vendredi 17 avril 2009

Speed Trials (L1)

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Nouvelle rubrique "vite lue", comme vous l'aurez compris. Une manière de garder le fil, puisque désormais, faute de temps, je me contente de réserver les "longs articles" à des choses me paraissant prioritaires (c'est le bon côté des choses quand on a des années de longs articles derrière soi et qu'on n'a plus rien à prouver !).

Black Bazar, d'Alain Mabanckou (Seuil, 2009)

Très attendu était le retour de Mabanckou après le Prix Renaudot de Mémoires de Porc-épic... et très décevant s'avère ce Black Bazar pourtant haut en couleurs. C'est qu'il y a quelque chose de paradoxal dans ce roman : l'écriture de Mabanckou est unique, incroyable, peut-être l'un des plus grands stylistes d'aujourd'hui... l'histoire, celle d'un dandy congolais (lui-même ?) traversant Paris entre humour et lucidité, est tout à fait alléchante... alors comment expliquer cette permanente et pesante impression de déjà-lu ? Peut-être tout simplement ne suffit-il pas, dans un livre aussi riche ambitieux, d'avoir l'art et la manière... si c'est pour livrer au final des réflexions aussi convenues sur le racisme ou l'immigration. L'inventivité stylistique se retrouvant desservie par le manque d'inventivité narrative, Black Bazar s'avère du coup un roman bancal, attachant et souvent drôle, mais hélas un peu trop superficiel pour convaincre.

👍 Dimanches d'août, de Patrick Modiano (Folio, 1986)

Un Modiano mineur a beau valoir beaucoup de livres majeurs d'autres écrivains, Dimanche d'août n'est pas resté dans les annales de la littérature... à raison. Un livre énigmatique, tout en atmosphères, assez enivrant... mais aussi et surtout totalement incompréhensible la moitié du temps ! Or si cet aspect de l'œuvre modianesque séduit et passionne dans d'autres romans (Rue des boutiques obscures et Dora Bruder - ses chefs-d'œuvres - en tête), bizarrement, dans le cadre d'un polar... ça passe beaucoup moins. Reste une écriture sublime, un art consommé du faux-semblant... qui font de chaque livre de Modiano un Objet Littéraire Non Identifié - et donc digne de notre intérêt.

👍👍👍 Une Saison de machettes, de Jean Hatzfeld (Seuil "Fiction & Cie.", 2003)

Second volet de la "Trilogie Rwandaise" de Hatzfeld, déjà largement encensée par la presse (d'où sa présence dans cette rubrique), Une Saison de machettes est bien plus qu'un essai ou une collection de témoignages, et l'on aurait tort de ne le recevoir que comme un simple ouvrage à caractère documentaire : c'est d'une superbe œuvre de littérature qu'il s'agit. Portés par la plume grave et élégante d'un véritable écrivain (son très beau roman La Guerre au bord du fleuve est plus que recommandé), les récits des bourreaux rwandais prennent à la gorge et aux tripes, retournent le lecteur comme une crêpe et posent la seule véritable question qui vaille : où commence et où finit le Mal ? Passionnant, effrayant... et édifiant.


👍👍 Loin des humains, de Pascal Dessaint (Rivages/Noir, 2005)

Suite de Mourir n'est peut-être pas la pire des choses, Loin des humains en reprend le héros (le capitaine Félix Dutrey) et les préoccupations écolo-policières et confirme tout le bien que je pensais déjà de Pascal Dessaint : voici l"un des rares auteurs de roman noir à la française qui parvienne à ne jamais sonner faux ni décalé, interrogeant l'époque avec finesse et mettant en scène des personnages solides et crédibles. Le style est direct, l'atmosphère désolée, l'ensemble est bien plus noir que policier... bref : un très bon livre, lugubre juste ce qu'il faut.

👍👍 L'Eté, de René Frégni (Folio, 2002)

Passion dévorante et jalousie destructrice sous le soleil de Provence. Voici un livre admirablement écrit, chaud et poisseux comme une longue soirée d'été, à la poésie sensuelle et à la décadence discrète (un comble). Certes pas parfait (la faute à une durée vraiment trop courte - cent-quarante-quatre pages soit tout au plus une heure de lecture - laissant parfois trop peu d'espace à l'auteur pour étoffer ses caractères ou aller au bout de son sujet), mais tout à fait juste dans son analyse de la jalousie comme de l'aspect obsessionnel (et parfois... sanguinaire) de l'amour-passion. Chaudement recommandé, forcément.

👎 Un film d'amour, de Charles Dantzig (Grasset, 2003)


Le roman construit sous forme de portrait en creux est toujours une bonne idée, et c'est tout aussi souvent un exercice risqué et casse-gueule. Ceux qui en doutent peuvent jeter un oeil à ce livre de Charles Dantzig qui en donne, c'est quasiment sa seule qualité, une excellente illustration : démarrant comme le portrait kaléidoscopique d'un cinéaste imaginaire et mystérieux réalisé par le biais des témoignages de ses proches, Un film d'amour s'effrondre au fur et à mesure qu'il est censé se bâtir, pour finalement ne plus ressembler à grand-chose arrivé à la moitié. Car le kaléidoscope, c'est bien joli, mais il faut suivre très précisément la spirale, sans quoi ça part dans tous les sens. C'est exactement ce qui se passe ici, sans qu'on puisse vraiment savoir s'il faut le regretter tant le ton général du texte est maniéré et agaçant...


👍👍 Les orpailleurs, de Thierry Jonquet (Folio Policier, 1993)

Première enquête du commissaire Rovère et de la Juge Linz, qui donna naissance à la médiocre série avec l'excellent Jean-François Balmer (Boulevard du Palais), Les orpailleurs est sans doute le meilleur roman de Thierry Jonquet (du moins parmi ceux qu'on a lu). Construit comme un puzzle, rebondissant de fausses pistes en chausses-trapes, Les orpailleurs est épatant de maîtrise sans jamais que la complexité ne nuise à la fluidité du récit. On démarre avec une sordide histoire de serial-killer amputateur, on finit avec une réflexion troublante sur le temps et la mémoire... du grand art !

18 commentaires:

  1. Je n'ai même pas pu regarder la bande annonce d'un film sur le génocide rwandais (pas Hôtel Rwanda, un autre), alors même si j'admire les auteurs qui arrivent à évoquer des horreurs sans oublier qu'ils font de la littérature, je passe pour le Hatzfeld...

    Pour Modiano, c'est marrant, j'ai l'impression que je ne lis que des billets sur ses livres "mineurs". On se demande où sont les majeurs...

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  2. Bah... il y en a quelques uns quand même... Rue des boutiques obscur, Livret de Famille, Vestiaire de l'enfance, Dora Bruder... quant aux mineurs, beaucoup ne prennent de sens que dans le contexte global de l'oeuvre (comme je l'avais expliqué ailleurs... dans ma critique de Pedigree, je crois...)

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  3. Bonjour Thom,

    Je vous trouve généreux avec l'insipide Mabanckou, et un peu sévère avec l'excellent Frégni. Je n'ai pas lu les autres.

    BBB.

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  4. C'est vous qui êtes dur avec moi... je n'ai pas spécialement le sentiment de l'être avec L'Eté...

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  5. Je voulais dire qu'il vaut sûrement mieux que ce tiède petit "4".

    BBB.

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  6. Euh... désolé, mais un 4 sur le Golb n'a rien de tiède...

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  7. J'ai commencé le livre de Jean Hatzfeld , mais je n'ai pas pu aller jusqu'au bout : trop dur , dérangeant . Le hasard a fait que j'ai écouté ec soir Patrick de Saint Exupéry dans "l'humeur vagabonde " sur France inter . C'est terrible à dire , mais je ne lirai pas son livre parce que je n'ai pu supporter sa voix et les intonations de celles-ci . On est bien d'accord , ce n'est pas Alexandre Jardin ou Yann Quéfelec , mais sa voix me bloque . Alors qu'il a vécu le génocide Rwandais en première ligne et qu'il semble savoir de quoi il parle ...
    Sinon, pour ceux qui seraient amenés à lire ce commentaire , je rappelle que le plus grand écrivain français vivant s'appelle Hubert Mingarelli et qu'il existe en France un libraire qui lit des livres ( si, si ) . Il tient "le cadran lunaire " à Mâcon et réponds aux mails qu'on lui envoie . Je lui dois tout un tas de découvertes littéraires et je tenais à le remercier une fois de plus .

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  8. Dernier roman : La Promesse, aux éditions du Seuil (allons jusqu'au bout, n'est-ce pas ? ^^)

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  9. Je n'ai pas encore lu la promesse . Je viens de terminer Le bruit du vent ( on imagine ce qu'un tel titre aurait donné si c'est Patrick Sébastien qui l'avait écrit ...). Magnifique . Et pas gagné d'avance ( la frontière entre minimalisme, épure et truc sans véritable fond est assez mince ( au risque de heurter certains , je mettrai Kaurismaki dans la deuxième actégorie et - pour faire preuve d'impartialité - La lumière volée ).
    As-tu déjà lu des bouquins de Robert Cormier ? ( Un auteur qu'on classe un peu hâtivement dans les auteurs jeunesse ).

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  10. J'en ai lu par la force des choses, puisque j'ai longtemps travaillé à faire lire les jeunes... j'aime bien La Guerre des chocolats.

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  11. La guerre des chocolats est très bon . A la brocante du coeur est très bon aussi . En revanche , De la tendresse est assez malsain, non ?

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  12. yesss j'en ai noté deux (mais pas le jonquet ni le rwandais, ma petite nature se rebelle rien qu'à l'idée tiens...

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  13. Ouf ! Non parce que depuis que tu lis Djian, j'avais peur que tu te mettes à présent à vider la LAL ;-)

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  14. Excellent Hatzfeld, en effet! la trilogie complète est parfaite; le dernier, "La Stratégie des antilopes", synthèse des deux premiers en quelque sorte, réunissant victimes et bourreaux rendus rapidement à la liberté et tous voués à la cohabitation, est particulièrement troublant.
    Sinon, très réussie, ta rubrique "vite lue": être aussi précis en moins de 10 lignes, c'est fort.

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  15. Ah... bah c'est gentil, merci. Quand je le fais c'est plutôt à contre-coeur, faute de temps.

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  16. as-tu lu le dernier Modiano, "l'horizon"?une merveille...mais je suis une inconditionnelle..et à mon avis, les incontournables:la place de l'étoile, rue des boutiques obscures, villa triste.

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  17. Non, je ne l'ai pas lu... et je n'ai même pas encore lu celui d'avant. Pourtant j'adore mais je ne sais pas, je crois qu'après une période où je l'ai lu, relu, re-relu s'en est suivie une période de latence. Le pire, c'est que ces deux livres je les ai achetés dès leur sortie. Je les lirai bien un jour.

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