lundi 11 mai 2009

Riding On His Grace

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°90]  
To Bring You My Love, de PJ Harvey (1995)

Ca commence au milieu d'un désert amoureux, dans une aridité blues presque primitive et ça s'achève quelque part aux cieux - dans un élan de grâce absolue.

Je me souviens de la première fois que j'ai entendu cet album, quelques semaines après sa sortie. Il m'avait bouleversé. Comme tout le monde. Après deux albums, PJ Harvey avait réussi à réitérer l'exploit de Dry... non pas cet exploit consistant à publier un chef-d'oeuvre - ça on savait tous depuis un bail qu'elle en serait toujours capable. Je parle de cet exploit consistant à provoquer un choc esthétique proche du séisme chez l'auditeur. Réussir à marquer deux fois (à l'époque - elle marquera encore durant les années suivantes et continuera probablement longtemps à le faire) dans de telles proportions... peu d'artistes en ont été capables dans les années quatre-vingt-dix. Radiohead bien sûr, Pavement évidemment. Et puis Nick Cave, quoique dans une moindre mesure (c'était étalé sur trois décennies, chacune étant marquée à sa manière par un album emblématique du Caveman). Les autres ? Les autres sont infiniment loin derrière, à la (ra)masse. Aucun d'entre eux n'est parvenu à publier deux opus aussi marquants et aussi influents que l'ont été Dry et To Bring You Love (enregistrés qui plus est non pas sur l'ensemble d'une carrière... mais seulement à trois ans d'intervalle !).

Parce que l'histoire (et la suite de la discographie) ont tendance à l'avoir fait oublier, mais au moment de sa sortie To Bring You My Love était tout sauf un album attendu. S'il est acquis depuis que Polly peut sauter d'un genre à l'autre avec une aisance n'ayant d'égale que sa créativité, en 1995 c'était loin d'être une évidence - au contraire ses deux premiers opus présentaient-ils suffisamment de similitudes pour qu'on suppose qu'elle s'enfermait progressivement dans un style Nick Cave est une femme qui somme toute lui allait merveilleusement bien. Vraiment : à la limite, elle était suffisamment épatante dans le genre pour qu'on l'aime même si elle s'en était contentée. C'est dire si To Bring You My Love, première de ses collaborations avec John Parish, était un album ambitieux à plus d'un titre.

D'une richesse stylistique et harmonique infiniment supérieure à celles des deux précédents, il ressemble même avec le recul à un genre de carte de visite de tout ce qu'elle fera (le plus souvent avec génie) durant les douze prochaines années : rock heavy et rageur sur les deux premiers titres ou "Long Snake Moan", bricolages soniques ("Working for the Man"), pop hypnotique ("Teclo")... sans oublier deux ballades folk aériennes (et sublimes) : "C'Mon Billy" et "Send His Love to Me". La quintessence de son oeuvre y est ; ce n'est plus un album, c'est un manifeste d'indépendance artistique, un véritable best of par anticipation dans lequel la jeune femme (vingt-six ans seulement) décroche un à un tous ses galons d'artiste de premier ordre - au-delà des chapelles et des étiquettes. Beaucoup en sont tombés éperdument amoureux à ce moment-là. Tous ont totalement changé de regard par la suite. Et pas uniquement parce que la gamine mal peignée et gueularde s'est mise subitement à se maquiller et à soigner son look... même si le moins qu'on puisse dire est que le symbole était fort parlant. A vrai dire c'eut été une simple métaphore, sans doute aurait-on accusé l'auteur de sombrer dans la facilité.

PJ Harvey, elle, a choisi tout simplement de joindre le geste à la parole.



Trois autres disques pour découvrir PJ Harvey :

Dry (1992)
Dancehall at Louse Point (1996)
White Chalk (2007)
...

30 commentaires:

  1. Très bel article. Meme si je suis un des rares à ne pas avoir To Bring You My Love dans mes favoris de la belle. Trop de déséquilibre entre une moitié de titres incroyablement bons, et une autre moitié qui ne m'a pas marqué. Sans doute l'ai je découvert trop tard... et ne suis je pas un vrai fan de PJ, mes albums favoris étant dans l'ordre Stories from the sea et White chalk...

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  2. Il y a les vrais et les faux ? Ah bon ? :-)

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  3. Je te rassure, la jupette et les bottes de PJ aux Eurocks restent à jamais marqué dans ma mémoire (euh, le concert aussi, bien sur...). C'est juste que mon album préféré est celui qui est présenté comme le moins représentatif de PJ Harvey. d'ailleurs tu ne le mets meme pas dans la liste des autres disques pour découvrir PJH...

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  4. Je suis d'accord avec à peu près tout... sauf ce truc qui m'a fait vraiment bondir :
    "Réussir à marquer 2 fois... dans de telles proportions... les autres sont infiniment loin derrière à la ramasse"

    Je sais bien que tu n'aimes pas trop Mezzanine, mais franchement, Blue Lines et Mezzanine ont fait encore plus fort. Avec Blue Lines, Masive Attack crée un genre musical et un son qui va marquer les années 90, avec Mezzanine, ils révolutionnent le trip-hop et vont fasciner des gens de tous les horizons...

    Il y a aussi Aphex Twin... qui passe de l'ambient - où il était déjà considéré comme un génie - à ce style d'électro très déstructuré qui le caractérise maintenant...

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  5. c'est marrant mais je trouve cette vidéo pathétique et même plutôt vulgaire...

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  6. G.T. >>> faute de place je n'ai pas pu citer tout le monde, c'est vraiment pas de bol :-)

    Yosemite >>> un peu de respect morbleu ! ma femme a le même pyjama ! ;-)

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  7. Massive Attack est révolutionnaire. Et je mets Mezzanine pas dessus tellement de choses.

    Mais PJ, en 95... rhaaaa... Ce concert au Batclan avec Tricky (escusez du pneu- en première partie !

    Cet album est un de mes albums les plus écoutés de tous les temps, et je crois l'avoir déjà cité deux fois en à peine 10 blind tests chez Ama-L, comme quoi.

    Quand au clup vidéo, pour en revenir au Bataclan mai 95, elle était dans la même robe rouge que la pochette de l'album et elle était à la guitare les jambes écartées bien vissées dans la scène pour ce Long snake qui était l'intro du concert (j'ai gardé la playlist que je suis allé décrocher des retours).

    Faut avouer que ce pyjama... :o/

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  8. "Je me souviens de la première fois que j'ai entendu cet album, quelques semaines après sa sortie. Il m'avait bouleversé"

    15 ans plus tard le "avant" aurait remplacé le "après"

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  9. sinon avancer que Pavement a été un groupe majeur des 90's c'est assez inhabituel

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  10. Album superbe, en effet, qui pourtant n'est pas mon préféré. Je crois que j'ai fini par m'en lasser un peu, ce qui ne m'est jamais arrivé avec "Is This Desire". C'est d'ailleurs sur cet album là, et nul autre, que PJ Harvey s'affranchit réellement de toutes ses influences.

    BBB.

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  11. Il y a des artistes dont on est fan... PJ Harvey, c'est pas pareil, on en est fou amoureux et puis c'est tout.

    Comme Xavier, je l'ai découverte avec Stories... ce qui fait que j'aime cet album plus que de raison, mais c'est effectivement To Bring you my love mon préféré... La chanson-titre suffirait à le justifier à elle seule.

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  12. The Dancer qui termine le disque est une merveille.
    Tout ce qu'elle a fait ensuite est moins (voire nettement moins) bien.

    (il a raison dragibus sur l'inversion du planning)
    (Pour Pavement c'est peut être inhabituel mais c'est juste)

    @GT : il y a encore des gens qui écoutent Massive Attack?

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  13. C'est vrai qu'il a raison sur l'inversion...

    ... c'est encore plus vrai qu'il a tort sur Pavement (je t'attendais pour venir me soutenir ^^). D'ailleurs les deux premiers Pavement ont eu une influence bien plus considérable que beaucoup de disques qui se sont plus vendus...

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  14. Tout à fait d'accord avec Guic, sauf sur sa dernière phrase. Pour moi, To Bring You My Love contient quelques unes des meilleures chansons de PJ Harvey (ce titre, ainsi que C'mon Billy...), mais cela ne suffit pas à en faire mon album favori. Disons que j'en mettrai une moitié surmon best of perso (ce qui est déjà pas mal, soit...)

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  15. Tout dépend combien de titre contient ton best of :)

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  16. je n'ai pas encore réussi à en faire un, notamment parce que pour l'instant il contient tout les titres du Stories from the Sea... a vu de nez il ferait 3 x 80 mn...

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  17. Tous les titres de Stories ? Ah ouais, t'es un grand malade, toi :-)

    (je blague - j'adore Stories aussi)

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  18. l'album qui donne l'envie de s'appeler Billy... ;-)

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  19. Ca tombe bien : c'est mon deuxième prénom ;-)

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  20. excusez mais je comprends mal la comparaison avec radiohead.
    sur la musique qu'lis font,
    sur le fait qu'on a une artiste solo et un groupe
    sur le fait qu'lis remplissent des stades et qu'elle reste indé (une indé à succès, comme nick cave justement)
    et elle a largement plus fait d'émules (et ouvert de portes aux jeunes femmes rock) que radiohead, dont on entend moins souvent l'influence chez les autres,

    et puis surtout, PJH est un cas rare surtout dans "l'histoire récente" :
    son premier album est un réel chef-d'oeuvre salué d'emblée comme tel, sans qu'elle s'effondre ensuite pour autant (le syndrome fionna apple).
    si je devais la comparer à un groupe ce serait Cure, par exemple :-)

    mais pour moi elle est incomparable ^^

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  21. et rassurez-vous, je ne suis pas en train de dire du mal de radiohead, ni de minimiser leur importance

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  22. Je ne vois pas ce que tu ne comprends pas... je parlais en terme d'impact esthétique, je ne comparais rien d'autre...

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  23. quand tu dis "impact esthétique", tu parles pas du pyjam' quand même ?

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  24. Bien sûr que si. "Impact esthétique", ça inclus le bon et le mauvais goût. Force est de reconnaître que PJ Harvey a une influence considérable sur la carrière des télétubbies !

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  25. Celle là, elle va rentrer dans les annales ! ;-)

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  26. J'étais assez fier, j'avoue ^^

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  27. euuuuh Thomas, pour être précis, j'aurais du écrire "presque" envie de s'appeler Billy ;-)...

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  28. Bah quoi ? Tu n'aimes pas ce prénom ?

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  29. ...moyen inférieur mais bon Thomas me convient parfaitement ;)

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