lundi 29 juin 2009

Ceci n'est pas un album de Wilco

...
Le nouveau Wilco a quelque chose d'à la fois triste et hilarant qui pourrait en gros être expliqué par son titre : Wilco (The Album), introduit par une (au demeurant excellente) "Wilco (The Song)" et illustré par une pochette qui fait froid dans le dos (ainsi donc, semble le clamer le visuel, Wilco aurait en fait l'élégance d'un chameau d'anniversaire ? Notez que le constat est lucide). Triste (disions-nous), car cette suraffirmation identitaire est évidemment l'apanage des groupes au fond du trou, de même que l'ultra-nationalisme et le protectionnisme sont plus souvent signes d'une société qui va mal que l'inverse. Et dans le genre fond du trou, le fade Sky Blue Sky (culminant à une tièdasse 56e place au CDB 2007) se posait là. Même pas la politesse de nous faire un disque nul qui se serait démarqué en finissant dernier dudit CDB, et qu'une poignée de snobs aurait immédiatement élevé au rang de chef-d'oeuvre incompris. Non : Jeff Tweedy s'était contenté de signer un album si insipide que deux ans plus tard c'est à peine si l'on se souvient l'avoir un jour écouté.

Oui bon, ok, c'est triste... mais en quoi c'est hilarant ? me demanderez-vous. J'y viens : c'est hilarant parce qu'on ne peut s'empêcher d'apprécier l'ironie du songwriter mégalomane, dans la mesure où intituler Wilco (The Album) un disque si peu wilcoréen a quelque chose de franchement provocateur. Et aussi, c'est vrai, d'un peu hors-sujet. Car précisément, Wilco devrait avoir été dissout depuis des années et cet album publié sous un nouveau nom. C'est à ce seul prix que Tweedy aurait pu, peut-être, voir sa nouvelle oeuvre être appréciée à sa juste valeur. En coupant court, et en ne s'encombrant pas du poids d'une décennie et demi d'activité et de trois chefs-d'oeuvre insurpassables (Being There, Summeteeth et Yankee Hotel Foxtrot). Faute de quoi le voici condamné à se faire cracher dessus par ses anciens fans (à croire qu'il aime ça), voire à être considérer comme le super-mytho de l'année ; pensez donc que le monsieur nous annonçait en début d'année un nouvel album radicalement différent de Sky Blue Sky, qu'il n'hésitait pas à qualifier d'expérimental. Voir.

Il est vrai que l'indie fonctionnant à l'envers de tous les autres clubs, on peut éventuellement considérer que publier un album de pop 70's ultra-classique est une expérimentation confinant à l'insolence. Il n'empêche que Wilco (The Album) évoque souvent Sky Blue Sky, et donc les Wings, ce dès le premier titre ("Wilco (The Song)") et quasiment jusqu'au bout. En dépit de la légitime aigreur que cela fera jaillir chez le fan sommeillant en nous, soyons honnêtes : ce n'est pas désagréable, c'est même souvent plutôt chouette. Déjà parce que le talent de Paul McCartney en solo n'est pas assez souvent mis en valeur (dommage que Tweedy ne pousse pas le vice jusqu'à citer Band on the Run dans ses interviews) ; ensuite parce que, tout simplement, cette ouverture plus ou moins éponyme est somptueuse.

Manque de chance, le soufflé retombe un peu par la suite, et Tweedy aussi, en l'occurence dans ses vieux travers de l'époque Sky Blue Sky (travers consistant à signer une pop un peu fadasse quand tout le monde attend de lui une folk hors-catégorie). La seconde moitié du disque est nettement plus convaincante, renfermant de très belles chose ("You & I", "You Never Know") et d'autres un peu moins (disons qu'on arrive pas trop à décider si "I'll Fight" est rétro ou ringarde), mais quelque part, au-delà de la qualité intrinsèque de chaque morceau, rien n'y fait : Wilco (The Album) a un goût d'inachevé, qu'importe qu'il soit nettement plus réussi que Sky Blue Sky et qu'importe même que publié par un inconnu il eut sans doute été une belle surprise. Quand on a sorti Summerteeth et quand on a écrit des choses aussi sublimes qu' "I'm Trying to Break Your Heart", on n'a pas le droit de se satisfaire d'un album dont seule la moitié est (très) réussie, et dont la tonalité générale est celle d'un artiste à deux doigts de la retraite.. C'est peut-être injuste ; c'est malheureusement comme ça. A à peine plus de quarante ans, Jeff Tweedy vient de publier l'album de dinosaure qu'on aurait éventuellement attendu (et accepté) de lui dans dix ans. On ne lui jettera pas la pierre - on n'éprouve pour lui que de la sympathie. C'est bien pourquoi on s'inquiète.


👍 Wilco (The Album) 
Wilco (le groupe) | Nonesuch Records (oui... NONESUCH), 2009

16 commentaires:

  1. Album qui, à moi, plaît beaucoup.
    Mais vu mon âge...

    BBB.

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  2. Je tiens à dire que sky blue sky n'est absolument pas fade. A vrai dire je ne comprends pas comment on peut aprécier les albums les plus expérimentaux de wilco (yankee hotel foxtrot et a ghost is born) et trouver sky blue sky fadasse. Moins expérimental que ces prédecesseur cet album n'en est pas moins assez subtile. Je suis sur que tu ne l'a pas bien écouté car il est vrai que l'interet de l'album se cache derrière une pop mieleuse et enuyeuse a souhait mais passé les premières écoutes on découvre toute la subtilité et même une certaine énergie dans les morceaux.
    Pour t'en convaincre:
    http://www.youtube.com/watch?v=97IT0-EDTtw

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  3. BBB. >>> allons mon vieux, votre âge est le secret le mieux gardé de ce blog ;-)

    Caïus >>> si tu veux me convaincre commence par ne pas employer des termes comme "pop mielleuse et ennuyeuse" :-D

    Je ne nie pas qu'il y ait quelques bons moments sur Sky, Blue Skye, il y en a même un ou deux qui ont hanté mon lecteur MP3 pendant un moment ("Walken", notamment). Mais on est quand même assez loin de Summerteeth (et rassure-toi, je n'aime pas particulièrement A Ghost Is Born...). Après "fadasse" est peut-être fort. Il y a de la personnalité, et parfois du talent. Mais la production est trop lisse pour moi et dans l'ensemble je baille quand même à la moitié quand je l'écoute (ce que j'ai fait pas plus tard que la semaine dernière)(note que déjà, je ne l'ai pas vendu... ;-)

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  4. Si Yankee Hotel Foxtrot est un chef d'oeuvre, je n'ai meme pas envie d'écouter celui ci! j'y avais trouvé des titres vraiment géniaux, mais aussi pas mal de trucs chiants... (http://blinkinglights.musicblog.fr/675501/A-river-ain-t-too-much-to-lose-Yankee-Hotel-Foxtrot-Sno-Angel-like-you-Fun-House/)

    Wilco m'a tout l'air d'un "groupe à best of"...

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  5. c'est marrant je continue de me faire avoir par tes chronique,s le texte est franchement dissuasif te pourtant la note correspond à un disque très écoutable.

    tu me donnes envie de faire le tour de quelques albums sans titre qui ne soient pas le premier (ça c'est banal) pour voir ce qu'ils valent. Dans le cas de keren ann, son 5e et meilleur est justement celui sans titre.

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  6. Disons qu'à l'époque où j'utilisais un barème numérique, je pouvais m'autoriser certaines nuances qui ont évidemment disparu avec les diodes. J'aurais revé d'avoir des diodes plus ou moins remplies, mais bon, je crois que c'était trop compliqué pour le pauvre Mr Kiki (qui a dessiné lesdites diodes).

    En l'occurrence il y a beaucoup de choses à redire sur cet album, mais impossible de ne pas trouver certaines chansons excellentes. D'où cette note, 4, qui est finalement celle que j'ai le plus de mal à mettre la plupart du temps.

    Bref... aujourd'hui la note est un genre de truc facultatif, une espèce de raccourci purement indicatif et presqu'objectif, ce que les articles sont beaucoup moins...

    Dans les "sans-titre" n'étant pas le premier... ah la colle. Je cherche, je cherche. Portishead 97 bien sûr ! Et blur de la même année. Deux albums qui comptent d'ailleurs parmi mes favoris de l'un comme de l'autre...

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  7. Blink 182, de Blink 182.
    The Cure de The Cure.
    Led Zep IV, sauf qu'en fait il a aucun titre du tout.

    Et, euh, au hasard, le Double Blanc des Beatles.

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  8. Et, par extension, le "black" de Metallica.

    BBB.

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  9. euh bah y'a aussi Killing Joke (qui est le nom du 1er mais aussi celui de 2003)

    voilà ma contribution de chieur ;-)

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  10. "Y a un Rancid aussi, non?"

    Deux, même.

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  11. Dahu Clipperton29 juin 2009 à 21:52

    Et le "Green" de Weezer ;-)

    Wilco, bah, ça commence à sentir la verveine... Vu que tu hésites : "I'll fight", non, pas bien. Il y a des chansons qui passent vraiment sans laisser d'empreintes sur cet album. Depuis "Sky blue sky", j'entends plus des références, des réminiscences d'autres groupes, d'autres chansons, que vraiment le talent de Wilco à l'oeuvre... C'est agréable, mais pas marquant pour deux sous (mais "Impossible Germany" sur le précédent, tout de même !), c'est devenu un "jukebox-band", on dirait... :-D

    Et à l'écoute de "You never know" (surtout autour du refrain), j'entends des restes de "I saw the light" de Todd Rundgren, de "My sweet lord" d'Harrison (bon, OK, je ne sais plus à qui il l'a piquée à la base^^)(et je ne parle même pas des slides)...

    (étrange, aussi, comme les couplets de "Country disappeared" m'évoquent "Honeymoon" de... Phoenix...)
    (c'était la minute : Dahu a les tympans en surchauffe)

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  12. Wilcoréen, c'est joli, ça...

    Procuré il y a quelques semaines, mais pas encore écouté...

    SysT

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  13. Dahu >>> je ne sais pas euh... je n'ai jamais vraiment écouté Phoenix, enfin une ou deux fois comme ça l'occasion, mais ça m'a pas suffisamment marqué pour que je puisse ainsi me rappeler d'un de leurs titres...

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  14. Arf... Les seuls trucs un tant soit peu intéressants qu'a pondu Phoenix sont sur le premier album, 2, 3 chansons dans un style pop et soft très 70's (genre, les morceaux utilisés par Sofia Coppola dans "Virgin suicides"... dont le chanteur de Phoenix interprète le fameux thème "Playground love") (et merde, je suis en train de faire chuter mon taux de snobisme) (oui oui il y a des chansons que j'adoooore dans la pop archi-léchée de l'époque) et donc "Honeymoon" est dans cette veine, avec le "Je suis venu te dire" de Gainsbourg dans les parages (et sinon, je crois que Jeff Tweedy et ses comparses laissent de plus en plus transparaître leur attirance pour le "soft rock") (hop, des demi-bouts de citations de Steely Dan, de-ci, de-là) (et j'adore Steely Dan, mais j'en ai déjà parlé chez KMS) (dans les sévantizes, hein) (Steely Dan, pas KMS) et donc Phoenix a aussi pondu un bel instrumental, "Embuscade", à la croisée des BO blaxploitation les plus "allez baby, laisse-toi aller sur le sofa", Morricone et Rundgren, et pis "If I ever feel better", bah... non, je ne laisserai pas parler la midinette qui gît en moi, mais... Bref, c'était avant qu'ils ne passent sur RFM, toussa. Et pis bon, c'est Phoenix, hein. Tout ça pour dire qu'on s'en fout pas mal, mais que leur premier album n'est pas ce que j'appellerais un disque de merde.

    Vala, c'est la fin de mon cours "Comment se faire bloquer son adresse IP sur le Golb en une leçon" :-D

    :smiley je rêve de voir le visage de Thom se décomposer en lisant ce commentaire:

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