mardi 9 septembre 2008

The Relationship of My Imprisonment - Pastiche virtuose

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Troisième roman de Russell Banks (après Snow et le très culte Trailerpark), The Relashionship of My Imprisonment est un exercice de style méconnu qui sera susceptible de décontenancer certains amateurs de l'auteur tant il leur semblera de prime abord à des années lumières d'un Sweet Hereafter ou d'un Darling .

Court mais dense, construit sous la forme malicieuse d'un pastiche des récits d'incarcérations (captivity narratives) qui se vendaient sous le manteau dans l'Angleterre des dix-septième et dix-huitième siècle, il se présente en effet comme la brève confession d'un constructeur de cercueils emprisonné pour hérésie après qu'il ait participé à des réunions instruisant le public en dehors de la tutelle religieuse. Un peu passif, un brin candide, notre narrateur ne semble pas se rendre bien compte de la gravité de sa situation, réfléchit en même temps qu'il écrit, persiste à citer la Bible... ; autant le dire on est bien plus dans le récit introspectif que dans la fresque historique... et pourtant : Banks évolue-t-il ici dans un registre si éloigné de son fabuleux Cloudsplitter ?

A vrai dire... non. En dépit d'une forme il est vrai surprenante (l'auteur a littéralement fondu son style habituellement si foisonnant dans le langage de l'époque et l'esprit de l'exercice), d'une époque en apparence loitaine et d'une carrière alors encore balbutiante, le Russell Banks de The Relationship of My Imprisonment est déjà celui qui s'imposera plus tard comme l'un des plus grands écrivains de son temps. Et si la manière diffère manifestement, le propos est on ne peut plus identique : présenter la réalité d'un rêve américain malade de son histoire et rongé par ses contradictions, qui fantasme la tolérance bien plus souvent qu'il ne la vit. Mais le plus fort et le plus troublant, dans ce roman, demeure l'étrange cheminement d'un narrateur d'abord agaçant tant il semble amorphe : dans la plupart des récits d'emprisonnement dont Banks s'inspire la captivité lime progressivement la volonté et le caractère du prisonnier (c'est particulièrement visible dans le fameux A Narrative of the Captivity and Restoration of Mrs. Mary Rowlandson)... or, dans The Relationship of My Imprisonment, on assiste à l'exact opposé de cela ; le personnage, loin de s'effondrer page après page, donne l'impression de « se remplir » un peu plus au fil des jours d'enfermement - poussant chaque fois plus loin son questionnement métaphysique. Loin de ruiner son moral ou sa psyché, la captivité semble le révéler à lui-même, comme si une fois son sort accepté son être entier devait se (re)construire à partir de là, définir de nouvelles bases et un nouveau système de pensée. Profonndément subversive, cette idée ne fait que renforcer l'impact d'un roman déjà presque parfait formellement...

A (re)découvrir de toute urgence.


👍👍👍 The Relationship of My Imprisonment [La Relation de mon emprisonnement] 
Russell Banks | Sun & Moon Press, 1983



A LIRE : la passionnante interview de Russell Banks sur Biblioblog
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