dimanche 24 mai 2009

Desperate Housewives - Un peu moins que la semaine dernière, un peu plus que la semaine prochaine...


Les saisons passent et se ressemblent à Wisteria Lane.

On y revient avec plaisir, on retrouve ses habitants comme on renoue avec de vieux potes.

Cette année plus qu'aucune autre on se dit qu'ils n'ont pas changé, qu'ils font partie de ces amis quasi immuables qui seront toujours là pour nous - toujours là tout court, des caractères si bien trempés que la fidélité à eux-mêmes semble être devenue leur plus grand cheval de bataille.

C'est que le temps ne semble pas avoir de prise sur la population de Fairview, et ce depuis toujours. C'est dire si l'on attendait pas grand-chose du coup de poker de Marc Cherry, catapultant en final de saison 4 son joli petit monde (c'est le cas de le dire) cinq ans en avant. D'aucuns ont peut-être crus, les naïfs, qu'il s'agissait de l'annonce d'un renouveau au sein d'une série aussi classe que routinière. Que nenni : quand on bat tous les records d'audience en recyclant sans cesse les mêmes gimmicks et les mêmes situations, on n'a aucune bonne raison de prendre des risques. Et Marc Cherry, depuis qu'il a renoncé au côté satire sociale des tous débuts pour faire de sa série un énorme cartoon coloré, n'est vraiment pas du genre à prendre des risques inconsidérés.

Aussi on évacuera d'emblée les quelques doutes restants : ce bond dans le temps ne sert à rien, sinon à faire sourire en déguisant Eva Longoria en plouc, artifice à peine crédible tant même en mégère flanquée de deux mioches insupportables elle demeure sublime. A peine crédible aussi car on comprend mal comment le fait d'être devenue pauvre justifierait de la changer en semi-clocharde... qu'un pauvre ne puisse pas s'acheter des vêtements coûteux est une chose. Que devenir pauvre vous fasse subitement avoir un goût de chiottes en est une autre. Il est vrai que dans les soap, que Desperate parodie souvent avec bonheur, les pauvres sont toujours représentés comme des pouilleux. Mais comme de plus en plus souvent ces dernières années,on arrive cependant pas à savoir si Marc Cherry manie la critique subtile ou la complaisance réactionnaire, celle-là même l'amenant à reproduire éternellement le même schéma de l'étranger à Wisteria Lane qui débarque et y fout la merde (on admettra que pour une série autrefois transgressive, finir au bout de cinq ans armée d'une morale comme N'ouvrez jamais votre porte à un inconnu a quelque chose d'étonnant).

Peu importe, du reste. De toute façon tout ceci, la soi-disant métamorphose de Gaby, le bond dans le temps, n'est qu'artifice et décorum, astuces scénaristiques d'autant plus réchauffées qu'elle ne débouchent sur rien de concret : cinq ans plus tard comme dix ans après, nos amis de Wisteria Lane sont rigoureusement les mêmes, la vie des Scavo n'a pas changé d'un poil (à part que les enfants ont grandis), Susan est toujours aussi horripilante (et elle a rompu avec Mike, ce qui est fichtrement pratique, n'est-ce pas ?), Eddie est toujours un aimant à merde, Catherine a repris sa juste place - celle d'un second rôle. Seule Bree a un peu évolué, ou disons qu'elle a progressé socialement, provoquant les meilleurs moments de cette saison 5 comme elle provoquait les meilleurs moments de toutes les saisons précédentes. Bree est toujours aussi géniale - elle mériterait un spin-off rien qu'à elle (pas de bol, c'est apparemment Mrs McLusky qui aura cet honneur).

Le ton un peu circonspect de cet article devrait épargner les explications, mais au cas où disons-le clairement : cette année, c'est par un réflexe purement pavlovien qu'on revient chaque semaine à Desperate Housewives, en se demandant parfois, intrigué, pourquoi on le fait. Chaque semaine, on est un peu moins content de regarder que la semaine d'avant - mais un peu plus que celle d'après. Et les rebondissements de plus en plus prévisibles ne parviennent pas vraiment à enrayer la lassitude qui progressivement déborde le spectateur. Oh bien sûr, ce n'est jamais vraiment mauvais. C'est parfaitement huilé, globalement efficace passés des débuts un peu mous du genoux (les trois, quatre premiers épisodes), parfois à pleurer de rire (la scène de dispute entre Lynette et Tom, en milieu de saison, est une de meilleures de toute l'histoire de la série), un peu inégal d'un épisode à l'autre mais c'est le concept qui veut ça. Le problème de cette saison est qu'elle cristallise tous les défauts de la série, des défauts qui ont toujours été là mais qu'on voyait moins autrefois, lorsque le charme de la nouveauté faisait encore effet : sa morale parfois étrange (c'est le moins qu'on puisse dire), comme le paradoxe sur lequel elle a été conçue - son intrigue fil rouge est aussi plate et prévisible que les situations parallèles sont brillamment inventives. Plus que jamais on se désintéresse totalement de la trame générale (la vengeance de Dave, dont on devine qu'il est le méchant à la seconde où il apparait et dont le grand secret est éventé à peu près trois minutes plus tard), mais ce serait mentir de dire que les quasi sketches la ponctuant ne sont pas réussis et ne font pas mouche. On est de toute façon tellement attaché à tous ces personnages, du premier au plus petit second rôle (Mrs McLusky, tout de même...), qu'on ne pourrait probablement pas ne pas ressentir de plaisir à chaque occasion de les retrouver. C'est juste que... même avec cet attachement, on ne peut que noter la baisse progressive d'une série qui, autrefois de première main, a de plus en plus des airs de plaisir coupable. Ce qui ne manque pas d'étonner : alors que le concept de - par exemple - House M.D. tend, par principe, vers le répétitif, celui de Desperate pour sa part est suffisamment large et riche pour ne pas donner l'impression que c'est tout le temps pareil ! Marc Cherry aurait-il à ce point peur du changement ?

C'est une possibilité. Et quoiqu'il en soit, après une saison 5 des plus moyennes, sa volonté de poursuivre la série jusqu'à Mathusalem inquiète plus qu'elle n'enchante...


Desperate Housewives (saison 5)
créée par Marc Cherry
ABC, 2008-09

9 commentaires:

  1. et j'ajoute que cette saison sent encore plus le bouche-trou scénaristique que les autres. Par exemple, l'épisode centré sur la mort de l'homme à tout faire, bon. Gentil, mais bon. Symptahique, mais bon. Hein ?
    Maintenant, je râle, mais je serai devant cette série jeudi prochain. Peut-être même en me frottant les mains à l'avance. J'habite rue des contradictions. :-)

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  2. Réflexe de Pavlov oblige :)

    C'est vrai que la diffusion française n'est pas finie. Je ne trahirai donc aucun suspens, même pas pour dire que le niveau ne grimpe pas spécialement après :-)

    (très juste ce que tu dis des épisodes de remplissages... et c'est pas fini...)

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  3. Desperate Housewives décline effectivement à vue d'oeil. La première saison était vraiment extra, la deuxième moyenne... depuis la trois c'est vraiment mauvais, avec de temps en temps un épisode génial mais c'est de plus en plus rare. Et le final de la saison 5 atteint des sommets de bêtise.

    3/6 c'est carrément généreux.

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  4. Moi, en fait, c'est par la saison 4 que j'ai commencé la série (et ensuite j'ai vu les autres). Du coup je n'ai pas réellement senti ce déclin. Jusqu'à aujourd'hui. Mais bon, la série peut rebondir elle a tellement de ressources et son univers représente un tel réservoir d'idées en puissance...

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  5. Je n'y croirai pas trop à ta place. On a vu cette saison ce que les scénaristes faisaient de leur réservoir à idées. On a vu ce que ça donnait avec le final...

    D'ailleurs c'est pas pour t'inquiéter mais le synopsis du premier épisode de la saison 6 est déjà dispo Par ici (attention spoiler )

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  6. Veut pas dire grand-chose ton synopsis.

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  7. Je serais plutôt d'accord avec Serious Moon . J'ai peu d'espoir en ce qui concerne cette série, elle marche trop bien pour que ses auteurs envisagent de changer leur recette (de moins en moins) magique. La réflexion sur le "réservoir à idée", je dois l'admettre, m'a même fait éclater de rire ;-)

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  8. Vous avez raison sur un point : Desperate Housewives a toujours été ainsi. La question qui se pose, du moins en ce qui me concerne, serait de savoir pourquoi tout le monde s'en aperçoit aujourd'hui, alors que la série était déjà réactionnaire il y a cinq ans.
    Mon hypothèse est que jusqu'alors, il y avait toujours des personnages pour désamorcer cet aspect. C'est l'époque, par exemple, où il y avait des gays dans la série, qui servaient à quelque chose. Où les jeunes étaient révoltés contre leurs parents. Il y avait un côté chorale, chaque sensibilité (plutôt progressiste, ou plutôt réactionnaire) pouvait s'y retrouver.
    Mais désormais, les personnages subversifs (si je peux dire) sont soient morts, soient relégués au second plan, soient castrés. Je pense bien sûr à Orson, Andrew, le Carlos première époque, la fille de Bree (j'ai oublié son nom ? Danièle ?). Seul le retour de Karl au premier plan va dans ce sens, mais le reste relève presque de la triche : le bond en arrière a, surtout, permis de faire un retour en arrière, en se débarrassant des ados trop turbulents pour ramener les héroïnes avec des enfants en bas-âge, donc des problématiques plus proches de l'image d'épinal de la famille traditionnelle. Du moins est-ce ainsi que je le vois.

    Cordialement.

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  9. Intéressante expertise... euh..., voilà :-)

    Désolé, je ne vois pas quoi ajouter !

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