mardi 22 décembre 2009

George Pelecanos - Point n'en faut trop attendre...

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Ultime tome de la série Derek Strange & Terry Quinn, Hard Revolution est cependant chronologiquement parlant le premier, qui retrace la jeunesse d'un Strange loin du héros que l'on connaît dans une Amérique de la fin des années cinquante où la ségrégation bat encore son plein. Une mise en bouche (l'essentiel de l'action se déroulera dix ans plus tard) qui demeure le sommet non seulement de ce roman, mais de la série dont il est extrait. 1959, ce sont les balbutiements des revendications raciales, Martin Luther King n'est actif sur la scène politique que depuis quelques années, What is Man? vient à peine de paraître et I Had a Dream est encore loin (*). C'est ici que l'on cueille le petit Derek et son frère Dennis, adolescents noirs aussi ordinaires qu'on peut l'être lorsque l'on grandit au sein d'une société aussi inégalitaire que les Etats-Unis de l'époque... aussi ordinaires que peuvent l'être des jeunes gens que l'on considère encore de manière presqu'unanime comme des sous-hommes.

Ainsi Hard Revolution démarre-t-il tambour battant, dressant un portrait remarquable de l'incompréhension entre les communautés peuplant des quartiers de D.C. pourtant tout aussi défavorisés les uns que les autres. Impossible pour le lecteur de ne pas se prendre à rêver d'une fresque extraordinaire, d'un grand roman qui hélas ne viendra jamais vraiment. Comme souvent depuis que Pelecanos est devenu une icône contestataire, l'intrigue et la littérature sont un peu étouffée par l'engagement politique, ce qui n'était assurément pas le cas des premiers livres de l'auteur (notamment le somptueux D.C. Quartet, dans la seconde moitié des années quatre-vint-dix). Non qu'il n'y ait pas un soin tout particulier apporté à la construction - au contraire. Mais en catapultant subitement son récit dix ans plus tard, Pelecanos perd sans s'en apercevoir beaucoup de ce qui faisait le charme du roman. Autrement dit : le plaisir de le voir explorer une facette des Etats-Unis des années cinquante que l'on a vu rarement explorée ailleurs, s'accommodant parfaitement de la recherche documentaire et s'autorisant la démonstration sans sombrer dans le didactisme.

Dès lors à partir du moment où l'intrigue (si tant est que l'on puisse appeler ainsi les trois bouts de ficelles qui servent à Pelecanos d'arc narratif...) rejoint la fin des sixties, l'impression de déjà-vu pointe le bout de son nez et certaines lourdeurs dans la narration viennent (pour le moins) gâcher la lecture. C'est que Pelecanos, s'il est un auteur talentueux avec des choses à dire et une plume efficace... n'a pas la subtilité comme principale qualité. C'est chaussé de gros sabots qu'il percute de plein fouet la lutte pour les droits civiques, et si le propos transpire l'intelligence et la noblesse le plaisir de lecture, lui, s'en ressent un peu plus au fil des chapitres...


Hard Revoluion, de George Pelecanos (2004)



(*) Rappelons que ce discours légendaire aura lieu le 28 août 1963. ...

5 commentaires:

  1. Un auteur que je guette depuis quelques années. Je ne sais jamais trop quoi lire de lui, ni si c'est bien, si cela mérite que je m'y attarde. DC Quartet, alors ?

    BBB.

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  2. Tu touches pas à Pelecanos, c'est compris ?
    La prochaine fois, on te pirate ton blog !

    Bon, ceci dit, c'est vrai que depuis quelques années, j'ai tendance à être un peu déçu. Après "Hard revolution", il y a eu "Les jardins de la mort", puis "Un jour en mai" que je viens d'acheter mais n'ai pas encore lu…

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  3. Pelecanos, il a bossé sur The Wire, non ?

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  4. BBB,

    J'ai une préférence pour la trilogie avec Derek Strange (Blanc comme neige, Tout se paye, Soul circus).
    L'aspect social (ou politique, comme dit Thomas) y est aussi important que l'intrigue policière, les personnages ont une vraie épaisseur, la musique y tient un rôle important…
    Mais les Karras & Clay (Doux comme l'éternité et Funky guns) sont très forts aussi.

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  5. Mouais... la série Derek Strange m'a quand même laissé sur ma faim, ce n'est vraiment pas ce que je recommanderais en premier lieu. Mais pourquoi pas...

    Oui Laiezza, il a été directeur artistique de The Wire et a même écrit quelques épisodes des trois dernières saisons.

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