers parallèle, éthéré et burlesque, et l’on tombe fou d’amour. Bien sûr, il convient de savoir doucher ses ardeurs : si Ce très cher Serge emballe aussi facilement, c’est sans doute en grande partie parce qu’on n’entend quasiment jamais ce genre d’album dans notre (néanmoins) belle contrée. Ce qui est rare est précieux, comme chacun sait. Reste que les cinq morceaux (quatre, en fait, "La Genèse" pouvant difficilement prétendre à ce titre) sont, dans leur genre, assez prodigieux. Patchwork d’influences improbablement conjuguées, Ce très cher Serge orchestre des rencontres que l’on aurait juré hier encore totalement fantasques. Une intro déjantée à la Primus, un texte à la syntaxe toxique façon Gainsbourg… et voici qu’"Un soir de tempête" dégénère en jam aquatique. The Soft Machine meets Zappa. Vous imaginez le fantasme, enfin réalisé par un groupe dont l’inventivité n’a d’égale que l’absence totale de complexes.

Et il vaut mieux en effet n’en nourrir aucun lorsque l’on se pique, comme c’est le cas ici, de balancer les plus grands dans un immense shaker et de secouer histoire de voir ce qu’il en ressort. On pourrait encore citer en vrac Gong, Hendrix, Faust… on pourrait énumérer les références et les planter comme une belle clôture culturelle autour de cet album singulier. Ce ne serait pas forcément lui rendre service. Le lecteur égaré risquerait d’y voir un quelconque groupe rétro, quand Aquaserge aspire assurément plus à l’intemporalité. Rien que pour "Visions", morceau habité aux airs de bande-son du cerveau malade d’Isidore Ducasse, on est tout prêt à la lui accorder. Tant pis si on jurerait plutôt qu’ils viennent de l’espace. Après tout eux-mêmes tentent bien de nous faire gober qu’ils ne sont pas des martiens et sont arrivés en sous-marin…


Aquaserge présente : Ce très cher Serge, Special Origines