lundi 8 février 2010

Badly Drawn Boy - Crise de la quarantaine

C’est l’une des grandes injustices de l’histoire de la musique : elle retient certains noms et en oublie d’autres, sans qu’il y ait forcément de raison ou de logique à cela. Celui de Badly Drawn Boy, par exemple, sonnera peut-être à votre oreille comme un souvenir qui vous était sorti de la tête, et ses chansons comme une poignée de photos jaunies coincées au milieu de vos cours de seconde année de DEUG… non mais vous vous rendez compte comme c’est vieux ? Le DEUG existait encore !

En fait elle n’est pas si lointaine, l’époque où la presse présentait Damon Gough comme la star en devenir d’une britpop dont on n’osait déjà plus dire le nom : une dizaine d’années tout au plus nous sépare de la sortie The Hour of Bewilderbeast, debut d’un déjà plus très jeune homme en lequel certains voyaient en vrac et dans le désordre le nouveau Beck, le nouveau blur ou le nouveau Pavement… des gens qui à l’époque étaient des références absolues et qui n’avaient pas encore commencé à décliner (Beck), ne s’étaient pas encore séparés (blur), ou trop récemment pour qu’on ne les considère plus comme le nec plus ultra (Pavement). Au point que l’on ait peut-être pas à l’époque accordé suffisamment d’importance à un disque imparfait mais attachant. Puis il y eut la BO d’un film à succès (About a Boy), une poignée d’albums (dont le très réussi Have You Fed the Fish?)… et puis de plus en plus de silences, de plus en plus d’indifférence. Au point qu’aujourd’hui lorsqu’on constate qu’Is There Nothing We Could Do? est le premier disque de Badly Drawn Boy depuis quatre ans, on est presque surpris : on n’avait pas réalisé qu’il était silencieux depuis aussi longtemps, et pour tout dire… il ne nous manquait pas particulièrement.


C’est pourtant avec un certain plaisir que l’on va le retrouver, comme un vieux pote qu’on n’a pas vu depuis longtemps, auquel on ne pense quasiment jamais mais dont le devenir ne nous laisse pas insensible pour autant. Malheureusement, le copain a vieilli. Il est devenu un quadra respectable, sympathique mais un peu terne voire légèrement chiant. Ce qui en musique se traduit généralement par l’impérieuse (ça rime avec ennuyeuse) nécessité de composer plein de ballades au piano et de se complaire dans une pop languide et volontiers déprimante. Badly Drawn Boy n’est pas le premier à tomber dans ce travers, et ce n’est sans doute pas celui qui nous décevra le plus. Non que cet Is There Nothing We Could Do? soit meilleur que ce que l’image susmentionnée laisse supposer (il est carrément soporifique et à des années lumières de l’attachant Have You Fed the Fish?), mais parce que l’on n’en attendait pas grand-chose.

Alors certes, c’est un soundtrack et il faut en tenir compte. Plus précisément il semble – si l’on a bien saisi de quoi il retourne – qu’il s’agisse d’un mélange de morceaux du soundtrack en question (un obscur téléfilm intitulé The Fattest Man in Britain) et de titres inspirés par cette histoire a posteriori. Honnêtement, ça ne change pas grand-chose. L’écoute n’est globalement pas déplaisante, mais on a la désagréable sensation qu’il ne se passe quasiment rien avant la dernière plage ("I’ll Cary On", très jolie et seule chanson sur cet objet à être digne du talent de Gough). Le seul bon côté de ce disque, c’est qu’on sait d’avance qu’il ne nous fâchera pas avec son auteur : d’ici à ce qu’il en publie un autre on aura largement eu le temps d’oublier celui-ci. Peut-être même aura-t-on le loisir de le redécouvrir avec une certaine curiosité alors. De toute façon pour qu’on soit vraiment énervé, encore faudrait-il que Badly Drawn Boy ait jamais su déchaîner quelques passions – il est plutôt l’archétype du songwriter sympa dont personne n’aurait envie de dire du mal plus que de raison. Ses fans en revanche (du moins s'ils existent) l’auront sans doute un peu plus mauvaise… quatre ans d’attente pour se retrouver avec un album comme ça, assemblé de bric et de broc et manquant autant d’inspiration que de chansons… ça peut énerver un chouïa.


👎 Is There Nothing We Could Do? 
Badly Drawn Boy | BDB/The Big Life Music Company, 2010

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