jeudi 18 septembre 2008

Cold Wave

[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°21]  
The Cement Garden - Ian McEwan (1978)

Lorsque vous prendrez The Cement Garden pour la première fois dans vos mains, vous serez tout de suite happés, vous le lirez d'une traite - il ne fait après tout que cent-trente huit pages. Vous en parlerez alors autour de vous, vous n'aurez pas le choix puisque ce sera l'un des livres les plus étonnants que vous ayez jamais lus. Et sans doute userez-vous des mêmes termes que deux générations de lecteurs avant vous : sombre, étrange, dérangeant, poisseux, puissant, bouleversant... - The Cement Garden est tout cela à la fois.

Ce n'est peut-être pas le meilleur livre du grand Ian McEwan, mais ce premier roman a assurément tout d'un électrochoc pour le lecteur (et pas que : sa parution à la fin des années soixante-dix marqua le renouveau d'une littérature anglaise vampirisée durant une décennie par sa grande sœur américaine). Jeunes mais déjà adultes, ses héros s'y inventent un monde à part, régit par des lois propres et des codes bien à lui. Froideur ? Austérité ? Evidemment : ce sont les marques de l'univers de McEwan, auteur mélomane qui en 1978 livrait un équivalent littéraire à la cold-wave de Siouxsie & The Banshees ou de Joy Division. Style épuré, chirurgical ; décorum réduit à l'essentiel, dont le moindre détail reflète l'angoisse de l'époque.

Ici, donc : le jardin. Bétonné par un père malade ne se sentant plus de l'entretenir. Autour : une autoroute inachevée dont la construction a depuis longtemps a été abandonnée. Et ce qui fut autrefois une ville, désormais vidée de ses habitants, ou détruite... à l'exception de quelques maisons, dont celle de cette famille dont bientôt les parents vont mourir l'un après l'autre. Les enfants, différents mais solidaires, restent et seuls et choisissent de faire front. En dissimulant la mort de leur mère, dont ils cachent le cadavre dans la cave. En continuant à vivre envers et contre tout, en résistant aux autres, à ce monde extérieur qui pourrait si aisément réduire en lambeaux le peu qu'il leur reste de famille.

Lord of the Flies s'installant au cœur d'une ex cité ouvrière anglaise ? On n'en est pas loin. On est surtout stupéfait par l'aplomb (sans mauvais jeu de mots) d'un Ian McEwan conjuguant merveilleusement émotion et sens iné de l'absurde. Partant d'un fait divers à la sordide banalité, il parvient à recréer un monument de poésie, ménageant quelques éclats d'humour impromptus et réservant même, parfois, une petite place pour l'espoir. C'est peu dire que quelques lignes suffisent à nous faire tomber sous le charme de ces quatre gamins paumés tentant de faire perdurer la vie au milieu du chaos industriel leur servant de berceau. Symboliquement pelotonnés les uns contre les autres, ils imposent la chaleur au froid... l'image est aussi simple que son traitement - c'est principalement ce qui plaît dans ce livre. Parce qu'il est plus lumineux que ne le laisse croire son résumé, parce que le côté délibérément glauque de l'histoire ne suffit pas à faire oublier qu'il s'agit avant tout d'une magnifique histoire d'amour fraternel... parce que c'est cela, outre la virtuosité de Mc Ewan, que l'on en retient des années après, au moment de le relire...


Trois autres livres pour découvrir Ian McEwan :

Black Dogs (1992)
Amsterdam (1998)
Astonement (2001)
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