The Big Bang Theory - Cantique des quantiques

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The Big Bang Theory, c'est un peu la série qu'on adorerait adorer sans malheureusement y arriver. Parce que les geeks sont sympas (en plus d'être devenus l'incarnation de la coolitude). Parce que les acteurs sont bons (Jim Parsons en tête, bien sûr). Parce qu'on y retrouve ce sens ébouriffant du rythme qui fait qu'une sitcom américaine, même moyenne, surpasse à peu près n'importe quelle série comique de n'importe quel autre pays. Parce que le ton est chaleureux, bon-enfant, assez tendre en fait.

On adorerait donc adorer The Big Bang Theory... mais impossible, ça ne marche pas. C'est certes dans les vieux pots que l'ont fait les meilleures soupes ; mais le ressort actionné ici (celui des deux mondes antagonistes qui n'auraient jamais dû se percuter) est si usé que, faute d'une proposition vraiment alléchante, on finit par entrecouper les moments de rires de plages d'ennui de plus en plus longues au fil du temps.

En fait pour être exact : on se sent constamment mal à l'aise face aux comportements de Sheldon, Leonard et les autres, ne sachant pas si c'est très drôle, ou juste très con. Sans doute un peu les deux, la connerie venant d'ailleurs moins des comportements eux-mêmes que de la ribambelle de clichés qu'ils trainent dans leur sillages - à tel point qu'on finit par se demander si la série renferme plus de stéréotypes sur les geeks ou bien sur les blondes (la paraît-il bombe Penny étant loin d'être épargnée). S'agit-il d'un hommage vibrant à la geekitude, ou bien d'une satire suintant le mépris ? Ou encore, hypothèse possible, d'une tentative bêtement mercantile de surfer sur une mode ? Difficile à dire ; mais il est certain qu'entre deux inventions amusantes les dialogues ultra-convenus sont légion. Un exemple ? Dans le pilote, Leonard suggère à Sheldon d'inviter Penny, car il ne fréquente personne. Et l'autre de répondre que si, il a plus de 100 amis sur le Net. Leonard : "Oui, mais tu ne les connais pas". Un cliché par phrase, et ce n'est même pas drôle. On serait tenté de prime abord de mettre ça sur le compte du fait qu'on soit en face d'un pilote (rarement le meilleur épisode d'une série) las ! ce genre de discussion visant semble-t-il à bêtement conforter le spectateur dans ses préjugés se retrouve tout au long de la saison 1, sans jamais donner l'illusion d'apporter quelque chose au récit (seuls les rires en boite claquent lorsque retentit ce type d'échange). Il est d'ailleurs amusant, d'un point de vue sociologique, d'essayer d'imaginer les réactions courroucées de nos concitoyens si d'aventure on avait retrouvé des choses similaires dans une fiction française. La curée eut été sans nom, ouais ! les français savent pas écrire des séries, ils savent pas jouer, ils savent pas faire des personnages crédibles, leurs dialogues sont trop didactiques... blablabla. En attendant, une seule mimique de Perceval dans Kaamelott est dix fois plus drôle que la plupart des répliques des personnages de The Big Bang Theory... qui de toute façon ne sont que de simples faire-valoir de Sheldon Cooper, véritable héros et archétype du personnage locomotive - comprendre par-là celui qui par sa seule présence est susceptible de sauver la pire scène de l'oubli. A ceci près qu'en général, le personnage ne révèle sa nature de locomotive qu'au bout de deux ou trois saisons, lorsque la série commence à s'essouffler et que les scénaristes deviennent trop paresseux pour bâtir des gags autrement qu'autour de lui.

Que Sheldon serve de locomotive dès le début ou presque relève donc quasiment de l'aveu d'impuissance. Sympathique durant quelques épisodes, The Big Bang Theory a à peine finit d'exposer ses personnages qu'elle commence déjà à piétiner, se répéter... etc. Rapidement exploitée jusqu'à la corde, l'idée de départ (une bombe emménage en face de chez deux geeks absolus) n'aboutit pas à grand-chose, loupant ce qu'on pourrait appeler un peu pompeusement le "passage au niveau supérieur de la comédie" - comprendre par-là ce second sens de lecture faisant de Seinfeld, Scrubs voire Friends des séries de haut niveau. Un comble pour une série se voulant geek en diable : The Big Bang Theory reste constamment à la surface des intrigues et des personnages, ne tirant jamais la potacherie ni vers l'émotion, ni vers la transgression, ni vers la profondeur. Mais il est vrai que les geeks n'avaient pas besoin de ça : ils règnent déjà en maître sur le monde des séries, auquel les Abrams et autres Whedon insufflent de manière bien plus subtile leur culture et leurs références, sans jamais prononcer ce mot très moche...


The Big Bang Theory (saison 1), créée par Chucke Lorre & Bill Prady (CBS, 2007-08)

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