vendredi 29 mai 2009

Sébastien Schuller - Consécration

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Suffisait-il de demander ? Alors qu’au terme de ma chronique du (très bon) dernier album de Patrick Watson je notais que « la grande et rutilante orfèvrerie pop » s’était pour l’heure faite plutôt discrète en 2009, le facteur, à ce moment précis, sonnait à la porte pour me livrer sur un plateau (en forme de colis) l’un des disques les plus attendus de l’année (par moi, en tout cas) : le second Sébastien Schuller. Celui-là même qui nous avait autrefois enchanté avec une merveille d’electro-pop fort justement nommée Happiness, avant de presque totalement disparaître de la circulation durant quatre longues années. « Presque »… car il a tout de même, entre temps, signée la superbe B.O. du film Notre univers impitoyable, c’est peut-être un détail pour vous – à la lumière de son nouvel opus cela veut pourtant dire beaucoup.


Sountrack d’un film qui n’existe pas mais qu’on imagine très bien, cet album, comme son prédécesseur, porte un titre simple qui dit déjà tout : Evenfall. Le long-métrage s’ouvre sur une mâtinée d’automne nécessairement mélancolique ("Morning Mist"). La voix un peu endormie laisse le piano installer l’atmosphère, c’est tendre, cotonneux, un peu triste – très contemplatif surtout. Plus proche de The Divine Comedy que de Sébastien Schuller, à vrai dire. Et très représentatif d’un film… pardon : d’un album ! à l’esthétique particulièrement léchée, s’éloignant à chaque titre un peu plus des sentiers électroniquement battus pour imposer son auteur comme un artiste pop à part entière – et un grand qui plus est… ce dont pour être honnête on ne doutait pas vraiment. Ce qui n’empêche pas d’être étonné par des qualités pop (mélodies imparables, refrain entêtants, concision) très supérieures à ce que Schuller avait montré jusqu’à présent, lequel rivalise désormais sans rougir avec les maîtres du genre. Neil Hannon baissera sans doute les yeux à l’écoute d’"Open Organ" ; Thom Yorke a beau être Dieu, Evenfall le convaincra de gré ou de force d’autoriser l’adoration des idoles. Un Thom Yorke dont le fantôme se dessine en filigrane – Thom Yorke en personne et non pas tant Radiohead : c’est bien sur l’étonnant (et mésestimé) The Eraser qu’eut été digne de figurer "Last Time", bien plus que sur un quelconque album du quintet d’Oxford.

L’argument peut sembler un peu facile, mais les esthètes savent à quel point on n’use pas du nom de Thom Yorke à tort et à travers. Le simple fait de l’écrire peut être lourd de conséquences, surtout si on l’accole à celui de Mark Hollis, auquel cas de deux choses l’une : soit l’on envoie l’artiste au casse-pipe en le condamnant à décevoir chaque auditeur l’un après l’autre… soit l’on espère l’auréoler de références méritées, et c’est bien entendu le cas ici.

Car ce n’est pas le tout de faire penser à Yorke ou Hollis ; des tas d’albums sortent chaque semaine qui en reproduisent sans vergogne les gimmicks pour un résultat proto-snob ne faisant se pâmer que quelques neurasthéniques de passage. Encore faut-il être à la hauteur des maîtres, savoir suggérer tout en s’affranchissant – c’est de toute évidence sur ce point que Schuller s’avère réellement remarquable. Loin de se présenter comme un ersatz ou pire : comme une version made in France qu’on accueillerait avec une condescendance polie pour cette unique raison, l’artiste se hisse régulièrement vers les sommets, signant une succession de ballades planantes et irrésistibles ("Balançoire", "The Border") et s’affirmant en plus simultanément comme une voix de premier ordre et un producteur de haute tenue (soit donc les deux éléments manquant le plus souvent – et le plus cruellement – aux parutions françaises). Y-a-til une seule chose que ce type-là ne sache pas faire ? Réponse prochaine sur les routes de France, qu’il écume en ce moment même.


👍👍 Evenfall 
Sébastien Schuller | Label GUM/Green United Music, 2009

6 commentaires:

  1. Mouais. Pas très excitant, le morceau.

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  2. Moi je le trouve joli. Bon, ce n'est pas forcément le plus représentatif de l'album, mais c'est le seul dont j'ai pu trouver un extrait.

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  3. Moi, je ne connaissais pas, je me le suis procuré, comme ça, pour voir...très belle découverte, atmosphérique à souhaits, et la comparaison avec Hollis est loin d'être déplacée.

    BBB.

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  4. Ca ne pouvait que vous plaire, vous qui aimez tant Hollis.

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  5. C'est vrai qu'il y a une filiation, mais je songe plus à Hollis en solo, plutôt qu'à Talk Talk.

    BBB.

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  6. En fait j'avais également fait ce constat dans l'article original (sur Culturofil), mais c'était dans une note de bas de page que je n'ai pas pensé à recopier.

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