samedi 27 février 2010

Un jeudi soir sur la Terre

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(bon, j'ai encore oublié l'appareil photo, ça devient une habitude) Cher lecteur qui suit depuis déjà un an mes tribulations lives  dans la capitale, tu dois être un peu surpris de me retrouver ce soir à un Thursday Night Live, moi, le gars qui se plaint toute l'année que les concerts finissent trop tard et même qu'après je loupe le train. Bah ouais mais là, au moins, c'est clair, net, transparent : Thursday Night Live ça commence à 23h00, ce n'est pas sans poser quelques problèmes d'organisation mais la couleur est annoncée et le taxi réservé... alors bien sûr - rassurez-vous - ça n'empêchera pas les concerts de débuter en réalité à 23h40, surtout qu'on est au Nouveau Casino et que la ponctualité n'est que rarement le fort de l'endroit. D'ailleurs, pour être honnête, on aura bien du mal ce soir à déterminer quel est ce "fort" dont il y aurait à se vanter.

Quelle drôle d'ambiance et quelle drôle de soirée, quand j'y repense. Je m'explique : le Thursday Night Live commence à 23h00, comprendre par-là à peine une demi-heure après la fin de la soirée Custom (avec Beast, si ça vous intéresse). D'où une assemblée principalement composée de résidus de la soirée d'avant, les uns trop bourrés pour rentrer, les autres trop occupés à discuter pour s'intéresser à la musique. A l'étage, surtout, l'atmosphère est effarante. Ça sent tellement le Parisien que je suis immédiatement pris de nausée, c'est d'ailleurs à cette occasion que je m'aperçois que "Parisien" et "parasite" forment une surprenante allitération. Bref. Ça sent la mauvaise parodie de Bret Eason Ellis (qui a dit Beigbeder ? Rooooh... z'êtes méchants...), le petit bourge qui arrose ses copains de verres dont on se demande une seconde s'il les paie vraiment, la jeunesse décérébrée et la cigarette froide (car le fumoir est tellement rempli à ras-bord qu'une connasse a décrété qu'il fallait en ouvrir la porte... rappelons que c'est à cause de ce genre de personne que je suis obligé de sortir fumer même quand il fait -5). Non vraiment, c'est très bizarre, et surtout totalement décalé par rapport aux concerts pour le moins abrasifs que nous sommes venus voir. A un moment une fille commence à se coller à moi, me souffle son haleine putride dans la gueule, hé ! t'étais pas à la soirée de Christophe ? Non non pétasse, j'étais pas à la soirée de Christophe - d'ailleurs je ne connais qu'un Christophe et il ne t'inviterait sûrement pas à sa soirée.

C'est avec un certain soulagement qu'on voit Parlovr entrer en scène, malheureusement leur musique ne casse pas trois pattes à canard. L'indie-rock à la sauce post-hardcore c'est mignon, ça fait toujours plaisir, mais depuis dix ans c'est du vu, revu, entendu et réentendu, au point qu'on se demande parfois si on ne tient pas là le style le moins innovant du monde tant tous les groupes se ressemblent, mêmes mélodies, mêmes voix, mêmes looks. Notez que dans le genre Parlovr n'est sans doute pas ce qu'on fait de pire (quoique les gimmicks de synthé - LE truc pour être hype en 2010 - soient parfois d'un kitsch risible).

Finalement on arrive à se frayer un chemin dans le fumoir, ce qui n'était pas gagné (incroyable mais vrai il y avait un groupe de sept personnes qui était dedans depuis avant qu'on arrive une heure plus tôt... ça laisse pantois quand on voit l'odeur et l'atmosphère étouffante de l'endroit), et on commence à prendre les paris sur le temps que DD/MM/YYYY va mettre pour monter sur scène. Trop, bien sûr. Évidemment il est presque une heure du mat', ça fait bien longtemps qu'on a loupé le train. Sauf que ça ne nous empêche pas de fatiguer. Il est tout de même une heure, et en plus on n'est même pas bourré. Bon point cependant : l'étage se vide, il est l'heure pour les fils à papa de retourner chez maman (y a quand même école demain). D'ailleurs l'étage n'est pas le seul à se vider, l'audience commence nettement à se clairsemer, ce qui ne manque pas d'ironie puisque le meilleur groupe de la soirée - et l'un des tous meilleurs de sa génération - s'apprête à fouler la scène du Nouveau Casino pour un show forcément puissant, inventif, rageur et barré.

De ce point de vue aucun doute : nous en aurons pour notre argent. Faut dire que l'entrée ne coûtait que cinq euros. Encore en pleine forme malgré l'heure, DD/MM/YYYY fait honneur à sa réputation de bête de scène à la maîtrise instrumentale remarquable. Ça joue monstrueusement bien, le son est très bon, les compos brillantes dans un genre math-rock psychédélique particulièrement casse gueule... impeccable, et même brillant. Et pourtant, l'histoire se finit mal. Alors que je reviens d'un fumoir désormais désert (et il est à noter que quand personne ne braille dedans on entend parfaitement le concert), ma femme lâche : "C'est la dernière chanson." Quoi ?! Mais il n'est que... 1h30 ! C'est pas possible, ils vont revenir...

... bah non. Ils ne reviendront pas. On aura attendu toute la soirée (oui parce que je vous ai passé l'épisode où on glande à Paris en attendant que le ce soit l'heure, parce qu'on sait très bien que si on est à la maison à 23h00 on ne trouvera pas le courage de ressortir et de reprendre le train), on se sera tapé l'ambiance zarbi, la première partie un peu chiante, l'attente entre les concerts... pour avoir l'immense privilège de voir DD/MM/YYYY durant trente-cinq petites minutes, réussissant la performance rare (mais pas précieuse) de jouer moins longtemps que sa première partie. Un groupe qui, comble du comble, annonce avant de partir qu'il sera en concert à la Flèche d'Or le 6 mars, date non annoncée sur leur site (c'est le "super secret show" dont vous pouvez voir une trace sur leur space), date qu'on imagine elle d'une durée normale à une heure décente. Ou comment gâcher totalement le plaisir d'un concert tout à fait réussi (je ne suis évidemment pas le seul dans la salle à être abasourdi par cette fin pour le moins abrupte).

Et ainsi au lieu de repartir en se disant que finalement, ce fut une bonne soirée... on repart en se demandant surtout "C'est quoi cette blague ?"